Avant d'arpenter à nouveau le continent de Thedas, vous aurez peut-être besoin de vous rafraîchir la mémoire, de vous remémorer vos précédentes aventures en compagnie du Gardien et de Hawke, héros des deux premiers volets. Un passage sur dragonagekeep.com, dont la fonction consiste à vous laisser réécrire, sous la forme de tapisseries, tout ce que vous avez traversé avec eux, se révèle presque indispensable en vue de façonner certains aspects de ce nouveau chapitre. Synchronisé avec le jeu, le moindre choix pourra influer sur le contexte général, et donc sur des événements et des rencontres qui attendent sagement votre avatar.

C'est à Qunari Bay

Parlons-en de votre champion. Il est tout nouveau. Ou elle est toute nouvelle, comme vous voulez. Il faut savoir que vous pourrez, outre le sexe, déterminer la race : humain, elfe, nain ou Qunari. C'est sur ce type de géant cornu, inédit comme incarnation du personnage principal dans la série, que mon dévolu s'est porté. Cela pour incarner un guerrier plutôt porté sur les armes à deux mains. La finesse avant tout. J'aurais également pu opter pour un bretteur équipé d'un bouclier, un voleur adepte des dagues ou de l'arc et porteur d'armures intermédiaires, ou encore d'un mage légèrement vêtu et adepte du bâton. Pas mal de choix, pour de vraies différences sur le terrain (chaque classe a son petit "truc" pour emprunter certains passages), auquel s'ajoute un outil de création ultra complet qui permet de modeler jusqu'aux plus petits détails physiques l'apparence de cet être promis à un grand destin. Autant le faire pas trop repoussant, vu que ce sont plusieurs dizaines d'heures en sa compagnie qui vous attendent.

Marque repère

Les premières minutes ne sont pas à votre avantage. Échappé d'un endroit étrange, vous vous réveillez ferré. Un interrogatoire. Un visage pas inconnu. Et vous voilà quelques instants plus tard en train de réaliser que vous êtes probablement un élu. La faute à une étrange marque scintillante sur votre main. Celle-ci vous permet d'agir sur la nouvelle menace en vogue dans les terres du sud : les failles. La plus grosse d'entre elles déchire le ciel depuis un certain temps et balance des frangines, ici et là, dont s'extirpent des esprits peu commodes. Ça pue méchamment pour les mortels, dont les différents ordres et clans se querellent plus que jamais. Et vous, vous ne savez ni pourquoi ni comment vous avez hérité du droit de refermer ces trous verts fluo, mais cela va vous pousser à agir, en compagnie d'autres braves. Et vous deviendrez, fatalement, le chef d'un nouvel ordre, l'Inquisition, dévoué à purger ce monde de toute menace. Comme je le disais plus haut - et l'ai bien constaté pour en arriver, tremblotant et les yeux sponsorisés par Delsey, à la rédaction de ce test -, ça ne prendra pas deux minutes. L'entreprise qui vous attend, en ligne droite avec des détours indispensables pour avoir le niveau nécessaire, représente une quarantaine d'heures de jeu environ.

Drug on edge

Une quarantaine d'heures à parcourir des régions entières regorgeant d'activités. Ces lieux, liés ou non à la trame principale, on y parviendra en dépensant des points de puissance sur une carte des landes d'Orlaïs et de Ferelden, dans la salle d'Etat-major de l'Inquisition. Points puisés dans une escarcelle qui gonflera à mesure que vous réussirez des missions, innombrables. La variété des activités proposées pour simplement permettre à son quatuor de s'aguerrir donne le vertige. Naturellement, il faudra tuer, si possible refermer des failles, accepter différentes requêtes, convaincre des gens de rejoindre vos rangs. Puis s'ajouteront la cueillette d'herbes, la récolte de pierre, la chasse de bestioles pour leur peau - tout ceci, en plus des améliorations d'équipement et des runes, pouvant servir pour des possibilités de crafting importantes, dans votre base, sur des établis précis. Et vous croiserez la route de carte de chasse au trésor à la Red Dead Redemption, de crânes révélant des fragments scintillants, d'orbes donnant sur la pratique d'un jeu consistant à relier des étoiles pour former une figure, sans passer deux fois par le même chemin. Enfin, vous "scannerez" souvent les environs pour découvrir encore d'autres objets cachés ou pour mettre en surbrillance ce avec quoi vous pouvez interagir. Je vous en mets encore ou ça ira ?

Carte sur table

Une chose est certaine, vous allez en dresser, des camps. Et en dépenser, des calories, en marchant, ce qui peut se révéler casse-bonbon, vu qu'on bute un peu trop fréquemment sur des cailloux de taille modeste, ou à cheval (en mettant vos trois équipiers dans votre poche). Et vous allez la voir, cette carte du monde. Notez qu'elle vous permettra également de débloquer de nouvelles zones via des opérations spéciales ou de procéder à des missions auxquelles l'un de vos conseillers (diplomate, espion ou soldat) se penchera dans son coin, pour un résultat visible plusieurs minutes ou heures de jeu plus tard. Et je ne parle pas de l'influence, qui donne accès à des bonus non-négligeables comme de meilleurs prix chez les marchands, de nouvelles options de dialogue, plus d'expérience au combat, davantage de potions dans la musette ou la révélation de nouveaux points d'intérêt jusqu'ici passés sous votre radar. N'oublions pas non plus que la personnalisation d'un château est au programme, du jardin jusqu'à votre lit, et qu'il sera de temps à autre question de juger des contrevenants à l'Ordre.

