En 2020, Sucker Punch (Sly Cooper, InFamous) offrait à une PS4 en fin de course une superbe nouvelle licence exclusive avec Ghost of Tsushima. Considéré comme un Assassin’s Creed au Japon féodal avant l’heure, il était alors question d’accompagner Jin Sakai dans un jeu d’action-aventure en monde ouvert avec une touche d’infiltration, le tout mis en scène en s’inspirant du style de légendes du cinéma japonais comme Akira Kurosawa. Le résultat : un succès critique et commercial retentissant. Cinq ans plus tard et six mois après la sortie d’Assassin’s Creed Shadows, le studio américain remet le couvert le 2 octobre 2025, cette fois sur PS5, avec Ghost of Yotei. Il nous emporte ainsi dans une nouvelle région du Pays du Soleil Levant, dans la peau d’Atsu, 300 ans après le premier épisode. Une « suite » à la hauteur de l’œuvre originale, ou simple « version 1.5 » nouvelle génération ? On vous raconte notre épopée au fil du katana.
Après l’excellent portage PC de Ghost of Tsushima arrivé l’année dernière, soit quatre ans après sa sortie initiale sur PS4, Sucker Punch retourne donc à la maison pour sa suite spirituelle, Ghost of Yotei. Il s’agit ainsi de la troisième exclusivité console majeure de ces derniers mois pour la PS5, après Death Stranding 2: On the Beach et le malheureusement assez décevant Lost Soul Aside. Au vu des nombreux trailers à l’égard de ce second volet, on avait en tout cas l’impression de retrouver tout ce qui avait fait la renommée de son illustre aîné, mais en plus grand et plus fort. S’il est bien vrai que le talentueux studio américain ne réinvente pas foncièrement la roue ici, on peut plutôt dire que Tsushima était en réalité une première esquisse pour que l’équipe nous sorte le magnum opus de sa vision du Japon féodal.
Ghost of Yotei et sa magnifique quête de vengeance dans la région d’Ezo
Estimant avoir bouclé l’arc de Jin Sakai et son combat contre les envahisseurs Mongols dans Ghost of Tsushima et son DLC L’ïle d’Iki, Sucker Punch a décidé pour ce nouvel épisode de nous faire voyager dans le temps et l’espace du Japon féodal. Ghost of Yotei place ainsi son récit au 17ème siècle, 300 ans plus tard, au nord-est du pays, dans la région d’Ezo (Hokkaïdo aujourd’hui), notamment connue pour l’emblématique mont Yotei qui domine le paysage de toute sa paisible majesté. On y incarne Atsu, une jeune femme au caractère sauvage et impulsif, qui a dû fuir son foyer après avoir survécu au massacre de sa famille des mains des Six de Yotei, un groupe de puissants mercenaires tyranniques, dirigés par le sanguinaire Seigneur Saito. Après avoir passé le reste de son enfance et une bonne partie de sa vie de jeune adulte en exil forcé au sud du pays en qualité de Ronin, notre héroïne retourne chez elle pour venger ses proches en passant leurs meurtriers au fil du katana forgé par son père, seul souvenir de lui qu’elle possède. Elle va alors se tailler la réputation d’onryo, un Fantôme vengeur qui provoque d’effroyables bains de sang partout où il va. C’est justement l’état d’esprit dans lequel se trouve Atsu au début de l’aventure, au mépris de sa propre vie, si nécessaire.

De prime abord, le synopsis de Ghost of Yotei apparaît assez convenu. On retrouve en effet peu ou prou le même dans Assassin’s Creed Shadows, ou encore au sein des écuries de PlayStation avec The Last of Us Part 2. Là où le titre de Sucker Punch se démarque toutefois, c’est dans sa mise en scène et la fine qualité de son écriture. Comme dans Tsushima, on voit clairement l’influence de la filmographie japonaise de légendes telles que Kurosawa, avec des cinématiques de haute volée (mais obligatoirement à 30 FPS pour le côté « cinématographique » de l'expérience, ce qui est un peu dommage). Même constat au niveau de l’évolution d’Atsu, qui va beaucoup mûrir au fil de sa quête et des rencontres de personnages tous plus intéressants et nuancés que les autres, même du côté des antagonistes. Là où Jin Sakai devenait de plus en plus radical dans son approche, le fameux Fantôme de Yotei va au contraire de plus en plus se remettre en question. Je vous laisse le plaisir de découvrir tout cela par vous-mêmes, mais je peux en tout cas vous dire que l’histoire de ce nouvel épisode est selon moi plus passionnante et émouvante à suivre que sur le premier. Tout cela est par ailleurs porté par un doublage de grande qualité, tant en français, anglais ou japonais, avec cela dit une préférence personnelle pour la dernière option, plus immersive. Mention spéciale également à la bande-son, qui propose naturellement une instrumentalisation nippone du plus bel effet, mais emprunte aussi quelques influences du côté des western américains, pour une jolie harmonie, tant durant l’exploration que dans les combats.

