Trois ans après Sifu, le studio français Sloclap effectue un virage aussi inattendu que cohérent. Après les arts martiaux, il prolonge sa maîtrise du corps avec Rematch, un jeu de foot arcade dont la bêta a déjà conquis plus de 150 000 joueurs !
Loin de singer les mastodontes que sont EA Sports FC ou eFootball, Rematch propose une expérience en ligne nerveuse, à la fois facile d’accès et plus technique qu’il n’y paraît. Grâce à des parties rapides en équipes de 3 à 5 joueurs, il se pose comme un petit ovni à la Rocket League. Mais pour subsister sur un terrain très concurrentiel, tout bon jeu-service doit parvenir à se renouveler et partager du contenu engageant à long terme. Sloclap est-il parvenu à trouver une formule avec suffisamment de potentiel ? Nous avons eu l’occasion de le tester sur PS5 avant sa sortie, le 19 juin. Voici ce qu’on en retient !
Un univers dans l'ère du temps à la Sloclap
Certains jeu-service jouent la carte du lore à fond, mais pas Rematch. Pour autant, le titre ne manque pas de personnalité ! Esthétiquement, Sloclap nous ressert sa patte artistique si identifiable depuis Sifu et carrément dans l’ère du temps. Les personnages ont des traits anguleux, un peu comme ce qu’on peut rencontrer sur la série d’animation Arcane. Avec ce style cartoon, ça fonctionne très bien et la direction artistique colorée et légèrement surréaliste est somptueuse.

On peut alors dire que même s’il commence tout juste à se dévoiler, l’univers de Rematch en met déjà plein les yeux. Les terrains prennent la forme de grands aquariums délimités par des murs invisibles qui affichent différents décors, tels des écrans (vous avez dit Black Mirror ?). Dès lors, les gradins peuvent laisser place à toutes sortes de décors fantastiques ou futuristes : grande ville, désert aride, forêt enchanteresse... Là où le gameplay se rapprocherait du dessin animé Foot 2 Rue, il y a quelque chose dans cet univers qui parlera particulièrement aux nostalgiques de Galactik Football ou aux fans bien plus récents de l’anime Blue Lock.
Mais avant de poser le pied sur la pelouse, à vous de créer votre propre légende du sport. Après un court prologue qui introduit les mécaniques du jeu, vous avez tout le loisir de personnaliser votre propre joueuse ou joueur. Les options de départ ne sont pas extrêmement poussées, mais elles permettent tout de même de donner vie à un personnage bien à soi. Sloclap a même pensé à proposer un vieillissement de l’avatar, du vitiligo ou encore des prothèses de jambes et de mains. Vous pourrez même essayer de reproduire des têtes connues, d’autant plus si de nouveaux cosmétiques sont disponibles avec le temps. Pour l’instant, disons qu’on a juste ce qu’il faut à disposition. On en aimerait davantage, mais le cœur du jeu réside évidemment sur le terrain.

Un terrain de jeu (presque) sans règle dans Rematch
Avec Rematch, ne vous attendez pas à une simulation de foot pure et dure. Bien au contraire, Sloclap se défait de nombreuses règles pour se donner la liberté de réinventer les règles afin d’en revenir au plaisir premier du ballon rond, sans pour autant lâcher la complexité du sport. Cela veut dire qu’il n’y a pas de faute, pas de corner, pas de touche, pas de hors-jeu. Si on devait comparer, Rematch lorgnerait donc vers FIFA Street, ou aujourd’hui le mode Volta d’un EA FC, et plus encore vers Rocket League. Très arcade, il mise sur l’agilité des corps dans une vue à la troisième personne qui nous place directement sur le terrain. Plongé au cœur du jeu, on ressent intensément le frisson du match grâce à une formule rapide et nerveuse où chacun peut occuper chaque poste.
En effet, pas de casquette prédéfinie. On respawn aléatoirement à n’importe quel poste de la formation à chaque remise en jeu, rappelant ce que proposait Harry Potter Champions de Quidditch l’an dernier, mais avec plus de liberté. Tout le monde peut donc devenir attaquant ou défenseur selon la posture qu’il veut adopter. C’est la même chose pour le rôle de gardien, dont on écope soit quand la partie reprend, soit en étant le premier à entrer dans la surface de réparation. À nous alors de nous adapter selon les besoins pendant le match, ce qui invite à être hyper réactif et polyvalent. Pas de répit certes, mais c’est aussi ce qui rend les rencontres si stimulantes.

