Que le spectacle commence. King of Meat, le nouveau titre édité par Amazon Games, a allumé les caméras de son show TV virtuel et invite joueuses et joueurs à monter sur la scène d’un jeu aussi fun que mortel. Du moins, c’est sa promesse.
Derrière son humour potache, King of Meat cache un concept qui a de quoi éveiller la curiosité du public. Monté de toutes pièces par le studio Glowmade, il s’empare des codes des jeux de télé-réalité pour les transformer en une succession d’arènes truffées de pièges et d’ennemis pour mettre au défi toutes celles et ceux qui oseront monter sur sa scène, seul ou à plusieurs. Voué à durer en tant que jeu-service, il ne manque clairement pas de potentiel. Pourrait-il devenir l’une des nouvelles références en matière de party games multijoueur ? Disponible sur PC, Xbox Series X|S et bientôt sur Nintendo Switch, c’est sur PS5 que nous l’avons testé. Voici notre verdict.
Un show TV joyeusement satirique
Pas facile de trouver sa place dans le champ des party games en ligne. En plus de toutes les récentes itérations, certains leaders, Fall Guys en tête, laissent peu de place pour que les nouvelles propositions se démarquent. Pour autant, Amazon Games a décidé de tenter sa chance. Il a missionné Glowmade, studio anglais émergent qui ne manque pas d’imagination, pour la réalisation de l'original King of Meat et son concept bien à lui : créer un jeu d’action coopératif accessible et fun sous forme de grand show télévisé dans un univers d’heroic fantasy. Ça fait beaucoup d’éléments sur le papier, mais l’équilibre est bien trouvé.

En jouant à fond la carte du lore de l’émission télé, Glowmade parvient à mettre sur pied un titre avec une identité forte. Nous commençons l’aventure en créant notre petite brute armée que nous dirigerons pour prendre part à la compétition qui se joue dans les arènes de ce fameux plateau télévisé. Plusieurs types d’épreuves nous y attendent, sous forme d’une succession de salles remplies d’ennemis et d’énigmes, ou celle d’un véritable parcours du combattant façon Ninja Warrior, ou tout ça à la fois. Et comme nous sommes “à la télévision”, chaque plongée dans un donjon est commentée du début à la fin par une voix-off qui ne manque pas d’humour. On a beau endosser le rôle d’un chevalier bigarré, rien ne se prend au sérieux ici.
Mais au-delà de ses airs de farce médiévale, c’est tout un petit monde organique qui se tisse en coulisses. Car l’aventure ne se passe pas que sous les feux des projecteurs. En dehors du plateau TV, on navigue sur une place centrale où s’activent les PNJ — régisseurs et autres figurants faisant office de monstres à défaire — ainsi que les autres concurrents connectés en même temps que nous. C’est ici qu’on trouve toutes les échoppes où se fournir en skins, pour soi et ses armes, en techniques spéciales et même en éléments pour habiller son profil. Pour un début, le contenu de personnalisation est déjà bien fourni et varié, permettant vraiment d’exprimer la personnalité de son chevalier, autant par les tenues que les accessoires. Nul doute que certains ne trouveront qu’un intérêt limité dans tout ce qui est esthétique. À ce moment-là, ils pourront se tourner vers l’achat de techniques spéciales à la place. De ce côté-là, il y a un panel intéressant pour un début, mais un peu plus limité. À voir donc comment les équipes envisageront de développer cet aspect. Il y a matière à faire.

Il faut aussi noter que l’économie du jeu est très simple. Puisque King of Meat n’est pas un free-to-play, on sent qu’il se montre plus généreux. Plusieurs monnaies in-game sont au cœur du système et chacune se récolte plutôt aisément, juste en jouant. Cela permet d’avoir une progression dans l’acquisition des divers éléments cosmétiques ou de gameplay, tout en encourageant à s’investir dans le jeu. Qui plus est, notre personnage gagne des niveaux au fur et à mesure qu’il remporte de l’expérience. Ainsi, on débloque de nouvelles armes et capacités, mais aussi des éléments de personnalisation. Cela fait qu’en dépit d’un coût à 29,99 € pour tenter l’expérience. Mais on a accès à une tonne de contenus gratuits.
Par ailleurs, le studio ne s’est pas contenté de multiplier les skins pour donner de la personnalité à son jeu. Nos premiers pas dans King of Meat sont guidés par un léger habillage scénaristique qui nous trimballe d’une boutique à l’autre entre deux épreuves. C’est une façon simple et efficace de nous familiariser avec le hub et les fonctionnalités du jeu. Mais, au-delà de ça, Glowmade déploie un effort dément pour donner corps à son univers. D’abord, la grande majorité des dialogues de la plupart des PNJ principaux sont doublés. De plus, on a droit à une ribambelle de cinématiques en animation 2D traditionnelle qui donnent son ton au jeu. On est littéralement face à une parodie des jeux TV et des univers de fantasy, et même une satire de la société du spectacle sous toutes ses formes. Mais le studio ne se contente pas de faire des blagues : il met en scène sa galerie de personnages, qui dévoilent des liens, des rivalités, des amitiés… On se prend vite au jeu, se délectant des pastiches de marques (la parodie de la conférence Apple ou des pubs FedEx, un régal) autant que de cette ambiance farfelue et légère. Il pourrait aller encore plus en profondeur en proposant un véritable mode scénarisé. Mais, déjà, peu de party games en ligne vont aussi loin et avec autant d’audace dans leur couche narrative.

