Prince of Persia The Lost Crown oublie l’action-aventure en 3D et opte pour le metroidvania en scrolling horizontal. Un changement de cap brutal et surprenant, mais que l’on va rapidement comprendre puisque le titre est développé par Ubisoft Montpellier. Le studio, on le connaît très bien puisque ce sont ses développeurs à qui l’on doit les excellents Rayman (Origins et Legends) ou encore Prince of Persia : Les Deux Royaumes .C’est donc une semi-prise de risque. Si le changement de direction aura de quoi désarçonner les puristes, il n’empêche que le studio sait de quoi il parle et cela se sent de bout en bout.

Le grand retour de Prince of Persia ne perd pas de temps

Lors de ma première prise en main de ce Prince of Persia The Lost Crown, j’avais plutôt apprécié le voyage. Un jeu dynamique, bien fini, intéressant, mais j’étais loin d’imaginer que je n’avais finalement gratté que la surface, là où je pensais plutôt avoir vu une bonne partie de ce que le jeu allait proposer sur le long terme. Pas du tout.

Dès le départ, Prince of Persia commence sur les chapeaux de roue. Une très jolie cinématique nous explique que la Perse est souffrante. Les récoltes sont mauvaises, le peuple faiblit et une armée ennemie en profite pour semer le chaos. C’est en plein champ de bataille que l’on fera connaissance avec notre héros, Sargon, l’un des Sept Immortels, sorte de commando de soldats très puissants ayant tous une particularité faisant d’eux des légendes. Notre jeune Sargon lui, est capable de se mouvoir avec une aisance déconcertante. Il manie les lames comme personne et sait jouer de la voltige quand il le faut.

C’est d’ailleurs ce que nous apprendrons les premières minutes du jeu, succession de petites phases de plateforme et de combats, saupoudrées de quelques pop-up de tutoriel. On apprend les bases, on sait que l’on peut rebondir sur les murs, enchaîner les combos avec seulement deux touches et qu’il est possible de parer et contre-attaquer certaines capacités adverses avec le bon timing. On est dans le très classique. Ce que l’on ne sait pas à ce moment précis, même après avoir battu le premier boss du jeu faisant office de prologue, c’est que ce n’est qu’une infime partie de ce que va nous proposer ce Prince of Persia quelques heures plus tard.

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Les cinématiques ne sont pas légion, mais elles sont terriblement classes.

Un metroidvania pur sang, des environnements et un bestiaire variés

Après quelques minutes en tout cas, la guerre est terminée et lors des festivités pour se féliciter de la victoire, le jeune Prince de Perse se fait enlever sous nos yeux. Ni une ni deux, on poursuit les agresseurs avec toute notre clique jusqu’à une gigantesque Citadelle prisonnière du Temps. C’est ici que commence réellement le voyage. C’est dans cette forteresse titanesque et ses environs que l’on va passer les vingt prochaines heures.

Prince of Persia The Lost Crown respecte à la lettre la plus pure tradition des Metroidvania, à l’instar d'Ori pour ne citer que lui, véritable ténor (récent et du même calibre) du genre. On a donc rapidement accès à un monde ouvert et interconnecté que l’on pourra explorer à notre guise, ou presque. Il faudra en effet déverrouiller pléthore de capacités pour être en mesure de se faufiler dans chaque recoin de l’immense carte qui se dessinera d'elle-même au fil de nos pérégrinations. En ce sens, le level design est totalement réussi.

La zone de jeu est vaste et variée. Bien que l’on soit censé se balader dans une sorte de gigantesque forteresse, il s’avère que l’on découvrira des biomes drastiquement différents, tant dans leur ambiance que dans leur manière d’être abordés. Il y a eu un vrai travail, une vraie recherche pour non seulement rendre le tout très cohérent en imbriquant chaque zone entre elles et en douceur, mais aussi pour offrir des expériences différentes presque à chaque fois.

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Certains environnements sont glauques à souhait.

De vastes décors sur les sommets, permettant à la caméra de se reculer davantage afin de nous offrir de superbes panoramas, une forêt à la fois maudite et onirique, mais aussi des égouts meurtriers et des catacombes étouffantes où, au contraire des grands espaces, la caméra nous colle et resserre notre champ de vision. Une zone particulièrement retorse d'ailleurs, sujette au sursaut et qui rappellera certains souls-like par moment, tant dans l'ambiance que dans l'approche artistique, presque horrifique. Prince of Persia The Lost Crown va vous en faire voir de toutes les couleurs, c’est peu de le dire.

