Dans les années 90, pendant l'âge d'or des "jeux de plates-formes à mascottes," les constructeurs de consoles avaient eux aussi leur représentant virtuel. Comme chacun le sait, Nintendo était représenté par Mario et SEGA par Sonic. Quand Sony est rentré dans la danse en 1994, il n'avait pas de mascotte. C'est donc Crash Bandicoot, héros créé par Naughty Dog (avant son rachat par Sony) aux premières aventures réussies, qui s'est retrouvé bon gré mal gré dans le rôle de mascotte officieuse de la PlayStation.

Ce triangle amoureux Crash Bandicoot-Naughty Dog-PlayStation a mené à la création d'une trilogie de jeux de plates-formes et s'est poursuivi jusqu'à ce que Naughty Dog prenne ses distances avec la licence, une fois le spin-off Crash Team Racing commercialisé en 1999. Et même si Crash Bandicoot a été plus mal loti par la suite en termes de qualité de jeux, le personnage a continué de bénéficier de l'amour des joueurs PlayStation pour ces trois premiers titres made in Naughty Dog. Souhaitant tirer sur la corde nostalgique des possesseurs de PS4, Activision, le propriétaire de Crash Bandicoot, a décidé de remasteriser les trois premiers épisodes et de les proposer en tant que compilation.

Lifting réussi

Dès qu'il est question d'un remake ou d'une remasterisation, le travail effectué sur les graphismes du jeu est bien évidemment scruté. Tous les environnements ont été actualisés et ont gagné en sophistication, tout en restant fidèles aux créations originales de Naughty Dog. La modélisation des personnages est elle aussi réussie, avec une mention spéciale pour les animaux, même ennemis, qui sont souvent bien mignons (superbe cet effet de fourrure). Les héros, Crash et Coco Bandicoot, ont logiquement bénéficié d'un soin tout particulier et sont toujours très expressifs. Autre élément à souligner : la manière qu'a eu Vicarious Visions de reproduire et intégrer les différents éléments comme l'eau et le feu. Même si c'est un détail, la pluie est par exemple bien retranscrite dans le jeu. À noter par ailleurs que le rendu du jeu est très bon sur les PS4 normales. Il ne souffre par exemple pas d'aliasing ou de problèmes de ralentissements (seuls les temps de chargement auraient mérité d'être plus courts, mais cela n'est pas lié aux graphismes). Les utilisateurs de PS4 Pro ne seront donc pas les seuls à profiter d'un titre agréable à l'oeil.

Si le résultat est dans l'ensemble vraiment satisfaisant, il convient malgré tout de remarquer quelques niveaux en deçà des autres. Et le pire, c'est que Vicarious Visions n'y est pas pour grand chose. Le niveau en jet-ski de Crash Bandicoot Warped paraît par exemple extrêmement vide sur PS4. Mais les décors du niveau original sur PlayStation étaient déjà très peu fournis... Le studio en charge de la remasterisation s'est donc contenté de moderniser ce qui était déjà là. Pour un jeu de 2017, cela fait un peu cheap. Autre petit regret : il aurait été appréciable de pouvoir passer de la version 2017 aux versions originales à la pression d'un bouton (comme ce qu'il était possible de faire dans Halo : Combat Evolved Anniversary par exemple). Mais en l'absence du code source des jeux PSOne, Vicarious Visions n'avait pas la possibilité de proposer cette option.

C'est bon, mais c'est dur

Pour qui a déjà joué aux trois épisodes originaux de Crash Bandicoot, la première chose qui surprend lors de la première partie de N.Sane Trilogy est la fidélité avec ces derniers en termes de sensations de jeu. Les automatismes reviennent de manière immédiate. C'est d'autant plus impressionnant qu'une fois encore, les développeurs de cette compilation n'ont pas eu accès au code source des jeux PSOne. Cette compilation rappelle en tout cas le travail de qualité effectué à l'époque par Naughty Dog en matière de Level Design. Même s'il s'agit de titres en 3D, ils ne proposaient pas des niveaux ouverts à la Mario 64. En revanche, ils utilisaient les différentes possibilités offertes par de la plate-forme 3D avec un angle de caméra fixe.

Les niveaux inclus dans cette compilation peuvent par exemple demander au joueur de progresser vers le fond du décor et de voir les obstacles venir, ou de fuir vers l'avant pour éviter un objet ou un personnage qui menace d'écraser le héros, et donc de découvrir les dangers au dernier moment. Les développeurs originaux ont également utilisé la verticalité ou encore des niveaux à défilement automatique. Même si certains parcours peuvent finir par se ressembler dans leur structure, il est indéniable qu'ils proposent tout de même une certaine variété en termes de gameplay. Et il faut également admettre que le challenge est souvent relevé. La progression par l'échec est de mise dans N.Sane Trilogy (en raison des obstacles qui apparaissent au dernier moment ou encore de la gestion très pointilleuse des sauts) et chaque utilisateur doit s'attendre à vivre de nombreux Game Over. Mais un peu de challenge, ça n'a jamais tué personne (à part Crash).

Pour les fans de la première heure

Cela étant dit, les personnes qui ont suivi l'évolution des jeux de plates-formes depuis 1999 trouveront peut-être ces trois remasterisations dépassés. Et les joueurs qui n'ont jamais apprécié les Crash Bandicoot ne changeront pas d'avis en jouant à cette compilation. L'essentiel étant de faire honneur aux oeuvres originales, il est possible de dire que Vicarious Visions a dans l'ensemble fait un excellent travail. Crash Bandicoot : N.Sane Trilogy soulève en tout cas une interrogation quant à l'avenir sur consoles de Crash Bandicoot. De nombreux joueurs nostalgiques réclament depuis des années le retour du "grand" Crash, en citant les épisodes réalisés par Naughty Dog comme exemples. Malgré ses qualités indéniables, cette compilation montre que la licence aurait besoin de choses en plus pour s'imposer de nos jours. Est-ce qu'Activision dispose des talents (et de l'envie) pour donner à Crash une aventure inédite digne de ses illustres ancêtres ? Seul l'avenir le dira. En attendant, les fans de la première heure pourront passer un bon moment en se rappelant du bon vieux temps en jouant à N.Sane Trilogy.