Tout ce que vous allez lire ici va vous sembler d'une banalité affigeante. Vous les lecteurs de Gameblog, vous les joueurs réguliers, vous les habitués de la communauté. Mais apparemment, d'autres ont un peu de mal avec ce qu'ils ne connaissent pas, au point de dire de grosses âneries...tout ça au nom des lieux communs.

Je m'appelle Olivier, j'ai 35 ans et je joue aux jeux vidéo.

Ah ce que j'aime dans cet exercice, c'est que je vais pouvoir parler de moi. Me justifier, m'expliquer, me forcer à convaincre, j'ai toujours trouvé ça agréable. Aussi, quand je me fais maltraiter pour ce que je suis, une partie de mon esprit se dit "Chouette, voilà un sujet de conversation que je connais bien". Alors quand l'ouverture du débat se fait sous la ceinture avec littéralement des arguments d'un autre siècle,  autant le dire de suite: Je jubile! Je jubile à l'idée de défoncer avec peu d'efforts ce que d'autres ont construit avec peu de talent.

Un peu comme dans les jeux vidéo en somme, puisque l'on peut finalement voir dans ce genre d'attaque à mon encontre une sorte de boss de fin de niveau, bien moche et bien bourrin, à l'intelligence artificielle basique et qui ne demande qu'à être éclaté par ma lame acérée. Disons qu'à défaut d'y prendre systématiquement du plaisir, je suis au moins sûr d'être dans mon élément et d'en comprendre le mécanisme.

En tout cas, pour être bien clair, je tiens avant tout à poser les bases de mon article. Je réagis simplement à la moquerie de l'équipe de Nagui sur France Inter, qui fait suite à celle d'Antoine De Caunes, laquelle fait aussi suite à je ne sais combien d'articles, d'émissions, de reportages, de réactions politisées ou de commentaires de mon entourage professionnel ou personnel. Le joueur de jeu vidéo y est dépeint de façon assez maladroite. Parfois violent, parfois anti-social ou non socialisé, parfois graine de chômeur ou s'entraînant au jihad, parfois en échec scolaire et parfois en gros lard, parfois irresponsable et parfois sans goût, parfois en enfant éternel et parfois sans réelle culture.

Voilà comme on me voit? Voilà comme on voit mes amis, mes partenaires de jeux, mes lecteurs et ceux que je lis ici? Une armée de gros bouffons et bouffonnes affalés dans leur canapé sans but positif? Ah ben pour le coup... je crois qu'on ne se connait pas. Une mise au point s'impose.

Je m'appelle Olivier, j'ai 35 ans et je joue aux jeux vidéo. Mais n'allez pas croire que cette phrase me définisse. Il n'existe évidemment aucune phrase assez longue, aucun livre assez gros, aucune bibliothèque assez grande pour me définir. Mais je joue aux jeux vidéo, c'est vrai. Et plusieurs heures par semaine. Je trouve ça plus intéressant que la politique ou la religion, mais l'un n'empêchant pas l'autre, vous trouverez surement dans la nature quelques individus qui cumulent ces 3 tares. Moi les miennes sont plutôt jeux vidéo, musique et lecture. Ah oui parce que je lis aussi. C'est vrai que ça peut vous sembler incompatible, mais ça ne l'est pas. J'aime les romans et les grandes sagas comme je peux tomber amoureux d'un film, d'un dessin, d'un chemin à parcourir à vélo ou d'un riff de guitare. Je ne me donne pas de limite, pas de cadre, pas de case. Pourquoi je le ferais? D'autres le font déjà pour moi.

Bon, il ne faut pas être défaitiste ... ça aurait pu être pire. J'ai une pensée pour de nombreuses catégories de personnes. Les joueurs de jeux de rôle, les amateurs de foot, les mélomanes du métal, les lecteurs de Musso et Levy, les femmes, les hommes, les jeunes, les vieux, les contrôleurs des impôts, les politiques, les présentateurs télé, les chômeurs, les Arabes, les Juifs, les croyants et les autres. Non pas que ça ne soit pas marrant de se moquer un peu. Attendez, on n'est pas non plus coincés du fondement au point de ne pas apprécier la dérision, quelle que soit la cible. Mais le problème qui se soulève ici et se montre comme un gros monstre, c'est le refus de comprendre la différence. Quand on parle de l'humour juif par exemple, je le trouve particulièrement drôle quand il est fait par des juifs pour des juifs car il utilise les codes de cette communauté et les détourne à sa manière pour que la communauté rie d'elle même. Aussi j'adore quand la communauté des jeux vidéo se moque et tourne en dérision ses propres codes. Quand elle se moque de mes habitudes, de mes automatismes, de mes tares de joueur. 

Par contre, quand on me traite d'imbécile ou d'illettré... je ne ris pas. Pas par manque d'humour, je précise! Mais parce que ce n'est pas drôle. Parce que ce n'est PAS DRÔLE! Ce qui vous anime sur le moment, à vous qui faites vos discours ou vos débats, c'est cette dérision qui n'est finalement que l'expression de votre difficulté à admettre que vous ne connaissez pas ce milieu. Puisque vous ne me connaissez pas, vous utilisez bêtement l'image que vous vous faites de moi pour me tourner en bourrique. Je suis gros, je suis limite analphabète, ça vous rassure de me voir comme ça. Et puis comme je suis absent, vous ne risquez pas de me voir vous opposer ma répartie. En psychologie, on appelle ça du dénigrement et c'est, il faut l'admettre, un sport bien reconnu de notre espèce. Tiens, si vous avez 2 minutes supplémentaires à m'accorder, lisez donc ce lien :

Pourquoi médire nous fait tant plaisir

Sincèrement, prenez le temps de le lire, parce que c'est probablement la clé de nos relations futures. Oui parce que le joueur de jeux vidéo que je suis regarde aussi un peu la télé, écoute un peu la radio, lit quelques journaux et met quelques bulletins dans l'urne, à l'occasion. Et comme moi et mes confrères représentons désormais près de 80% de la population, ce serait dommage de passer à côté... je suis même sûr que vous y trouverez là votre intérêt.

