La menace Xenoforme

Un conflit entre des entités technologiquement très avancées éclate aux abords de la Terre, forçant ses habitants à l'exode dans l'espace. Ils laissent ainsi le berceau de l'Humanité s'éteindre derrière eux, avant de s'échouer sur une planète inconnue, Mira. A l'abri dans ce qui reste de la Grande Blanche, leur arche interstellaire, les réfugiés doivent coloniser ce nouveau monde plutôt inhospitalier pour récolter les ressources nécessaires à leur subsistance, tout en cherchant d'autres rescapés. Voici l'intrigue de Xenoblade Chronicles X, qui n'est pas sans rappeler celle de son prédécesseur. Cet opus Wii U reprend en effet bon nombre de ses composantes, héritage spirituel oblige (et lecture de notre critique au préalable conseillée). L'aventure débute d'ailleurs par le sauvetage du héros au beau milieu d'une clairière, seulement cette fois, il s'agit d'un avatar. Mine de rien, cette différence en dit long sur l'approche narrative, malgré le mutisme dont fait toujours preuve le personnage incarné.

Avatar X ou Y

On peut cependant choisir son type de voix, plus présente que jamais lors des combats. Et en parlant de vociférations, certains protesteront à juste titre au sujet des modifications d'ordre mammaire ou vestimentaire par rapport à la version japonaise, une censure aussi ridicule que désespérante. L'absence des doublages japonais s'explique en revanche légitimement par la taille du fichier, qui frôle déjà les limites autorisées par la console. Cela n'interdit pas de les rajouter sous forme de DLC par la suite, et de toute façon, les dialogues en anglais se révèlent d'excellente facture, idem pour la traduction française. A l'exception de quelques personnalités hautes en couleurs, les protagonistes adoptent un ton assez neutre, qui permet de retranscrire les touches d'humour de manière subtile, comme dans la langue nippone d'origine. Le character design s'inscrit dans la même philosophie, les visages a priori lisses dessinés par l'irremplaçable Kunihiko Tanaka dévoilant des traits affinés, nettement plus matures que leur allure de poupée ne le laisse deviner.

Liberté d'interprétation

Avec le roman fleuve encore imaginé par Tetsuya Takahashi, une certaine complexité coulait de source. La trame centrale n'est que la colonne vertébrale d'un scénario aux multiples ramifications, et celles-ci servent non seulement à développer le background des personnages, mais aussi à raconter l'histoire dans son intégralité. Voilà pourquoi elle donne une telle liberté - sous la direction de Koh Kojima, le fidèle bras droit du père de la saga - en encourageant ouvertement l'exploration à travers une myriade de quêtes. Fort heureusement leur nature demeure identifiable, de sorte que l'on distingue aisément les tâches annexes, les missions vouées à la progression des chapitres et celles consacrées aux relations avec ses coéquipiers. Les décisions plus ou moins morales n'ont d'incidence que sur les degrés d'affinités, dont dépend l'accès aux missions d'entente, à l'instar du niveau atteint ou du pourcentage de découverte d'une région pour d'autres opérations. Il s'agit là des seules barrières dressées par Monolith Soft, non pas pour nous contraindre à suivre un cheminement prédéterminé, mais simplement pour éviter que l'on se perde.

Sculpture tectonique

L'ensemble de cet univers est en effet accessible dès le début, hormis les zones extrêmement escarpées. Et quelle ivresse de contempler de tels paysages qui s'entendent à perte de vue pour finalement s'apercevoir que ces régions vont bien au delà de l'horizon ! En outre les espaces ne se résument pas à un amoncellement de morceaux de terrain posés les uns à côtés des autres au hasard, ou suivant une méthode procédurale. Leur structure a été savamment façonnée dans l'optique d'offrir des panoramas dignes de cartes postales, quelle que soit la manière dont on les aborde. Et cette même architecture nous ramène naturellement sur les grandes voies de son exploration, tout en dissimulant malicieusement certains endroits secrets. Il arrive néanmoins souvent de se retrouver désorienté au sein de ce monde gigantesque, ce qui renforce encore le sentiment grisant d'arpenter des terres inconnues, à mesure que l'on découvre le repères et les camps établis dans la cambrousse par d'autres pionniers. Dans ce genre de situation, le recours à la carte s'impose.