Outre une mise en scène léchée et un scénario au départ assez classique, mais qui se développe de manière convaincante au fil de la quête de vengeance que nous raconte Ghost of Yotei, le titre va surtout encore nous emmener dans un somptueux voyage au Japon féodal. Tsushima avait déjà impressionné son monde avec sa direction artistique poétique, mais ce second épisode enfonce le clou de manière magistrale. Chaque recoin du monde ouvert de la région d’Ezo est littéralement à couper le souffle. Il m’est en tout cas arrivé à presque chaque heure de jeu de m’arrêter un instant en lâchant spontanément un « bon sang que c’est beau ! ». Ce notamment grâce à un habile choix de couleurs et une profondeur de champ qui ne cache rien de la beauté naturelle du jeu. Sucker Punch exploite ainsi pleinement les capacités de la PS5 pour magnifier sa vision du Pays du Soleil Levant. Naturellement, un mode Photo est présent pour immortaliser comme il se doit tous les magnifiques panoramas que le jeu propose.

Même en mode Performances sur la version « fat » de la console, le jeu est franchement sublime, qui plus est avec une fluidité impeccable à 60 FPS constants. Finalement, les modes Qualité et Qualité + Ray Tracing ne me semblaient pas nécessaires pour prendre une plaisante claque visuelle, surtout au prix d’un taux d’images par seconde divisé par deux. La PS5 Pro permettra très certainement d’avoir le meilleur des deux mondes pour une expérience optimale, mais soyez sans crainte : sa grande sœur moins puissante n’a clairement pas été laissée de côté.
Il est enfin possible de personnaliser l’ambiance visuelle et sonore du jeu avec les fameux filtres comme Kurosawa pour un rendu en noir et blanc ; Miike pour plus de sang, de boue et une caméra plus rapprochée dans les affrontements pour en accentuer le côté viscéral ; ou encore Watanabe pour accompagner notre aventure d’une musique lo-fi telle que dans l’excellentissime anime Samurai Champloo.
Atsu, une louve fantôme qui sait montrer les crocs
Même si je peux encenser inlassablement l'époustouflante direction artistique pleine de poésie de Ghost of Yotei, il y a six grands méchants et leurs sbires à trucider. Sur ce point, on retrouve peu ou prou la formule déjà très solide de Tsushima, mais agréablement étoffée. Dans les combats par exemple, Atsu troque la mécanique de postures de Jin pour cinq armes en tout : katana, lames doubles, odachi (grande épée), yari (lance) et kusarigama (l’arme iconique des shinobi). Selon ce que manie notre adversaire, il faudra donc prendre l’arme correspondante, dans un système de pierre-feuille-ciseaux, pour infliger plus de dégâts ou briser plus facilement la posture de nos assaillants. Un katana sera par exemple assez polyvalent, tandis que les lames doubles seront redoutables contre des lanciers, ou un kusarigama idéal contre des ennemis équipés de boucliers. Il sera toutefois délicat de gérer tout cet arsenal face à un grand groupe d’opposants. Le système de verrouillage est par ailleurs assez perfectible et il arrivera souvent à Atsu de frapper un adversaire adjacent, mais équipé d’une arme qui a un avantage contre ce qu’on utilise.

Heureusement, les duels emblématiques de la licence sont là où le gameplay des combats de Ghost of Yotei brille le plus, toujours avec un sens mémorable du spectacle et de la mise en scène. Notre héroïne ne sera cependant pas seule à chercher à se venger de ses tortionnaires. On peut en effet aussi notamment compter sur la fameuse louve maintes fois présentée dans les trailers du jeu. Comme Atsu, celle-ci sera au départ très méfiante et revêche. À force de l’aider et de l’apprivoiser, elle deviendra toutefois une alliée inestimable, tant en combat qu’en se la jouant shinobi, et ira jusqu’à nous sauver la vie par moments, même dans des combats de boss.