King of Meat, le plaisir de la baston et du chaos
C’est dans cette joyeuse ambiance parodique qu’on prend part aux épreuves de King of Meat. On se lance dans l’arène, équipé d’une arme de mêlée et à distance. Si on a d’abord accès à un combo épée-bouclier couplé d’une arbalète, l’arsenal se diversifie rapidement en faisant monter de niveau son personnage. Car on acquiert de l’expérience en jouant, ce qui permet d’avancer sur la frise d’évolution du héros pour débloquer de nouveaux skins, mais aussi de nouveaux équipements. Enfin, pour frapper un grand coup, on dispose d’attaques spéciales. Celles-ci se révèlent bien utiles pour repousser les adversaires ou regagner de la vie. La prise en main se fait très simplement à la DualSense avec des touches instinctives. Ainsi, le jeu se veut accessible et mise sur la simplicité avec un gameplay qui mélange hack’n’slash et plateforme.

Malgré tout, bien que l’humour gras du jeu soit très sympa, un peu plus de finesse dans le gameplay n’aurait pas été de refus. Les combats chaotiques peuvent vite se muer en un brouhaha visuel, au point de perdre en lisibilité et donc en tension. Cela vaut aussi dans les phases de plateforme. Les sauts manquent en effet de réactivité, surtout quand il faut ajuster la trajectoire dans les airs. Cela entraîne malgré nous des chutes potentiellement fatales et surtout frustrantes. On prend quand même du plaisir globalement, même si davantage de précision dans la maniabilité serait un vrai plus et pourrait permettre plus de richesse à l’expérience.

Une fois les mécaniques en tête, plusieurs modes de jeu s’offrent à nous, avec du contenu qui réinvente plus ou moins la traversée des arènes de l’un à l’autre. L’avantage est que vous pouvez les parcourir aussi bien en multi coopératif jusqu’à 4 joueurs qu’en solo. Il y a d’abord le multijoueur classique, qui fait la part belle au hack’n’slash et beat’em up. À chaque lancement d’une partie, à vous de choisir parmi les décors aléatoires proposés à la difficulté variable. Plutôt fun, c’est peut-être le mode qui paraîtra le plus répétitif, surtout si vous jouez seul ou avec des inconnus. La boucle est souvent la même, avec un enchaînement de salles semblables qui vont soit vous inviter à explorer pour trouver des coffres ou clés cachés par exemple, ou à bastonner une horde d’ennemis. À moins de jouer avec un bon groupe d’amis, vous risquez d’attendre les autres joueurs. Typiquement, certains ne suivent pas le rythme et traînent en arrière, alors que leur présence est nécessaire pour passer à la pièce suivante.
Si on cherche un challenge plus corsé et addictif, c’est vers le mode événementiel qu’il faut se tourner. Proposant des défis temporaires avec des classements internationaux, il ne peut pas se permettre d’être trop plan-plan. C’est pourquoi les épreuves sont plus intenses. La défaite est bien plus au rendez-vous, donnant justement l’envie de retourner tête baissée dans la mêlée. Qui plus est, Amazon Games compte visiblement sur des collaborations de choix pour attirer du monde sur King of Meat grâce à ce mode. La preuve avec un premier événement thématique aux couleurs du plus gros youtubeur au monde : MrBeast. Les équipes de Glowmade ont conçu des défis à son image, à base de parcours d’obstacles mettant à l’épreuve nos réflexes, et d’enchaînement de salles pleines à craquer d’ennemis pour des affrontements chaotiques et redoutables. Clairement, cette partie du jeu a tout pour titiller l’âme compétitrice de celles et ceux qui n’aiment pas abandonner après un premier (ou un vingtième) échec.