FrontierPad

Elle s'affiche en permanence sur le GamePad, et s'il est possible de jouer uniquement dessus, la petitesse des polices d'écriture et la somptuosité du spectacle incitent à en profiter sur grand écran. De plus, la mablette s'avère l'outil idéal pour le travail de topographie qui constitue la mission fondamentale des membres du BLADE, à commencer par la pose de sondes. Qu'elles se destinent à extraire des ressources, mieux connaître les lieux environnants ou susciter des avantages au combat, le système "FrontierNav" permet de s'approprier le territoire, lentement mais sûrement. Cela ressemble presque à un jeu de gestion, au regard du découpage hexagonal de la planète et du management des sondes du bout du doigt, afin de changer leur type ou d'en installer des plus productives en fonction de ses besoins. Évidemment ces travaux ont un coût, largement contrebalancé par les fonds que rapportent cette activité à un rythme journalier (soit toutes les vingt quatre minutes). Les crédits et le miranium amassés peuvent être investis dans les entreprises de New Los Angeles, le point névralgique de la colonisation.

Bienvenue à New L.A.

Cette immense cité se divise globalement en deux sections, l'une à l'apparence futuriste qui comporte les quartiers administratifs et industriels, tandis que l'autre évoque la cité des anges contemporaine, avec ses boutiques et ses pavillons. La visite de ce vestige un brin artificiel de la civilisation humaine a quelque chose de fascinant, dans la mesure où il rassemble la multiplicité des inspirations résolument distinctes de Xenoblade Chronicles X. Monolith Soft a puisé tantôt dans le cyberpunk, tantôt dans l'heroic fantasy pour mélanger le tout dans ce space opera à l'identité marquée, et unique. Un éclectisme dont résonne également la bande son d'Hiroyuki Sawano, qui mixe allègrement ses orchestrations très électroniques avec la J-Pop, sans s'interdire quelques passages de rap pas toujours du meilleur goût, ni de celui de tout le monde. Par contre, les envolées symphoniques parfois accompagnées de choeurs des thèmes de chaque continent feront probablement l'unanimité, d'autant que les accents folkloriques de certains instruments contribuent à souligner leurs atmosphères si particulières.

Mira... belle

La beauté des environnements n'a d'égale que leur variété, ce périple nous emmenant des montagnes verdoyantes de Primordia jusqu'aux décors lunaires de Sylvalum, voire mercuriens de Cauldros, en passant par la jungle luxuriante de Noctilum et les canyons d'Oblivia. Techniquement, la Wii U réalise des prouesses au vu de la finesse des textures de ces contrées qui foisonnent de vie. Et le tout sans loading, à moins de pénétrer dans la caserne, l'un des rares cadres intérieurs, ou d'utiliser la fonction de voyage rapide pour se rendre illico sur un site devenu subitement très intéressant, suite à quelques mots entendus par hasard en se baladant dans les rues de New L.A. Ce principe de quasi ubiquité lie davantage la ville au monde qui l'entoure, et renforce ainsi sa cohérence. Mira n'est pas qu'un théâtre, mais l'un des principaux acteurs de l'épopée, qui s'exprime à travers de véritables tableaux changeant selon l'heure ou les conditions météorologiques, des facteurs à l'influence accrue sur la faune, et les éventuelles escarmouches.

Cri primal

Les créatures indigènes ont toujours des comportements spécifiques, qu'elles se montrent agressives, protectrices ou indifférentes vis à vis de la présence humaine. Et en dépit du message écologique encore porté par cet opus, un surcroît de sauvagerie se dégage des affrontements, à grands renforts de hurlements guerriers pour maintenir la cohésion des troupes en se hâtant de sélectionner les Arts que les compagnons réclament à cor et à cri. Ces joutes verbales ont un rôle encore plus déterminant sur le cours des hostilités, quitte à risquer la cacophonie vocale ! La dimension stratégique n'est pas en reste, avec l'ajout d'une seconde jauge de recharge des Arts, et même une troisième en Métamode, aux effets considérablement plus puissants. En parallèle, les personnage sont dorénavant dotés de deux armes switchables à tout moment, l'une pour la mêlée, et l'autre pour les attaques à distance. Ces combats en semi temps réel gagnent ainsi en crédibilité face à des ennemis volants, ou de grande taille.