Comme Jin Sakai, Atsu n’est pas seulement une bretteuse mortelle et polyvalente. Quand le besoin s’en fait sentir, et ce dès le début du jeu, elle n’hésite pas à assassiner sans vergogne ses ennemis. Le gameplay infiltration de Yotei est quasiment identique à celui de Tsushima (même au niveau d’une IA hélas pas très futée), mais avec des petites nouveautés bienvenues, comme la possibilité d’attraper une arme par terre pour la balancer violemment sur une cible (une technique très efficace qui a de plus le mérite d’être bien satisfaisante à employer). L’Onryo ajoute enfin plusieurs cordes à son arc avec justement deux arcs. Autre grosse nouveauté sur ce point par rapport au premier volet : deux armes à feu, qui commencent à bien s’implanter au Japon du début du 17ème siècle, avec un fusil et un pistolet.

En plus de l’arsenal bien fourni d’Atsu, Ghost of Yotei nous propose une progression très satisfaisante de ses capacités et de son équipement au fil de l’aventure. Comme dans Ghost of Tsushima, on pourra notamment augmenter sa santé maximale ; son nombre de points d’esprits nécessaires pour utiliser des techniques à débloquer pour chaque type d’armes auprès d’autels ; et récupérer diverses armures aux propriétés uniques pour créer des builds spécifiques se focalisant sur le combat au corps-à-corps, à distance ou l’infiltration, entre autres possibilités. On pourra par ailleurs renforcer tout cela avec pléthore de charmes à collecter. Ghost of Yotei offre donc une appréciable diversité dans son gameplay grâce à un large panel d’options à développer au fil de notre exploration d’Ezo. À noter qu’on peut améliorer son équipement auprès de marchands via des ressources à ramasser un peu partout pour rendre leurs effets uniques plus puissants. Le jeu nous permet d’ailleurs d’équiper jusqu’à cinq sets, là où il fallait changer tout l’équipement de Jin à la main dans Tsushima. Voilà donc un bon point du second épisode par rapport à son aîné. Enfin, on pourra appliquer différents schémas de couleurs à ses armures, et compléter sa parure de tout un tas de casques, bandeaux et masques, pour varier les styles vestimentaires d’Atsu.

Vous aurez quoi qu’il en soit bien besoin de tous les atouts possibles dans la manche de votre kimono, le jeu se montrant assez punitif en cas d'esquive ou de parade lancée au mauvais moment. Même en difficulté normale, on peut succomber très rapidement, tant au début de l’aventure que vers ses derniers tronçons. Le mode difficile est encore plus intraitable, et je ne parle même pas du mode « Létal », qui porte bien son nom, Atsu mourant alors en un seul coup. Il est par ailleurs impératif de bien maîtriser les combats de Ghost of Yotei afin d’utiliser sa mécanique de terreur. Contrairement à Tsushima où elle s’activait avec un temps de recharge, il faudra ici abattre un nombre d’ennemis donnés sans se faire toucher. La récompense est toutefois de taille : avec une mise en scène d’une classe folle, Atsu va alors pousser un cri terrifiant, l’écran passer en noir et blanc et le vent souffler avec violence, faisant tomber d’horreur ses opposants. Ils seront alors sans défense et on pourra les éliminer au sol d’un seul coup.
Visite touristique du parc naturel de Yotei
Afin de mener la quête d’Atsu à bien et récupérer tous les avantages possibles pour améliorer ses compétences et son équipement en conséquence, Ghost of Yotei va définitivement nous faire voyager. Un vaste monde ouvert s’offre ainsi à nous, avec moult points d’intérêt à découvrir dans les cinq grandes régions que compte Ezo. On retrouve sur ce point bon gré mal gré plusieurs éléments recyclés de Tsushima, comme les sources d’eau chaude, les bambous d’entraînement, ou encore les fameuses tanières de kitsune. Je craignais donc que l’exploration devienne à la longue lassante, comme tel fut le cas pour moi sur le premier opus.

À ma grande surprise, il n’en est finalement rien. Tout d’abord, la découverte de la myriade d’endroits à explorer se fait de manière très organique dans Ghost of Yotei. En croisant ou en aidant des villageois, ceux-ci vont par exemple nous indiquer avoir vu quelque chose qui pourrait nous intéresser. Cela prendra alors la forme d’un bout de « carte au trésor » qu’il faudra superposer avec notre carte du monde. Ensuite, pas question de grimper à une tour pour faire apparaître des points d’interrogation partout et nous tenir constamment par la main comme dans d’autres jeux similaires. À la place, il faudra prendre sa longue vue, et notre curiosité naturelle va nous orienter vers un lieu particulier pour s’y rendre et voir ce qu’il s’y passe. Si jamais on se perd, on peut évidemment toujours compter sur le vent pour nous indiquer la direction générale à suivre. On saluera également la possibilité d’effectuer un voyage rapide vers n’importe quel point d’intérêt déjà découvert, afin de ne pas perdre trop de temps en allers-retours inutiles, aussi beaux les paysages soient-ils.