Tout aussi varié que ses environnements, le bestiaire saura lui aussi surprendre. Soldats maudits, faunes dangereuses, boss colossaux, il y en a pour tous les goûts. Un répertoire qui ratisse large et nous offre du challenge dans la foulée. Si certaines créatures ne nécessitent pas vraiment de stratégie pour être abattues, d'autres en revanche ont des points forts et des faiblesses qu'il faudra prendre en compte. Bouclier, capacité de récupérer d’une chute, magie, altérations d'état… ce n’est pas de tout repos, loin de là. Sans compter qu'il arrive parfois que l'on se retrouve à devoir en affronter plusieurs à la fois, ce qui demande un peu de jugeote. Frapper ses touches comme un malade ne fonctionnera que dans les difficultés les plus basses, mais dès le mode normal (ou supérieur), il faudra faire preuve de stratégie.

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Ça va piquer !

De l'accessibilité à l'exigence, une difficulté à la carte

Tout en restant accessible, Prince of Persia The Lost Crown offre tout de même pas mal de challenge. Il sera même exigeant dans les plus hauts niveaux de difficulté. On pourra d’ailleurs personnaliser son expérience à la volée en passant par les options, une nouvelle fois très nombreuses, c’est devenu une coutume chez Ubisoft et on le saluera ici encore. D'entrée, on pourra notamment choisir de lancer le jeu en mode guidé, avec des indicateurs sur la carte, ou Exploration, sans aucune aide autre que des marqueurs personnalisés à poser soi-même.

Avec cette seconde option, le jeu offre une nouvelle dimension à l’exploration, plus stimulante. Quelques dessins nous aident à se repérer sur la carte, sans compter que le jeu intègre un système d’image mémorielle permettant à Sargon de se souvenir d’une zone en particulier. Du côté du joueur, c’est l’équivalent d’un screenshot que l’on pourra prendre à n’importe quel moment et qui sera affiché sur notre carte. Parfait pour marquer les chemins inaccessibles sur le moment afin d’y revenir plus tard.

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Les toits du monde !

Une exploration récompensée et intéressante

L'exploration est le cœur de l’expérience. Si lorsque l’on est guidé, on a vite fait de suivre la trame, sans rien on avance un peu à tâtons. Un PNJ vous vendra tout de même quelques informations pour vous guider un tantinet si vous le souhaitez. Du coup, on explore davantage et en général c’est récompensé par tout un tas de collectibles échangeables contre de l’équipement notamment. Et le jeu ne lésine pas sur les secrets. Mur illusoire, couloir étriqué bourré de pièges, petit boss pour garder les salles aux trésors cachées hors des chemins principaux… sortir des sentiers battus est aussi dangereux que gratifiant.

Comme une volonté de marquer un retour aux sources, ce Prince of Persia met également le paquet sur les phases de plateforme. Les pièges sont parfois retors et demandent pas mal d’agilité pour être franchis, sans compter qu’en avançant, on débloquera plusieurs pouvoirs nous permettant davantage de nous mouvoir et il faudra bien souvent savoir utiliser l’intégralité de nos compétences pour pouvoir s’en sortir. Le jeu regorge de passages ardus et ultra grisants à passer. Des sauts presque millimétrés, des changements de dimension qui demandent agilité et timing, ou encore des phases de puzzle-plateformes qui demanderont en plus de la dextérité, pas mal de reflexion.

Chaque mécanique de jeu que l’on apprendra sera utilisée et mélangée à d’autres. Que ce soit en combat (contre les boss par exemple) ou lors des phases de plateformes. En résulte un jeu simple en apparence, qui se révélera finalement terriblement intelligent d’autant que chaque nouveauté nous sera apprise petit à petit, sans que l’on s’en rende vraiment compte, signe d’un level design et d’un game design, ingénieux.