Le copains d'abord

Dès lors que l'on sait qu'il y a des dizaines et des dizaines de missions de tout ordre, que viser le 100% va prendre environ des mois pour un joueur normal, on se demande si le tout a saura rester intéressant. L'écriture, chez BioWare, on maîtrise. Les choix cornéliens aux conséquences pas toujours heureuses, donnant forme à un protagoniste plus ou moins sympathique, ainsi que les fausses pistes, aussi... Sans briller en permanence, parce qu'on ne peut pas non plus insérer des twists dans chaque partie de chasse commandée par un fermier paniqué, l'aventure ne sombre jamais. Parce qu'il y a une alternance de moments héroïques, un peu décalés, plus sérieux, d'intrigues de cour et d'action, avec des dialogues justement ciselés, un univers sacrément bien bâti et que le scénario principal réserve quelques beaux moments, sans trop fléchir, sauf dans son final un chouïa décevant - mais restez après les crédits, surtout qu'on peut continuer à compléter ensuite, just sayin'. Et que votre troupe participe à ne pas laisser la monotonie s'installer. Les compagnons, ô combien attachants dans leur majorité, joliment doublés en français, aiment à discuter pendant vos escapades, s'écharper aussi lorsque le contentieux date un peu. On a l'occasion de tisser des liens avec eux, de s'amouracher de certain(e)s, de découvrir des personnalités torturées, qui souffrent d'addiction, sont jugés par leur famille pour leur homosexualité, ont des problèmes d'identité... Un panaché comme le studio a l'habitude de nous en offrir, qui demande qu'on s'adapte et qu'on prenne son temps, entre les combats, pour en apprendre un peu plus. Cela ne peut qu'être bénéfique en vue du combat final. Quoiqu'il en soit, cet entourage constitue une bonne raison de ne rien lâcher. Et devinez quoi ? Il donne encore plus de quêtes. Non, ça ne s'arrête pas.

Proposition : 1 dé 100

Je cause, je cause, mais avec ça, il se fait tard. Il ne faudrait pas oublier d'évoquer le coeur du jeu : le combat. Bah oui, vous voulez savoir quand vous allez buter du dragon. En ce qui me concerne, pour le premier, en mode de difficulté normale, avec des alliés qui, malgré le paramétrage de leur attitude pendant les rixes et des arbres de compétences bien fournis, avaient tendance à agir un peu connement... un peu plus de quarante heures. Avec la peur a ventre et les yeux grand ouverts face à la stature du monstre, présent en une dizaine de modèles différents. Et pourtant avant je m'en suis torché du démon, de l'engeance, de l'armée humaine et des ours. Le mode "action", vue derrière le perso choisi - on peut toujours passer à celui que l'on veut à la volée - n'empêche pas ce besoin, cette nécessité, de mettre la pause pour organiser un poil son offensive, son placement, ses attaques. Malgré la simplification de certaines données - un set de potions de soin pour tout le monde, magie et endurance qui remontent automatiquement, possibilité de réanimer les camarades tombés - l'aspect tactique ne semble pas trop négligé pour peu que l'opposition soit un peu musclée. Autant dire que les rôlistes accomplis, qui ne vont jurer que par la vue tactique en mode super -trop-dur et ne pesteront pas face à cette gestion de l'inventaire quelque peu austère, voire ratée, ont des chances de trouver leur bonheur, quand bien même des compétences ultimes font leur apparition vers la moitié du jeu pour faciliter un peu le travail.

Coucou, tu veux voir mon Frostbite 3 ?

De cet épisode copieux, riche de contenu, de fan-service, de combats haletants, d'un mode multijoueurs online en annexe (avec un personnage dédié, on part en équipe de quatre à l'assaut de plusieurs donjons : une bonne idée à juger sur la longueur), on retient enfin et surtout une réalisation sacrément dingo. J'évoquais la variété des quêtes, mais que dire de celles des décors traversés ? Le moteur concocté par DICE se voit employé de manière exceptionnelle, du moins sur un PC récent en ultra. Plaines dévastées, déserts arides, côtes balayées par les pluies, châteaux en ruines, palais luxueux, cavernes poisseuses, mines naines et même le monde spirituel de l'Immatériel : c'est la claque. Comportant tous des éléments destructibles, histoire d'ajouter encore aux rixes, les environnements de Dragon Age : Inquisition n'ont plus rien à voir avec les cadres étriqués et redondants d'antan. Nos mirettes admirent la finesse, les détails des textures, la subtilité des effets, la luxuriance de l'ensemble tout en réalisant que l'on peut se perdre, juste parce que chaque région à visiter est, en général, gigantesque. Par-dessus le marché, c'est même super vivant. Comme un rêve qui serait devenu réalité, Bioware parvient à associer le fond à une forme éblouissante et moderne. Aubergiste, on en veut encore !

Que dire à part qu'en sacrifiant mes journées pour terminer ce Dragon Age de fond en comble (pour toi, public), je n'ai pas rencontré beaucoup de déceptions. J'ai même été ébloui de voir BioWare, en employant plus ou moins sa formule habituelle, tenter et réussir à titiller Skyrim, sans pour autant proposer un monde d'un seul tenant, dans la catégorie des titres chronophages. Addictif, beau, bourré à craquer, cet épisode est plus que celui de la rédemption pour le studio, auquel on reproche encore Dragon Age II : c'est celui du retour dans la cour des références du jeu de rôles médiéval-fantastique. Tout simplement.