Avec No Rest for the Wicked, Moon Studios entretient de grandes ambitions. Pour les réaliser, la petite équipe chapeautée par le clivant Thomas Mahler a estimé plus prudent de sortir son nouveau titre en early access uniquement sur PC. Et non directement en version 1.0 sur toutes les plateformes, comme tel a été le cas pour les jeux Ori. Et force est de constater que c’était la bonne chose à faire, un peu plus d’une semaine après sa sortie en version précoce et une vingtaine d’heures de jeu. Cette nouvelle proposition du studio se montre en effet prometteuse à bien des égards, mais a clairement besoin de finition pour étaler tout son grand potentiel. On se jette à l’eau pour vous en dire plus.

L’ambiance délicieusement Orible de No Rest for the Wicked

Sans trop entrer dans les détails de son histoire, car étant loin d’être terminée dans le cadre de cet early access, et pour ne pas trop en divulgâcher, notre aventure commence en effet en mer. Nous incarnons un Cérime, une sorte de caste de chasseurs de monstres mutants déclinante et très mal vue par ses congénères (les sorceleurs dans The Witcher, vous voyez l’idée). Nous voguons vers Sacra, une île sur laquelle la Pestilence, un mal terrible, se réveille d’une très longue torpeur et commence à infecter les habitants. Pour éviter que cette maladie ne se propage dans un Royaume déjà en proie à des conflits politiques internes, notamment du côté d’une Église toute-puissante et inquisitrice, des mesures doivent être prises. C’est là que nous entrons en jeu. En l’état, l’histoire n’a pas particulièrement retenu notre attention. Bien plus bavarde que la narration d’Ori, celle-ci nous est apparue paradoxalement moins marquante et poignante, mais cela pourrait toutefois changer au fil du développement du jeu. Nous réservons donc notre jugement quant à cet aspect de No Rest for the Wicked, qui revêt visiblement pour Moon Studios une grande importance.

No Rest for the Wicked Début
Nos premiers pas sur l'île de Sacra annoncent déjà une couleur sombre. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Avant d’essayer de trouver notre place dans ce synopsis quelque peu Game of Thronesque, nous pourrons personnaliser le visage de notre avatar, masculin ou féminin. D’emblée, Moon Studios nous interpelle par le design des personnages qui présentent une morphologie pour le moins curieuse, aux traits et attributs physiques étrangement proportionnés. Gageons qu’il s’agit là d’une manière de souligner le côté malsain de l’univers du jeu, peuplé par des gens non moins sinistres, si ce n’est parfois totalement dérangés. Nous sommes en tout cas avec No Rest for the Wicked aux antipodes de l’enchanteresse et poétique direction artistique d’Ori.

Le nouveau jeu de Moon Studios nous peint en effet une fresque sale, lugubre, où tant êtres humains que faune et flore peu à peu corrompus par la Pestilence nous veulent du mal. Malgré cette ambiance rappelant notamment celles d’illustres franchises comme Dark Souls ou Diablo, No Rest for the Wicked conserve une certaine beauté. Grâce à cette patte artistique sentant bon la bande dessinée poussiéreuse et délavée, le titre regorge de lieux et panoramas dignes d’un superbe, mais dérangeant tableau. Il peut remercier pour cela un fin travail sur les couleurs, les textures et des effets de lumière et d’ombre particulièrement convaincants. 

No Rest for the Wicked DA
Malgré son ambiance lugubre, le jeu affiche une superbe direction artistique. © Geralt de Reeves pour Gameblog

On ne peut toutefois clairement pas en dire autant au niveau de son optimisation. No Rest for the Wicked est dans un état précoce, et cela saute littéralement aux yeux. Les joueurs Steam n’ont d’ailleurs pas manqué l’occasion de le sanctionner de nombreuses évaluations négatives honnêtement justifiées pour des performances qu’on ne peut malheureusement que qualifier pour l’heure de calamiteuses. Malgré le déploiement de déjà cinq patches, le jeu est tout sauf stable. Même sur notre configuration très musclée (RTX 4080 SUPER, Ryzen 7 7800X3D, 32 Go de RAM DDR5 6 000 MHz et un véloce SSD), peu importe le niveau de qualité des graphismes, il nous est souvent arrivé de descendre en dessous des 60 FPS, voire encore plus bas par moments. En dépit d’une direction artistique réussie, l’aspect technique un brin suranné du titre ne justifie en aucun cas un tel manque flagrant d’optimisation. Espérons que Moon Studios parviendra rapidement à redresser la barre sur ce point, notamment en intégrant des solutions d’upscaling comme le DLSS ou le FSR, pour l’heure absentes.

