Grand Theft Auto : San Andreas

  • Lancé en octobre 2004 sur PS2, puis sur PC et Xbox l'année suivante
  • 23,62 millions d'exemplaires écoulés

Le pitch : Après cinq années passées à Liberty City suite au décès de son frère, Carl "CJ" Johnson revient à Los Santos pour les funérailles de sa mère, assassinée. Et dès son arrivée, des ripoux le font chanter, avant qu'il ne découvre que son gang n'a plus la mainmise sur son quartier. Tel est le point de départ d'une quête qui va le mener bien plus loin que les ruelles de son enfance...

Des maisons crasseuses, des bagnoles défoncées et des échauffourées entre bandes rivales à tous les coins de rue, le cadre de GTA : San Andreas rappelle immédiatement celui du film Boyz N the Hood, une parenté avec le cinéma soulignée par une vidéo d'introduction réalisée avec le moteur du jeu et fournie sur DVD avec la bande son. Cet opus aurait donc pu se résumer à une simple guerre des gangs, l'extension du territoire étant l'une de premières mécaniques de gameplay introduites avec l'usage des tags à la place des colis cachés. D'autant que le recrutement d'acolytes et le timide retour d'une dimension multijoueur coopérative vont dans ce sens. Mais l'aventure ne tarde pas à quitter la banlieue de Los Santos, pour se poursuivre à San Fierro puis à Las Venturas, des mégapoles séparées par d'immenses zones rurales, forestières et même désertiques. Cette échelle sans précédent donne une toute autre envergure à l'épopée de CJ. Surtout que ce héros, auquel le rappeur Young Maylay prête sa voix, fait preuve de bien plus d'humanité que les tueurs impitoyables auxquels la série nous a habitués. Par conséquent on s'identifie davantage à ce personnage, ce qui permet de développer la facette RPG de cet épisode bien au delà de la notion de respect.

The American Way of Life

CJ évolue ainsi selon ses activités, à commencer par sa maîtrise accrue des véhicules via les écoles de pilotage. De même, son apparence change en fonction du temps qu'il passe à faire du sport, comme de la musculation ou l'apprentissage de techniques d'arts martiaux au gymnase. L'alimentation joue aussi un rôle important, puisqu'il doit manger régulièrement sous peine de maigrir dangereusement, ou de prendre du poids si l'on abuse du fast-food. Enfin on peut modifier instantanément son look, qu'il s'agisse de vêtements, d'accessoires, de sa coupe de cheveux ou de tatouages, de la même façon que l'on a loisir de customiser les bolides avec des pare-chocs clinquants, du nitro ou des suspensions hydrauliques. En somme, GTA San Andreas permet de mener une existence virtuelle, qui comprend également les relations avec d'autres protagonistes. Les passants se montrent plus crédibles et volontiers bavards, mais CJ a surtout la possibilité d'avoir des petites amies, dotées de leur propre emploi du temps et de goûts spécifiques. Si les rendez-vous correspondent à leurs attentes, leurs liens avec CJ se renforcent, jusqu'à ce qu'elles l'invitent à prendre un café et le fassent dès lors bénéficier de divers services...

Hotter coffee

Ces moments d'intimité ponctués de gémissements devaient se passer à l'abri des rideaux, cependant un moddeur ne tarde pas à découvrir qu'une portion de code désactivé donne accès à des mini-jeux nettement plus explicites. S'ensuit un déchaînement médiatique, attisé par le déni de Rockstar qui blâme les hackeurs, puis une levée de boucliers des revendeurs, avant que la classe politique et la justice ne s'en emparent. Bilan : des milliers d'exemplaires rappelés et retirés de la vente pour être remplacés par des versions "corrigées" (le vibromasseur et le godemiché qui jouent à la fois le rôle d'armes et des cadeaux pour les copines survivent étonnamment à cette censure), vingt six millions de Dollars versés par TakeTwo dans le cadre d'une class action, et neuf heures passées par Sam Houser devant une commission parlementaire réclamée par Hillary Clinton. Autrement dit un beau gâchis, alors que ce contenu plus érotique que pornographique visait à repousser une fois de plus les frontières du jeu vidéo, à l'instar de San Andreas dans son ensemble. Car en plus de son ton plus mature, cet épisode constitue un phénoménal espace de liberté, dont on peut dorénavant contempler la richesse avec une caméra manuelle pour couronner le tout.

Freedom

Quel autre jeu donne l'opportunité de foncer dans le canyon aux commandes d'un hydroglisseur jusqu'à un jet, pour survoler les montagnes rocheuses et se poser en parachute au beau milieu d'une avenue très semblable au célèbre Strip de Las Vegas ? Aucun, tout comme San Andreas multiplie les occupations de manière exponentielle jusqu'à un nombre ahurissant. Cela se traduit par un panel de mouvements élargi, puisque le héros sait ENFIN nager, une aptitude extrêmement utile, à la fois pour éviter les noyades absurdes jusqu'alors inhérentes à la série, mais aussi pour explorer les fonds marins à la recherche d'huîtres. De même, il est capable d'escalader des murs et de se déplacer avec discrétion (Manhunt est passé par là), ce qui l'aide dans l'un de ses nouveaux hobbys, le cambriolage. Et en parallèle du billard, du casino, des jeux d'arcade, des séances de tir au panier et de triathlon le week-end, la liste des activités inclut des tâches moins glamour telles que la prise en charge des voitures des clients à l'hôtel et le transport de toutes sortes de marchandises, y compris des prostituées... De quoi être submergé, au point de se réfugier dans l'une des très nombreuses planques, désormais équipées de décors intérieurs plus ou moins confortables. Mais même là, la radio se fait entendre, et témoigne encore de ce foisonnement en matière de musique ou de publicités parodiques, diffusés aléatoirement en prime. Derrière cette dérision que renforce le casting de protagonistes parfois hauts en couleurs, les évènements n'en demeurent pas moins dramatiques, a fortiori lorsqu'ils reflètent des faits réels à l'image des émeutes de Los Angeles en 1992. Indubitablement, l'humour de GTA devient plus acide...

L'anecdote : La mission intitulée Body Harvest permet de prendre les commandes d'une moissonneuse batteuse, extrêmement efficace d'ailleurs pour faucher des groupes d'ennemis. C'est un clin d'oeil au jeu éponyme développé en parallèle du premier opus de GTA par DMA Design, une oeuvre qui se montrait très ambitieuse dans son approche du monde ouvert, et déjà en 3D.