Macross Gear DX

Toutefois l'appui des Skells se révèle précieux pour vaincre les adversaires les plus titanesques, a fortiori quand ils se sont mués en Tyrans, aux attributs dégénérés. Nos mechas disposent d'un armement plus massif entièrement customisable, que leur aptitude à immobiliser la cible rend encore plus efficace, sans compter les fugaces "instants cockpit" synonymes d'offensives aussi spectaculaires que dévastatrices. En somme, ils transcendent les batailles, en terme d'envergure et d'intensité. Revers de la médaille, ces Gears nouvelle génération consomment toujours du carburant, notamment en vol. L'exécution de combos d'Arts pour expédier les choses devient donc d'autant plus cruciale, qui plus est lorsque le Skell a subi d'importants dégâts. Si son énergie et ses membres perdus se régénèrent automatiquement une fois la confrontation terminée, sa destruction peut être définitive. Il faut par conséquent réagir vite et être prêt à en payer le prix le cas échéant, malgré l'existence d'une assurance à usage limité. Le tarif d'achat prohibitif des Skells leur donne une vraie valeur, tout comme le permis qu'il faut décrocher pour les piloter.

Mobility suit

Les premières secondes à rouler dans la plaine aux commandes de son Skell transformé en véhicule ou à sillonner les cieux n'en sont que plus exaltantes, et inoubliables. Au delà de ce sentiment de liberté totale, la plus grand frisson résulte des nouvelles perspectives qui s'ouvrent alors, tout en regardant d'un oeil lointain les chemins que l'on parcourait à pied. Bien que la planète soit déjà largement explorée, ce point de vue permet de la redécouvrir, dans la lignée des RPG d'antan. C'est là que commence réellement l'aventure, pour s'achever bien après la fin. Le choix de la division du BLADE rejointe au départ de cette épopée et les bonus liés à leurs vocations respectives prennent ainsi davantage d'importance, tout spécialement en ligne. Cette dimension ne tarde pourtant pas à se manifester, dès les premières rencontres avec les avatars d'autres joueurs croisés au gré des vagabondages, et quelquefois recrutés brièvement, le temps par exemple de traverser une grotte inquiétante avec le soutien de leur division ou d'apprendre une salutation personnelle à leurs côtés (entre autres). Car la facette multi joueur de Xenoblade Chronicles X se veut volatile, et aucunement envahissante, elle.

XenoMiiverse

Il nous est proposé d'entrée de rallier une escouade rassemblant jusqu'à 32 membres de sa division, régulièrement affectée à des objectifs que chacun peut remplir dans son coin, ou ignorer. Une fois les hordes de bestioles éradiquées, ou les objets de collection trouvés, tous les participants sont récompensés, y compris les plus dilettantes, tandis que la division reçoit des points pour le classement. Cet esprit communautaire se traduit également par les rapports (théoriquement) informatifs et les trésors gracieusement envoyés à ses camarades. Grâce aux médailles obtenues, ceux qui le souhaitent peuvent ensuite se lancer dans les missions BLADE, éventuellement réunis en petits comités de quatre, dans l'espoir de terrasser un ennemi du monde. Évidemment, venir à bout de ces bêtes monstrueuses requiert un solide arsenal, qui justifie les dépenses somptuaires chez les fabricants d'armes, surtout avec des matériaux exclusifs à la clé. La personnalisation de l'équipement de son avatar et des Skells n'est pas qu'une question de look, puisqu'elle débouche sur une traditionnelle course à la puissance, multipliant de façon exponentielle le temps passé sur Mira, qui se calcule en centaines d'heures. Mais chacun a loisir de s'y plonger corps et âme, ou pas, une illustration supplémentaire du courant libertaire au coeur de cette histoire sans frontière.