Pour rester sur l’aspect artistique du jeu, un autre point nous a quelque peu chagriné de la part de la talentueuse équipe : sa bande-son. Celle-ci se montre à notre sens beaucoup trop discrète et très loin d'être aussi marquante que le somptueux chef-d'œuvre qu’était celle d’Ori, dont le thème principal nous émeut toujours tant d’années après. 

Après le metroidvania, le « Hack’n Souls »

Outre son ambiance résolument et délicieusement lugubre, No Rest for the Wicked se démarque également des précédents jeux du studio par son gameplay. Exit ici le metroidvania, nous prenons de la hauteur en vue isométrique pour passer à l’action-RPG. Plus précisément, un mélange entre Dark Souls et Diablo que nous aimons appeler « Hack’n Souls ». Dans des combats nerveux comme dans un Diablo, nous devrons en effet composer avec une jauge d’endurance et apprendre à esquiver ou parer au bon moment les patterns d’ennemis qui cognent fort comme dans un Dark Souls. Le mélange des deux se montre globalement réussi, notamment grâce à une grande diversité dans l’arsenal à notre disposition et le bestiaire.

À l’instar d’un Diablo, nous serons au fil de nos aventures douchés de butin aléatoire. Nous pourrons ainsi équiper notre personnage selon nos préférences dans la manière d’aborder les combats. Il est tout à fait possible par exemple de devenir un puissant guerrier en armure lourde avec une énorme arme à deux mains, un voleur agile louvoyant entre les ennemis dague et arc au poing, un mage lançant des sorts à distance, ou un mélange de tout cela. Attention toutefois, une certaine rareté d’équipement permet à notre attirail d’avoir de puissants bonus collant à notre build, mais en contrepartie un malus parfois terriblement handicapant, comme de l’expérience perdue à chaque coup pris. Il convient alors constamment de peser le pour et le contre de porter une telle pièce sur soi. Pour un premier essai, Moon Studios marque donc clairement un point s’agissant de ses combats et de son système de butin dans No Rest for the Wicked. 

No Rest for the Wicked Loot
Le système de loot à la Diablo se montre déjà plutôt convaincant. © Geralt de Reeves pour Gameblog

En parlant de point, qui dit action-RPG dit montée en niveaux. Là encore, l’inspiration à Dark Souls est (trop ?) flagrante. Nous aurons à chaque niveau trois points à répartir entre différentes statistiques que sont Santé, Endurance, Force, Dextérité, Intelligence, Foi, Concentration (la mana du jeu) ou encore Charge Équipée (oui, on peut aussi fat roll dans No Rest for the Wicked). Fatalement, selon le build que vous souhaitez faire, il vous faudra privilégier certaines statistiques pour être en mesure de porter vos armes et armures de prédilection. Nous en profitons d’ailleurs pour vous conseiller chaudement au début d’investir en priorité dans l’Endurance. Celle-ci a une fâcheuse tendance à vite s’épuiser durant les combats, et cela peut vous coûter très cher.

No Rest for the Wicked Levelling
Les vétérans de Dark Souls ne seront pas dépaysés ici. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Ceux-ci peuvent en effet se montrer assez difficiles et exigeants, mais heureusement pas autant que dans un Dark Souls. Le pinacle de la difficulté se trouve naturellement dans des boss globalement aussi impressionnants qu’intimidants. Les coups que l’on prend font très mal, et l’utilisation d’un objet de soin s’accompagne d’un long temps de recharge. À noter d’ailleurs qu’il n’est pas question ici de Fioles d’Estus, mais de plats et consommables qu’il nous appartient de cuisiner et récolter en amont. Nous reviendrons sur cet aspect plus tard. La mort peut donc nous guetter à tout moment, surtout au départ avec un personnage de bas niveau, alors que nous essayons nous-même de prendre le gameplay en main. Si le pire arrive, nous réapparaîtrons à un Murmure de Cérime, un autre clin d’œil très (très) appuyé aux feux de camp dans Dark Souls. La punition de passer de vie à trépas n’est heureusement pas si terrible, ne nous coûtant (sauf malus sur notre équipement) ni expérience ni argent perdu. Cela viendra toutefois grignoter la durabilité de notre équipement, qu’il nous faudra régulièrement réparer (oui, cette mécanique frustrante n’est pas morte, elle…).

No Rest for the Wicked Boss
Les combats (surtout contre les boss) sont une des grandes réussites du jeu. © Geralt de Reeves pour Gameblog

No Rest for the Wicked propose d’ailleurs une approche assez originale lorsque l’on meurt ou que l’on explore son vaste et lugubre monde ouvert. Pas question ici de ramener tous les ennemis défaits à la vie. À la place, nous levons au fil de nos pérégrinations un brouillard de guerre. Mais alors que nous traçons notre route, celui-ci viendra recouvrir les zones auparavant visitées. C’est là que de nouveaux adversaires en profiteront pour repeupler les lieux. Un twist pour le moins habile, qui rend la progression toujours fraîche. On salue également la grande diversité dans le level design et une exploration globalement libre faisant la part belle à la verticalité. Nous avons légitimement pris plaisir à en fouiller chaque recoin à la recherche notamment d’un coffre pouvant contenir de l’excitant nouveau butin. On pestera en revanche contre des sauts parfois imprécis du fait de la vue isométrique. Notre personnage a en effet une fâcheuse tendance à s’étaler comme une crêpe plusieurs mètres en contrebas de la plateforme que nous essayions d’atteindre.