On va fatalement finir par retrouver des éléments redondants comme des camps à nettoyer, des sanctuaires perdus en haut d’une montagne ou des autels auprès desquels prier. Sauf que la plupart de ces lieux dispose d’une petite histoire unique. Par exemple, les terriers de kitsune qui devenaient sur la durée assez répétitifs dans Tsushima s’accompagnent dans Ghost of Yotei d’un petit twist scénaristique qui leur est propre. On a alors l’impression, quoique forcément un brin artificielle, de vivre une nouvelle aventure, rendant l’exploration du monde ouvert de ce nouvel épisode constamment intrigante. Sucker Punch a donc là encore repris les codes du précédent jeu pour les perfectionner afin de proposer une expérience aussi rafraîchissante que possible chaque fois qu’on découvre une nouvelle région de sa suite.

Même constat au niveau des quêtes secondaires, qui proposent globalement une narration plutôt convaincante pour nous tenir en haleine, avec d’habiles retournements de situation et des personnages hauts en couleur. À l’instar de l’histoire principale, Ghost of Yotei brille donc également ici par la qualité de son écriture, sans toutefois non plus qu’on crie au génie comme pour la plupart des quêtes annexes d’un The Witcher 3, par exemple.
Comme un air de Red Dead Redemption 2 à la sauce DualSense dans un Japon féodal immersif
L’exploration dans Ghost of Yotei se veut ainsi globalement plus immersive que dans Tsushima ou d’autres jeux similaires. Ce souci d’immersion dans cette vision du Japon féodal du 17ème siècle de Sucker Punch, on le retrouve par ailleurs dans de tous petits détails qui font toutefois une agréable différence pour pleinement nous mettre dans la peau d’Atsu. À ce niveau, on ne peut s’empêcher de voir quelques inspirations du côté de Red Dead Redemption 2. Notre héroïne peut par exemple dresser un camp pour se reposer, se soigner, récupérer des points d’esprit, mais aussi manger des champignons cueillis dans la nature ou du poisson récupéré dans une rivière afin d’obtenir des avantages pour le reste de la journée. De temps à autre, des personnages rencontrés au fil de l’histoire vont alors rejoindre notre bivouac pour discuter ou offrir l’accès à leur boutique, de manière assez naturelle et cohérente.

Il existe en outre diverses activités annexes pour se détendre et oublier un temps la soif de sang vengeresse d’Atsu. Elle peut notamment composer des musiques avec son shamisen, qui nous aideront d’ailleurs grandement pour trouver divers secrets cachés dans le monde de Ghost of Yotei. Elle peut autrement dessiner des paysages qui touchent sa fibre artistique, ou encore s’adonner à un mini-jeu où il faudra pousser des pièces pour gagner de l’argent et des charmes rares à équiper. À noter que Légendes, le mode coopération très apprécié de Tsushima, de retour dans ce nouvel épisode, n’était pas disponible dans cette version de test. Je suis donc malheureusement dans l’incapacité d’apporter un quelconque jugement à son sujet.

La plupart des activités du quotidien de Ghost of Yotei utilisent en tout cas à merveille l’ensemble des fonctionnalités de la manette DualSense de la PS5. Mention spéciale au passage au retour haptique, qui accompagne de manière agréablement immersive nos actions, comme par exemple les balades à cheval par temps de pluie. La peinture se fera ainsi avec le pad tactile, la cuisine avec le gyroscope et le jeu des pièces avec les gâchettes adaptatives. Le pad tactile est toutefois un peu trop sensible et activait souvent des actions en jeu involontaires qui m’ont joué quelques vilains tours. Malgré ce petit écueil qu’on retrouve finalement sur tous les jeux l’utilisant, voilà en tout cas une nouvelle exclusivité PS5 qui exploite pleinement les propriétés de la console et de sa manette pour nous faire vivre une aventure aussi belle que trépidante à suivre.
Celle-ci m’aura littéralement emporté pendant une généreuse cinquantaine d’heures pour explorer au peigne fin chaque recoin de la région d’Ezo. Dernier petit bémol sur ce point cependant : l’absence de New Game+, en tout cas à l’heure actuelle. J’aurais en effet aimé pouvoir relancer l’aventure depuis le départ avec une Atsu au summum de sa puissance. Je n’en ai malheureusement pas profité autant que je l’aurais souhaité avant la conclusion en apothéose de l’histoire de Ghost of Yotei. Je vous laisserai le plaisir de découvrir tout cela quand il sortira le 2 octobre 2025.