Comme évoqué, on prend part à des matchs de 6 min en équipe de 3, 4 ou 5 joueurs au choix (sauf en match classé où on est obligatoirement 5). La taille du terrain ne variant pas selon l’effectif, la manière de les aborder est forcément différente puisqu’on ne va pas jouer de la même façon. La capacité à changer de poste est alors plus ou moins sollicitée. Jouer à quatre, et plus encore à cinq, est peut-être le plus intéressant car l’équipe peut vraiment s’organiser et occuper tout l’espace. En revanche, à trois le terrain est si vaste que la dynamique peut vite être brisée malgré la possibilité de jouer avec les murs invisibles pour faire des rebonds. En ce sens, l’intérêt de la partie dépend grandement du niveau des joueurs ; on peut passer d’une rencontre chaotique et à des affrontements intenses et stratégiques si chacun maîtrise un peu le champ des possibles en matière de technique. Et de la technique, il en faut !
Un gameplay affuté où la précision est reine
C’est là que la simplicité du foot rime avec profondeur de jeu. Rematch est a priori facile d’accès, mais il cache bien son jeu ! Le gameplay repose sur des combinaisons de touches très simples pour réaliser aussi bien les passes que les tirs ou les gestes techniques. On peut prendre le temps de se familiariser avec elle en solo grâce au mode d’entraînement. Celui-ci comporte en plus des objectifs de points pour encourager à s’exercer et à se dépasser, bien que les paliers maximums soient aisés à atteindre. Mais c’est une bonne manière pour permettre à chacun de partir sur les mêmes bases. On ressent le fun dès le départ et il ne fait qu’augmenter au fur et à mesure !
Pour affûter votre technique, un mode de jeu libre est lui aussi disponible hors-ligne. À vous le terrain vide pour mettre en pratique ce que vous avez appris et tester tout un tas de combinaisons envisageables. C’est là qu’on commence à voir qu’au-delà des gestes simples, la direction du personnage va jouer sur votre action. Aller sur le côté ou en arrière ne donnera pas le même dribble qu’aller en avant. D’où l’intérêt de tester pour tout découvrir ! Mais même si on sent que Sloclap a l’habitude des jeux de combat où ce type de mode est incontournable, on regrettera qu’on ne puisse pas s’entraîner avec des bots, voire entre amis. Ç’aurait été pertinent et tellement plus bénéfique pour s’améliorer…

D’autant plus qu’une fois le match lancé, on constate bien que la maîtrise n’est pas innée ! Rematch requiert beaucoup de précision et ça, ce n’est qu’avec la pratique que ça peut venir. Que ce soit pour faire des passes ou marquer, notamment dans le feu de l’action, viser juste devient un vrai challenge, surtout avec deux méthodes différentes. D’un côté, on tire avec un lock-strafe à la Ratchet & Clank. C’est-à-dire qu’on cible non avec le personnage, mais directement avec la caméra à l’aide d’un réticule central. De l’autre côté, la visée libre, plus à la EA FC 25, sert pour les passes. On oriente alors le geste à l’aide du stick ou de la souris, de manière décorrélée avec le mouvement du joueur. Pour autant, la difficulté, même si elle est parfois frustrante, incite à faire toujours mieux et rentre dans cette logique totalement addictive de Rematch.
Aussi, il adopte une caméra placée derrière notre personnage. On a donc peu de lisibilité du terrain, ce qui risque de dérouter les habitués des FIFA et autres PES. Cela brouille tout de suite l’appréhension de l’espace et de l’action, mais c’est également ce qui nous immerge si bien et rend les parties hyper nerveuses. On est constamment aux aguets pour ne pas manquer la balle, surtout qu’elle n’est pas toujours très visible malgré un symbole à l’écran qui nous oriente dans sa direction lorsqu’elle sort du champ de vision. Cela dit, on peut se reposer sur une mini-carte en option pour situer les joueurs à proximité et voir comment le jeu s’organise autour de nous. Là aussi, ce sera frustrant pour certains, mais ce point de vue est nécessaire pour retranscrire la dynamique fiévreuse de Rematch.

