Faire un monde ouvert avec seulement neuf personnes, c’est un pari risqué. Pourtant le petit studio bordelais Awaceb s’y est risqué avec Tchia. Une production colorée qui sent bon le soleil, la plage, la mer et les cocotiers et qui s’est faite amplement remarquée lors de ses mises en avant aux Game Awards et aux différents State of Play. Ce petit jeu se laissera approcher par des millions de joueurs dès le 21 mars 2023 grâce à un lancement sur le PlayStation Plus Extra. Longtemps perçu comme un Zelda-like tropical, cette production parvient à se démarquer un peu de son modèle avec beaucoup de cœur et peu de moyens. 

Une balade en Nouvelle-Calédonie pas comme les autres

Le temps est à la fête sur l’ilot d’Uma. La petite Tchia passe sa journée en compagnie de son père, seul autre habitant des lieux. Rejoint par un ami de la famille, cette journée spéciale se termine en musique mais le lendemain commence sur une mauvaise note. Son paternel se fait capturer par l’un des sbires de Meavora, le tyran local presque mystique qui opprime tout l'archipel. Débrouillarde comme pas deux, la fillette s’équipe de son lance-pierre, de son ukulélé et part naviguer sur les eaux bleues, sur son bateau de fortune, à sa recherche. Son aventure va la mener à rencontrer un casting restreint de personnages, plutôt attachant, mais trop peu développé. Soyons honnêtes, le scénario de Tchia tient sur un timbre-poste et il prend parfois des directions inattendues avec des moments doux, parfois plus durs et surprenants mais non moins drôles. 

Si vous vous attendiez à un jeu foncièrement poétique ou mélancolique, on vous arrête tout de suite. Cette seconde production d’Awaceb est résolument enfantine, espiègle et adorable en toute circonstance. Elle ne manquera pas de vous décrocher un sourire, même quand la situation ne s’y prête pas forcément. Si on passe un bon moment à découvrir les péripéties de l’héroïne locale, les quêtes de son aventure sont d’une banalité déconcertante. Récolter des objets pendant un tiers du jeu pour des rituels ou encore nettoyer des bases… on a franchement vu plus passionnant. Seul l’un des deux jeux de rythme, disponibles uniquement lors de la quête principale, se démarque du lot. L’aventurière accompagnera en effet des locaux qui poussent la chansonnette de temps à autres que ce soit au ukulélé, ou en tapant du pied et en frottant des feuilles. Il faudra ici sélectionner le bon accord et frapper les cordes dans le temps imparti et en rythme s’il-vous-plaît, à l’aide d’une interface qui n’est pas sans rappeler le fameux mini-jeu de The Last of Us 2, premier emprunt d’une longue liste. 

PS Plus jeu gratuit

La tâche est moins aisée qu’il n’y paraît et il est facile de rater une note si on a le malheur de dévier le regard vers les sous-titres pour comprendre le sens de ces chansons. Tchia propose en effet des doublages authentiques, jonglant entre le français et le drehu, la langue kanak de Lifou de l'Archipel des Îles Loyauté. Le jeu d’acteur est parfois en demi-teinte selon les personnages, mais cela ajoute un certain charme à l’ensemble bien que les lignes de dialogues doublées soient trop restreintes. Celles et ceux qui veulent simplement profiter des moments musicaux sans lever le petit doigt peuvent passer outre le mini-jeu et laisser Tchia se débrouiller seule via une option dédiée. Un instant de douceur bienvenue, simple et efficace qu’on aurait aimé pouvoir rejouer à l’envi. Il faudra malheureusement recommencer le jeu du début si vous souhaitez réécouter ou retenter votre chance sur ces morceaux. A dire vrai, l’histoire peut se terminer en 6 petites heures si l’on trace sa route en ne faisant que quelques à-côtés. Mais on vous met au défi de suivre le jeu en ligne droite et de ne pas errer dans ce monde ouvert tant Tchia prend tout son sens lorsque l’on s’éloigne de la trame principale.

Tchia Breath of Caledonia

Tout l’intérêt de Tchia repose sur son monde ouvert, véritable bac à sable qui aurait été objectivement assez classique s’il n’était pas aussi dépaysant. Le jeu est une véritable lettre d’amour à la terre natale d’une grande partie des développeurs : la Nouvelle Calédonie. C’est autour de cette contrée sublime et riche en culture que tout le titre, son exploration et son gameplay s’articulent. Cela passe d’abord par son terrain de jeu aux paysages et panoramas à couper le souffle. Sans être une claque technique Tchia est tout simplement magnifique, n’ayons pas peur de dire les mots. Sa direction artistique chaleureuse et tropicale est à tomber, et le titre gratifie régulièrement nos explorations de tableaux à couper le souffle. Des brumes de chaleur aux couchers de soleil rougeoyants, en passant par des fonds marins divins, le jeu brille avant tout par sa beauté artistique. Une véritable invitation au voyage et à l’exploration, d’autant que tout est fait pour nous encourager à voguer sur ce terrain escarpé au gré de nos envies. 