Mais King of Meat ne se contente pas de ces deux modes. Les habitués du genre pourraient avoir tendance à laisser de côté la partie solo. Permettez-moi de vous dire que ce serait une erreur. D’abord, elle comprend une section qui fait office de tutoriel pour appréhender les différentes armes et mécaniques de jeu. Chaque présentation s’enchaîne rapidement et toujours avec humour, ce qui donne envie d’aller au bout. Ensuite, elle dispose d’une autre section qui apporte un peu d’originalité.
De fait, ses donjons laissent partiellement de côté la dimension combat au profit de la résolution d’énigmes. Il s’agit par exemple de trouver comment accéder à des interrupteurs en hauteur ou bien les activer de loin pour ouvrir une porte et continuer de progresser. Ici, King of Meat délaisse les démonstrations de grand show TV. Il adopte à la place une ambiance plus intimiste et inquiétante. L’enjeu est dans ce contexte est d’aller à la rencontre de personnalités du lore disparues dans de mystérieuses conditions. Ce changement de ton, toujours soutenu par une bonne dose de comédie, colle tout à fait avec la variation d’approche dans les niveaux. On comprend bien que le jeu de Glowmade est loin de n’avoir qu’une seule facette.
D’ailleurs, ce n’est pas le seul mode à le démontrer, le quatrième et dernier le prouve aussi. Du moins, si les joueurs se donnent du mal pour le faire. Ce dernier mode est dédié à tous les défis créés par la communauté. Ainsi, on accède à toute une panoplie de donjons conçus par d’autres joueuses et joueurs. Bien sûr, tout n’est pas sensationnel. Néanmoins, on peut avoir de bonnes surprises et on sent que certains ont vraiment de la suite dans les idées.
D’autant plus que, la conception de niveaux est très abordable dans King of Meat et on y est rapidement initié si on suit le scénario d’introduction. Il permet d’agencer des salles quasiment selon notre convenance, puis de les aménager avec des éléments de décor, des items avec lesquels interagir et, évidemment, des ennemis. On peut aussi changer l’ambiance, que ce soit le filtre de l’image, plutôt lugubre ou western à titre d’exemple, la lumière du soleil ou encore la musique. Tout ce contenu se débloque là aussi en jouant, ce qui encourage finalement à s’investir dans ce fameux show virtuel pour décupler nos possibilités. Là encore, ce n’est peut-être pas le mode dans lequel on passera le plus de temps, mais il a du potentiel. De très belles choses pourraient en ressortir et inspirer les équipes de Glowmade.
King of Meat assure le spectacle visuel et sonore
À mi-chemin entre Takeshi’s Castle et un cartoon d’Adult Swim, King of Meat séduit immédiatement par sa direction artistique. Les couleurs saturées, les effets de particules explosifs, les coupures pub en 2D et même les transitions d’émission TV, tout concourt parfaitement pour nous immerger dans ce show TV virtuel pas comme les autres. Glowmade s’en sort en plus aussi bien en 2D qu’en 3D. Loin de se desservir, les deux pattes graphiques se complètent bien. D’autant que le style se rejoint entre les deux. On a un ensemble cohérent qui ne demande qu’à s’épanouir davantage avec une plus large variété de décors et d’ennemis. Pour le moment, les équipes ont tout misé sur l’aspect médiéval et gothique. Cela dit on espère qu’elles sauront explorer d’autres pistes pour offrir des arènes toujours plus diverses.
Plus que ça, on en prend également plein les oreilles avec King of Meat. La comédie omniprésente trouve aussi un écho dans la bande-son qui joue sur les sonorités kitschement épiques. Certes, on aimerait un peu plus de thèmes différents, surtout dans les donjons qui s’éternisent et où ils peuvent devenir trop répétitifs. Néanmoins, ils s’inscrivent parfaitement dans l’univers. On mentionnera également les bruitages aussi absurdes que grotesques, entre le son exagéré des impacts et ceux d’attaques spéciales, comme le rot répulsif, qui collent totalement à l’humour régressif du jeu. Enfin, il faut applaudir l’effort d’un doublage complet, en français qui plus est, avec un casting qui se démène pour donner du relief à des personnages pourtant secondaires. La performance de chacun est tout bonnement irrésistible.
Techniquement, King of Meat assure le show sans réel faux pas. Sur PS5, le jeu tourne parfaitement, sans ralentissement. Même dans les moments de chaos total où les ennemis débordent de toutes parts, le rendu reste parfaitement fluide. On appréciera en plus les petites attentions pour tirer profit des retours haptiques de la manette DualSense, comme une légère résistance du pistolet par exemple. Ça apporte toujours un soupçon d’immersion supplémentaire. Par ailleurs, nous n’avons pas non plus rencontré de bug particulier, à l’exception des phases de test de nos propres donjons. De fait, avant de finaliser notre parcours, il faut le tester. Or, à ce moment-là, les ennemis ne disparaissent pas toujours et peuvent polluer encore le décor. Cependant, cela advient dans un contexte de rodage bien spécifique.
En revanche, il y a un point plus problématique à noter : le matchmaking. Il faut bien sûr prendre en compte le fait que le jeu est sorti il y a moins d’un mois. Malgré tout, c’est toujours frustrant de se retrouver dans des files d’attente interminables, sans personne pour nous accompagner, en particulier dans les défis événementiels. On se résout alors à jouer en solo, ce qui est tout de même dommage pour un titre multijoueur. Proposer une large variété de contenu dès le départ est à double tranchant.
À la fois, cela permet de virer sur un autre genre de modes si on commence à se lasser quelque part tout en montrant tout son potentiel. En même temps, si trop peu de gens sont au rendez-vous, c’est la mort assurée pour un jeu-service, surtout les party games. Or, à 29,99 € la version standard, King of Meat va vraiment devoir faire ses preuves pour attirer le public face à tous les free-to-play qui peuplent la scène vidéoludique.






