Flavien Stirnemann

2016, ou l'année flottante. Je ne sais pas pour vous, mais difficile, en cette fin d'année, d'accepter le bilan suivant: Nous sommes entrés dans le quatrième année de la current-gen. Et j'ai toujours tendance à l'appeler la « next-gen ». C'est dire à quel point, malgré le succès commercial et la démocratisation toujours grandissante du medium, il est difficile de fixer dans le temps la période comme ce fut le cas pour les précédentes.

L'arrivée des consoles 1.5 (PS4 Pro, X-Box One S, Switch (je taquine)), la VR, ou encore les nombreux cas de jeux mal finis, patchés, incomplets, laissent les joueurs comme moi dans cette impression de flottement. Une interminable période de transition côté hardware. Côté software, heureusement, les créateurs du monde entier transcendent ces problématiques économiques, et les huitres qui codent ont pu fournir leur quota de perles, comme chaque année. De quoi remplir son disque dur et vider son compte en banque de manière régulière, étant serein de pouvoir finir le bijoux de la semaine avant d'enchainer.

Et en fin d'année, patatras : En moins de deux semaines sont lâchés les fantasmes ambulants FFXV et The Last Guardian. Une si longue attente pour une si petite fenêtre de jugement... Un cadeau de noël sadique dans cette perspective d'objectivité critique. A quand le 13ème mois ? Pas que je me plaigne, au contraire... sur ce, j'y retourne !

TOP 3

  1. Inside
  2. Uncharted 4
  3. Firewatch

J'ai fini FFXV juste avant d'écrire ce top. Il ne s'y trouve donc pas. Ne nous méprenons pas, j'y ai pris un pied d'enfer. En revanche, comme toute expérience émotionnelle forte, elle demande un temps d'incubation nécéssaire pour pouvoir l'appréhender à sa juste valeur. Ce sont donc trois autres expériences ayant eu le temps d'être digérées qui se trouvent sur le podium.

Playdead revient avec un remake K.Dickien de son culte Limbo, en y enlevant tout le gras, et en boostant la densité de son univers. Une hallucination de 2h (faites-le d'une traite, de préférence) qui se pose comme digne héritier des oeuvres d'Eric Chahi. A mon sens le chef d'oeuvre de l'année, une narration sans un mot qui utilise toutes ses caractéristiques ludiques pour questionner, déranger, manipuler, et... convertir.

De leur côté, les Naughty Gods viennent s'installer dans leur place réservée, un sans faute pour les Pixar du jeu vidéo. Une recette classique affinée à l'extreme, et dont la présentation balaye d'un revers de main toute concurrence. On a jamais été aussi proche d'un film d'aventures interactif, et l'adieu fait à tous ces personnages essore le coeur tout en laissant le joueur serein, chez lui, à avoir envie de rebrancher la psx pour se faire une petite partie de Crash Bandicoot. Brillant et confortable, à défaut d'être risqué ou novateur.


Mais la plus grosse surprise vient de Firewatch, dont l'épure et la sensibilité totale nous plongent dans cette narration traitre. De la première minute, bouleversante, à la dernière, sadiquement à contre-temps, le jeu de Campo Santo dégage d'une véritable impression de vie. Le jeu, avec son coeur gros comme ça, procure des effets similaires à la lecture d'une nouvelle. Aux rives du fantastique, les aventures silencieuses de ce garde-forestier hantent longtemps après avoir éteint la console. Une véritable expérience, entre le walking simulator et la légende urbaine, qui, comme beaucoup de jeux cette année, recentre in fine son attention vers la question humaine, la plus importante qui soit.

Un leitmotiv qui poursuivra les plus beaux jeux de cette année (FFXV, Virginia, SOMA, qui auraient eu leur place sans l'écrasante brillance de leur concurrents). Le jeu vidéo, qu'il soit blockbuster ou indé, ramène son désir de conter des histoires vers l'intime, en une éternelle quête d'âme qu'elle a déjà trouvé chez nous, les joueurs, son miroir.


FLOP 3

  1. Rise of the Tomb Raider
  2. Dark Souls 3
  3. No Man's Sky

N'étant pas du genre à faire de flops, me voilà obligé de « tricher » en proposant sur le podium deux jeux que j'ai véritablement apprécié, et un jeu auquel je n'ai tout simplement pas joué. Quelques explications s'imposent :

Rise of the tomb raider est un bon jeu. Qui frôle l'excellence dans ses meilleurs moments, quand les planètes s'alignent. Mais la dernière aventure de Lara Croft est pour moi coupable du pire crime possible dans un jeu de cette ambition : Il n'a aucune âme. C'est un jeu creux, sans affect, un conglomérat de passages obligés, de personnages inconsistants. Un game-design de l'entre deux qui tente de lier le meilleur du blockbuster linéaire à une ouverture de son espace aussi frustrante qu'agaçante. Tomb Raider ne sait jamais ou placer le curseur, et sa nouvelle Lara, expurgé de toute personnalité autre que son désir d'aventure, font suivre cet appel à l'exotisme d'un oeil torve. Le reboot de la série avait pour lui son atmosphère de survie, ce côté borderline de voir cette poupée de chiffons dépasser les épreuves. Le jeu propose, de manière isolée, plusieurs choix de gameplay passionnants, mais dont la mayonnaise n'est jamais montée de mon côté. Le jeu est à la fois trop long et trop court, trop dispersé et pourtant étriqué. Et que Crystal Dynamics s'achète des scénaristes, please.

Le cas Dark Souls 3 est différent. C'est même pour moi une expérience tout à fait satisfaisante. Son grand tort ? Passer après Bloodborne, qui avait sur, que cela soit manette en main ou dans sa direction générale, renouveler une saga qui commence à éprouver sa recette. Le baroud d'honneur des Souls, sous forme de best-of, reste toujours aussi chronophage, inquiétant et bourré de challenges. En revanche, comme Lara plus haut, il lui manque ce soupçon d'âme, une âme probablement restée à Yarnham, en attendant la suite. Une semi-deception que l'on peut prendre pour un encouragement.

Vient enfin le "scandale" No Man's Sky. Une certaine idée de l'esbroufe totale, qui faisait miroiter un véritable simulateur de Magellan spatial. Le monde entier retenait son souffle, conscient qu'une partie de notre cerveau criait à l'arnaque, mais voulant à tout prix accueillir ce concept sans jeu apparent. A l'image de l'époque, No Man's Sky est un charognard de fantasmes, un jeu qui rêvait de se vendre sur sa couverture. Avec les conséquences que l'on connait. Une décharge d'endorphines sur les premières heures, une promesse, puis le culte du vide. Emballez, c'est pesé. Tellement qu'on le rembourse en masse. Résultat : L'un des plus gros sentiments d'arnaques pour un jeu payé au prix fort. Enfin, à ce qu'il paraît. J'en sais rien, je n'y ai pas joué. Mais j'ai pourtant réussi à être déçu ! 2016, l'année ou même les jeux auxquels on ne joue pas permettent de rejoindre la cohorte des haters. En attendant l'édition Game of the year, qui ne devrait en toute logique pas porter son nom !