Des fondations manquant pour l’instant Sacrament de finition

Au fil de notre exploration de Sacra, nous finirons par en découvrir la ville principale, baptisée Sacrament. Celle-ci fait office de hub central dans No Rest for the Wicked et occupe une place très importante à bien des égards. C’est en effet là que de nombreux éléments de l’histoire se développeront, et où nous pourrons vaquer à diverses occupations pour équiper notre personnage et le renforcer. Nous y retrouverons un système d’artisanat classique dans les jeux comme Diablo : forgeron, enchanteur, alchimiste, etc.

No Rest for the Wicked Artisanat
Le hub central qu'est Sacrament regorge d'artisans et d'activités. © Geralt de Reeves pour Gameblog

Mais nous aurons également pour mission de développer les différentes infrastructures de Sacrament, afin d’améliorer les services que ces artisans peuvent nous proposer. Et c’est là qu’entre en scène selon nous l’autre plus gros point noir du jeu : la gestion de l’inventaire. Comme dans bien trop d’autres action-RPG, No Rest for the Wicked prend le parti de nous imposer un nombre d’emplacements limités, que nous ne pourrons augmenter qu’en récupérant une ressource spécifique et fatalement très rare sur les boss. Ainsi, entre la myriade de pièces d’équipement, de consommables et de matériaux d’artisanat que nous accumulons, nous sommes rapidement à court de place. Nous sommes donc contraints et forcés de soit jeter de manière définitive certains éléments, soit de faire des aller-retours incessants entre le monde ouvert et la ville, nos coffres et les artisans. Nous avons perdu un temps fou et franchement dispensable à devoir nous creuser la tête pour gérer nos sacs beaucoup trop petits. 

No Rest for the Wicked Inventaire
La gestion de l'inventaire est la véritable Pestilence du jeu... © Geralt de Reeves pour Gameblog

D’autant que, pour faire passer les nombreux artisans de Sacrament au niveau supérieur, il nous faut régulièrement retourner dans des zones déjà visitées pour récupérer les ressources nécessaires grâce à divers outils comme une hache ou une pioche. Sauf que celles-ci s’épuisent rapidement et leur récolte diminue la durabilité desdits outils, qu’il nous faut donc régulièrement réparer en revenant en ville. Cette mécanique vient clairement casser une progression autrement intéressante et augmenter artificiellement la durée de vie pour les mauvaises raisons. Pour justifier ces trop constants et lassants retours en arrière, nous pouvons cela dit récupérer à Sacrament des primes, renouvelables chaque jour. Celles-ci nous permettent de récupérer argent et butin tout en farmant les composants requis pour faire évoluer la ville. Une carotte comme une autre, malgré un goût assez amer.

Toute cette partie particulièrement frustrante de No Rest for the Wicked finira toutefois par s’atténuer au fil de la progression. En avançant dans la quête principale, nous aurons notamment l’occasion d’acheter une maison (hors de prix). Dans celle-ci, nous pourrons en aménager l’intérieur pour y placer divers meubles et décorations, comme par exemple des coffres pour soulager notre inventaire rachitique. 

On attend que le prometteur No Rest for the Wicked se peaufine

Dans son état actuel qui mérite vraiment son appellation d’early access, No Rest for the Wicked est à l’image de son univers : une énorme bête difforme aux nombreux appendices qui ont du mal à s’accorder ensemble, mais qui présente un potentiel très prometteur. Pour cela, le jeu doit toutefois passer par d’importantes mutations pour atteindre une P2 éclatante digne d’un boss de Dark Souls. Le squelette d’un excellent action-RPG en vue isométrique à la Diablo est en tout cas là et se montre globalement fort plaisant dans son gameplay et son exploration. Mais plusieurs points comme notamment une optimisation et une gestion d’inventaire calamiteuses ont encore clairement besoin d’être peaufinés. Si vous êtes curieux d’essayer cette nouvelle proposition ambitieuse et légitimement intrigante de Moon Studios, nous vous conseillons donc d’attendre que cette version précoce du titre ait gagné en maturité, ou une sortie en 1.0 qui apparaît pour l’instant encore très lointaine. Nous avons toutefois bon espoir que le talentueux studio saura exploiter cette période d’early access pour nous pondre à l’arrivée une fresque aussi belle que lugubre à la hauteur de ses grandes aspirations.