A l’instar d’un certain Zelda Breath of the Wild, auquel il emprunte beaucoup, les indicateurs de carte sont peu intrusifs. Entorse aux standards actuels, la position de la fillette n'est pas indiquée précisément sur la map afin de toujours plus nous pousser vers des découvertes plus réjouissantes. Il est toujours possible de s'orienter via des panneaux qui se trouvent un peu partout, mais dans les faits on n’utilisera que très peu cette mécanique, comme beaucoup d’autres futiles à l’usage. Tchia confère rapidement un sentiment de liberté omniprésent porté par des mécaniques de déplacement tout aussi grisantes. Comme son illustre modèle, l’enfant prodigue peut escalader tout et n’importe quoi (tant que la jauge d’endurance le permet) grâce à une physique lui permettant par exemple de grimper sur un arbre, le faire se balancer pour se catapulter dans les airs pour mieux utiliser son parapente. Là où il devient envoûtant en revanche, c’est lorsque cette palette de mouvements est couplée au point d'ancrage de Tchia : son pouvoir de posséder n’importe quel objet ou animal. 

Tchia test

Cela peut-être un chien, un cerf, un oiseau comme un ballon ou une simple planche. Les possibilités sont nombreuses, mais pas toutes utiles. Seuls certains hôtes disposent de capacités qui leur sont propres. On pense notamment aux oiseaux peuplant l’île qui peuvent non seulement nous faire voler pendant de longues distances, mais aussi déféquer sur les passants qui n’ont aucune réaction, quand les crabes aux pinces acérées peuvent couper les cadenas de coffres cachés et les chats voir dans la nuit. On aura vite fait de privilégier les animaux pour traverser rapidement les environnements ou s’affranchir d’une escalade pénible pendant un certain laps de temps, puisque là aussi cette mécanique est soumise à une jauge dédiée. On ne va pas se mentir, voler avec une perruche verte ou nager en tant que dauphin, ça fait son petit effet.

Le studio bordelais a eu la bonne idée de coupler cette mécanique à des mélodies à jouer tel un cheat code pour invoquer certains animaux ou de changer l’heure de la journée à n'importe quel moment. Aucune frustration, aucune déconvenue, on peut se balader comme bon nous semble tant l’accent est mis sur la liberté. Un gameplay à l'intuitivité enfantine et à la classe indéniable qui trouve également sa petite utilité lors des quelques combats. Le vil Meavora a en effet répandu ses sbires faits de tissus partout dans l’île. Pour les vaincre il suffit d’utiliser n’importe quel objet avec du feu. Une bûche enflammée, une lanterne, un baril d’explosif, là encore les possibilités ne manquent pas. Ces phases sont loin d’être passionnantes, si ce n’est pénibles lors de la quête principale tant ces passages sont dénués d’intérêt. Ceci dit Tchia est avant tout une aventure pacifiste et relaxante.

Une technique inhérente aux petites équipes

Monde ouvert oblige, ce terrain de jeu dépaysant n’est pas seulement un joli enrobage, il fourmille de points d'intérêts. Pas de quêtes annexes ou des monstres à tuer en pagaille pour gagner en niveaux donc, mais une pléthore de collectibles et d’activités le plus souvent basées sur les coutumes locales. Graver des totems pour ouvrir des temples cachés qui recèlent parfois un mini-jeu, récupérer des figurines tressées pour débloquer de nouveaux costumes ou objets cosmétiques, faire des plongeons en enchaînant les figures les plus stylées, récupérer des perles en mer, participer à des défis de courses dans la peau d’animaux, des pierres à empiler en les faisant tenir en équilibre … il y a toujours au recoin de la map quelque chose à faire ou à trouver. Un éventail ludique en somme assez simple mais qui parvient à nous absorber le temps de quelques sessions. De six heures pour l’histoire principale, on passe au double sans en avoir fait complètement le tour. Tchia c’est avant tout une expérience prompte à la découverte. C’est un jeu qui pousse à se perdre, à se balader, et à apprécier ce qui est autour de nous, ce qui se résume parfois à pas grand-chose. Simplement des étendues qui font rêver. 

Tchia test

Ce que l’on voit défiler, ce sont les soucis techniques inhérents à un projet à taille humaine. Cette virée au cœur de paysages somptueux est souvent ternie par de nombreux problèmes d’affichage et parfois des bugs. Cela passe par des petits soucis de collisions, rien de bien méchant, mais couplés à du tearing, du clipping récurrent, du ghosting bien vilain qui s’est estompé au fil des mises à jour et des chutes de framerate flagrantes, récurrentes, parfois violentes, qui viennent parfois ternir de belles découvertes ou même des cinématiques entières. Il n'a pas été rare de voir des pans d’éléments entiers apparaître en pleine cutscenes, faisant passer le décor d'un extérieur rempli de bananiers en un intérieur d'une cabane en l'espace de quelques secondes. Quelques mises à jour ont néanmoins été déployées pendant notre test, il est donc possible vous soyez gratifiés d'une version plus stable. Les développeurs sont en tout cas au courant de certains des problèmes cités, quelques-uns ayant été atténués depuis.

Tchia n’en reste pas moins un titre honnête et qui a le mérite de faire découvrir toute une culture. On regrette néanmoins que le studio ne soit pas allé plus au fond des choses en proposant par exemple des documents pour davantage étoffer le lore ou même la possibilité de dialoguer réellement avec les habitants qui se contentent de tracer leur route en lâchant une phrase prédéfinie plus souvent banale parfois avec un peu d'informations. Parce que s'il est beau et rempli d'activités, le monde ouvert de Tchia manque cruellement de vie et semble finalement bien vide. Les abonnés PS Plus Extra et Premium pourront finalement mettre la main sur un jeu divinement beau, qui réussit à réaliser un tour de force artistique et à proposer un jeu honnête avec peu de moyens.