Notons que la visée pure n’est pas la seule compétence capitale pour l’emporter. S’il arrive qu’un gardien inattentif s’avance un peu trop sur la surface de réparation et qu’on marque en tirant depuis le but adverse, c’est relativement exceptionnel. Ce sont surtout les gestes techniques qui peuvent vraiment faire la différence. Savoir anticiper et manier la balle d’une roulette, d’un dribble ou d’un coup du sombrero est grisant, encore plus quand on passe la défense adverse. Et je ne vous parle même pas de réussir une reprise de volée bien placée après un rebond sur un mur ! Grâce à deux-trois combinaisons de touches et une direction différente du joueur, le gameplay de base cache bien des possibilités. On s’amuse alors à expérimenter et à essayer de reproduire certaines démonstrations des autres joueurs.
On dirait donc que Sloclap a trouvé la recette qu’il fallait pour rendre son titre accrocheur. Même s’il est répétitif dans sa forme, comme la majorité des jeux-service, il nous rappelle vite à lui. Bien sûr, on fait fasse à certaines attitudes courantes dans les jeux en ligne. Il y a ceux qui la jouent solo et courent vers le but sans faire attention à leurs coéquipiers, ou ceux qui quittent la partie en cours de route s’ils perdent. Un système d’IA de remplacement ne serait donc pas de refus par exemple. Mais dans l’ensemble, les matchs nous surprennent toujours et leur rapidité donne envie de relancer une partie dans la foulée. Du moins, pour le moment. Car Rematch vient seulement d’entrer sur le terrain et il va devoir prouver sa force sur la durée.
Sloclap voit sur le long terme avec un modèle qui a fait ses preuves
Bien qu’il soit payant (25 € pour l’édition standard sur PC et consoles), Rematch est un jeu-service avec ce que cela implique. On retrouve donc un modèle de Battle Pass, appelé ici le « Passe Capitaine », auquel on adhère via la monnaie premium du jeu (les Quants). Il permet de débloquer des éléments cosmétiques soit pour votre personnage, soit pour le stade. Mais certains peuvent aussi être acquis grâce à la monnaie standard (les Blocks) que vous engrangez simplement en jouant. Sur le fond, ce n’est pas indispensable, mais certains y verront un intérêt, tandis que ça garantira un revenu régulier au studio avec un tarif à partir de 9,99 € les 1100 Quants, sachant que le Passe Capitaine coûte 1000 Quants par mois.
La monétisation va même plus loin avec la boutique in-game du jeu, qui propose aussi toutes sortes d’éléments pour personnaliser votre personnage. On peut d’ailleurs s’attendre à des collaborations futures avec des noms iconiques si le succès tient sur la durée. Sloclap s’est même déjà offert les services de la légende du foot brésilien Ronaldinho pour être l’ambassadeur du jeu (vous savez, le joueur qui apparaît sur plusieurs jaquettes de FIFA Street). Un skin à son effigie est même disponible dans la boutique et ce n’est qu’un début. Il serait aussi très sympa de voir un vrai lore se développer, un peu comme Fortnite a su le faire en mêlant ses propres héros à des skins hyper référencés. Rematch permet pour l’instant de jouer le coach Gabi par exemple, un personnage du prologue qui sert d’introduction au titre. Alors pourquoi ne pas poursuivre sur cette lancée ?

En outre, Sloclap montre clairement qu’il a une vision à long terme. Le studio prévoit déjà plusieurs saisons et des modes supplémentaires, y compris en solo. Vu comme il parvient à se montrer efficace avec le peu qu’il propose pour son lancement, le potentiel est colossal. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’à la « Saison 0 ». Mais nous devrions commencer à avoir un aperçu de ce qui nous attend avec les premiers événements, à la fin du mois d’août. Si Rematch réussit à proposer du contenu suffisamment engageant et fun, il pourrait devenir un véritable incontournable. D’autant plus qu’il a déjà trouvé une identité bien à lui dans le champ des jeux de foot !

Carton jaune pour la technique de Rematch
Malgré l’engouement au premier abord, il faut relever quelques fautes pour Rematch. Le fait est que même si le jeu est plutôt fluide et joliment retranscrit à l’écran sur PS5, il recèle pas mal de petits bugs dont on se serait bien passé. Ne serait-ce que dans les ateliers d’entraînement, on a pu assister à des apparitions d’adversaires fantômes ou des soucis très ponctuels dans les contrôles.
Mais c’est en ligne que les soucis sont les plus importants. La stabilité n’est pas suffisamment au rendez-vous. On note des ralentissements réguliers ou encore du clipping des joueurs à cause de souci de connexion. Pas de crash à l’horizon de notre côté, mais il est courant de voir un joueur figé sur le terrain en raison de problèmes de connexion. Avec des effectifs aussi réduits, c’est immédiatement dommageable sur l’action. Plus que ça, c’est frustrant, que ça arrive dans notre équipe ou celle adverse ; il n’y a pas de plaisir à marquer dans ces conditions. De plus, même si un joueur peut être remplacé rapidement après déconnexion, ce n’est pas toujours le cas. Heureusement, ça ne représente pas la majorité des parties, mais cela arrive sufissamment souvent pour le souligner.
Enfin, les matchs classés posent aussi question. Entre l'early access et les premiers jours qui ont suivi sa sortie, le matchmaking ne nous a pas semblé très pertinent avec des différences de niveau notables pour le moment. Il va donc falloir un peu de temps pour que le tri se fasse et que le système de rank devienne vraiment pertinent. Heureusement, on trouve facilement des joueurs avec qui faire une partie en heure de pointe quel que soit le mode de jeu, mais un meilleur équilibre est indispensable dans ce cas précis. Espérons donc que cela sera amélioré rapidement pour une expérience fair-play.