On ne se sentira donc jamais pris par la main, l’illusion fonctionne et sera accentuée en mode Exploration justement. Prince of Persia The Lost Crown est extrêmement agréable à parcourir et pas redondant pour un sou même s'il nous fait parfois faire quelques allers-retours. Il y a toujours quelque chose à découvrir, un chemin que l’on n’avait pas encore exploré ou des objets à aller chercher. Quelques checkpoints, des arbres dorés, vous permettront de recharger vos points de vie et de sauvegarder votre progression ici et là. Plutôt bien disposés, certains auront même des points de voyages rapides à proximité pour faciliter vos déplacements, et ce n'est pas plus mal compte tenu de la taille de la carte.

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Bon là c'est exceptionnel, les arbres Wak Wak ne sont pas aussi gros en général.

Un Prince of Persia plus profond qu'il n'y paraît

Au cœur de ce labyrinthe à grande échelle se trouvera notre havre de paix. Un hub où plusieurs PNJ nous proposent leurs services. Des marchands nous permettant d’acheter des améliorations, des amulettes ou encore d’améliorer notre équipement pour devenir toujours plus puissant. Le jeu ne s'enlise toutefois pas dans un trop-plein d’objets et de builds. On n'a pas vraiment de grosses composantes RPG à se mettre sous la dent si ce n’est l’amélioration des quelques bouts d’équipements que l’on débloque en avançant, ou la possibilité de porter des amulettes dotées d’effets et de statistiques uniques. C’est suffisant, mais ça ne sera pas de trop pour affronter les boss notamment, des ennemis coriaces, souvent très classes et parfois difficiles. Un effort a été mis ici, et certains combats seront vraiment mémorables.

D’autant que le système de combat de ce Prince of Persia est plus que grisant. Vraiment simple pourtant puisqu’il ne fonctionne finalement qu’avec une touche nous permettant de donner des coups d’épée. Mais à cela s’ajoute un système de parade, pouvant donner lieu à de superbes contre-attaques animées à condition d’avoir le bon timing, quelques armes supplémentaires, mais surtout des capacités qui permettront d’ouvrir de nouveaux combos. Ces pouvoirs, les mêmes qui nous serviront pour les phases de plateformes, pourront être utilisés pour se battre et créer des enchaînements soudainement aussi classes qu’efficaces. Prince of Persia cache bien son jeu. On notera aussi de puissantes capacités à déclencher moyennant une ressource, Anthra, sorte de mana local que l’on chargera en combattant. Avec ces pouvoirs, on pourra généralement infliger d’importants dégâts, contrer des attaques, exploser des ennemis en plein vol ou alors se faire une petite cure de soin bienvenue. Il faudra toutefois faire un choix, puisqu’on ne pourra en embarquer qu'un nombre limité avec nous.

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Les traditions ne sont pas oubliées, on se baladera dans des égouts dégoutants.

Il n’empêche que ces compétences sont redoutables d’efficacité en plus de donner lieu à des animations franchement réussies. Globalement de toute façon, Prince of Persia The Lost Crown a la classe. Il n’est pas sublime, techniquement c’est très propre, mais on aurait apprécié plus de détails, notamment sur les personnages, même si la direction artistique souhaite volontairement épurer cette partie. C’est coloré, stylisé et souvent artistiquement recherché. Certains arrière-plans séduisent sérieusement la rétine, que ce soit avec leur compositions qui tapent souvent dans le mille, ou grâce à de jolis effets de lumière.

Très inspirés et très variés, les environnements que l’on traversera auront beau avoir déjà été vus ailleurs, ils feront toujours mouche. En revanche, si les références sont nombreuses, la thématique des " Mille et Une Nuits ", pourtant presque indissociable de l’univers d’origine, est ici bien moins présente qu’auparavant. Bien moins en tout cas que Les Sables du Temps ou que les tout premiers Prince of Persia. The Lost Crown est plus moderne, ça se voit dans sa structure, mais aussi dans ses effets bleutés ici et là par exemple. Un choix qui ne plaira peut-être pas aux puristes, mais qui fait le job. On notera au passage que sur PS5, le jeu tourne en 4K à 120fps, une fluidité de tous les instants qui fait vraiment plaisir.

Même son de cloche du côté du sound design, réussi, ou des doublages, que vous choisissiez la VF ou la VO. Rien à redire. La bande originale quant à elle n’est peut-être pas aussi mémorable qu’elle aurait pu l’être, mais elle remplit largement son office et l’on se souviendra tout de même de quelques thèmes ici et là.

Certaines idées sont excellentes.