Oui parce que quand votre intérêt est en jeu, là tout à coup, ça revire, ça change de bord, ça courbe l'échine jusqu'à lécher les polygones de nos doigts de pieds. Ca s'excuse même. Ca fait le buzz, ça se prend une fessée et ça revient la queue entre les jambes. A se demander si ce n'était pas fait exprès... non parce que quand Nagui fait une publicité pour Mario kart et pour Nintendogs, on se dit qu'il fait partie de la famille. Pas forcément le hardcore gamer qui passe des dizaines d'heures par semaine, mais au moins un casual qui apprécie ce médium. Aors que là, après ce "bad Buzz Event", on se demande un peu si on ne se fait pas pigeonner. Ce n'était donc vraiment qu'une question d'argent? Mince, la sympathie en prend un coup. Rien de grave, mais quand même.

Et puis nous, les joueurs, de notre côté on se demande quelle image on véhicule de nous. D'ailleurs il est peut être là le problème. Vous avez vos Nadine Morano, vos Laure Manaudou, vos intellectuels et vos spécialistes. Et nous? On a qui pour nous défendre, pour argumenter, pour débattre, expliquer et démontrer. On a qui pour blaguer sur notre propre sort histoire de faire tomber les clichés. Ben pas grand monde... mais bon c'est normal on passe notre temps à jouer! Me dites pas qu'il n'y a "que" Juliette parmis les célébrités (NB: Juliette, je t'adore, j'adore ta musique et tes mots, si un jour tu veux boire un café, je te l'offre et je t'embrasse!!!!)??? Ben non, y a  pas que! Sauf qu'on les invite pas pour parler du fond du problème, pour parler jeu vidéo. On survole, on s'en sert à peine comme avec Florent Manaudou. En gros, ça ressemble toujours à du business et toujours aussi peu à de l'intérêt réel.

Parce que moi en tant que joueur et amateur de ce medium, je trouve votre culture vidéoludique au raz des pâquerettes. C'est un peu comme si votre culture cinématographique se résumait à Rambo, Les Transformers, Saw, et que vous en parliez en boucle du genre: "C'est violent, c'est ringard, c'est idiot". Un peu comme si votre connaissance du livre se résumait à "Merci pour ce moment" et "Harry Potter". Ca se vend mais c'est inintéressant? Et bien je ne trouve pas ça normal. Il n'y a pas assez de Jean Zeid à la radio, pas assez de Leïla Kaddour et surtout pas assez d'animateurs assez ouverts d'esprit pour comprendre que la culture du jeu vidéo est en marche, qu'elle touche beaucoup de monde et qu'elle est bien plus hétéroclite que vous ne l'imaginez. Au point qu'il me parait difficile d'imaginer que vous soyez un jour à la page, particulièrement avec l'état d'esprit que vous affichez actuellement.

Tant de bijoux à côté desquels vous passez impassibles pour jeter votre dévolu sur des lieux communs. Ah, ça, vous les aimez les MMORPG sur lesquels quelques malades mentaux ratent des repas comme des nuits de sommeil. Vous kiffez nous raconter les débordements violents d'amateurs de Call of Duty comme les entraînements d'extrêmistes sur Grand Theft Auto. Par contre, quand le jeu vidéo manie avec excellence histoire et intérêt ludique, à l'image de "Soldats inconnus - mémoire de la grande guerre" vous êtes quasiment absents. Quand de nouvelles portes de la réflexion sont ouvertes avec Hideo Kojima ou David Cage, vous n'y prêtez aucune attention. Vous vous pavanez avec vos articles, vos lois, vos émissions vos débats, sans que le fond ne soit jamais abordé. Un bouc émissaire, un faire valoir, un buzz. Voilà ce que vous cherchez. Voilà pourquoi vous appuyez sur mon dos. Voilà ce que vous offrez à votre public, persuadé que c'est ce qu'il cherche et qu'il attend.

Mais notre culture ne vous attend pas pour avancer. Elle encaisse les coups et se montre capable de les rendre. Twitter, Facebook, Forums et vidéos. La réponse n'est pas toujours élégante, mais elle est à la mesure de l'attaque. Idiote, bourrine et maladroite. Critiquez intelligemment et vous aurez plus de réponses intelligentes, de voies de débats. Nous mêmes sommes d'excellents critiques à l'égard de nos propres cultures, imparfaits mais passionnés, grandes gueules, trolls et fanboys compris. Et à moins que vous progressiez un minimum, à moins que vous n'appreniez un peu à nous connaître, à moins que vous rendiez compte que parmi nous il y a des amateurs de sport, de cinéma, de livres, de musique et de tout un tas de choses diverses, variées et pointues, vous nous forcerez à nous écarter de votre pseudo référence culturelle. Vous deviendrez has been à nos yeux, antipathiques, inintéressants, fantomatiques. La balle est dans votre camp, c'est donc à vous de jouer.

Olive Roi du Bocal

Articles qui peuvent vous intéresser: