Le 12 novembre dernier sortaient enfin, pour l’heure seulement sur PC et PS5, les derniers épisodes de Dispatch, le premier jeu d’AdHoc, un jeune studio indépendant composé de vétérans de Telltale Games. Après vous avoir partagé nos premières impressions sur ce qui avait tout l’air d’être une nouvelle pépite d’une année 2025 très chargée en la matière, voici notre verdict final sur cette super histoire en compagnie de Robert et de la Z Team.
Dès la démo de Dispatch, et encore plus après avoir parcouru en avant-première la moitié de ses huit épisodes, on sentait que le titre d’AdHoc Studio, développé en partenariat avec la célèbre chaîne Twitch Critical Role, avait un potentiel énorme. Non content de remettre au goût du jour les jeux narratifs au format épisodique emblématiques de Telltale Games, il propose également un côté « jeu de gestion de super-héros » à la fois simple et rafraîchissant. Maintenant que nous sommes arrivés à la conclusion de l’histoire trépidante de Robert et de la Z-Team, on peut le dire sans détour : on a bien droit ici à un jeu qui n’a pas à rougir face à d’autres pépites indépendantes phares de l’année comme Clair Obscur Expedition 33, Hades 2 ou encore Hollow Knight Silksong. On se retrouve dans l’open space de la SDN pour vous en dire plus.
Dispatch : un jeu narratif digne de l’héritage de Telltale avec un casting de collègues super-héroïques
De prime abord, Dispatch est donc un jeu narratif où l’on incarne Robert Robertson, nouvel employé de la SDN, une société privée envoyant des super-héros pour répondre aux appels de ses clients. Entendez-donc par là une sorte de mélange improbable entre Invincible et The Office. Notre héros va, depuis son ordinateur de bureau, gérer la Z-Team, une équipe d’anciens super-vilains cherchant à se reconvertir. En contrepartie, l’employeur de Robert va réparer son mécha détruit dans le prologue, pour qu’il reprenne l’identité de Meca-Man, qu’il a hérité de son père, tué par son ennemi juré, Spectre. Au fil de huit épisodes, nous allons donc l’accompagner dans cette entreprise, qui va se terminer en apothéose dans un final digne des plus grandes séries de super-héros.

Création de vétérans de Telltale oblige, Dispatch est déjà en soi un excellent jeu narratif, qui nous raconte une histoire prenante sachant mélanger avec finesse humour absurde, action et moments forts en émotions. De bout en bout, on a pris un immense plaisir (et même versé quelques larmes de joie ou de tristesse) à voir se développer l’histoire de Robert, ainsi que ses relations avec ses collègues. Non content de nous proposer une narration passionnante, le titre nous place également en véritable acteur des événements grâce à de nombreux choix plus ou moins cornéliens, ou encore à des QTE dans les phases d’action pour mieux nous impliquer (cela dit désactivables dans les options si besoin). Nos décisions s’accompagnent des fameuses mentions « Un tel s’en souviendra » et ont un impact manifeste sur notre progression et nos compagnons. À chaque fin d’épisode, on retrouve d’ailleurs un récapitulatif de nos choix par rapport à ceux d’autres joueurs, qui apportent par-dessus le marché un aspect communautaire agréable au jeu. Le titre dispose ainsi d’une certaine rejouabilité pour voir comment l’histoire pourrait évoluer en fonction de décisions majeures altérant grandement le développement du récit.

Outre tous ces ingrédients qu’on adorait dans les jeux Telltale, Dispatch nous régale également d’un casting de personnages proprement super-héroïques, tous bien écrits et profondément attachants, chacun à leur manière. Mention spéciale évidemment à Aaron Paul (Jesse dans Breaking Bad) dans le rôle de Robert, qui nous délivre une performance d’une classe folle. On retiendra également Laura Bailey (Abby dans The Last of Us Part 2), qui incarne une Invisimeuf incroyablement touchante et toute en nuances, et propose l’une des plus belles romances (en fonction de vos choix en ce sens, et qui est parfaitement optionnelle) que votre serviteur a pu voir dans un jeu. Le reste du casting mérite des louanges tout aussi dithyrambiques, avec notamment Jeffrey Wright (Isaac dans TLOU 2) dans le rôle de Chase, ou Erin Yvette (Hades 2) à la voix de l’adorable Aurore. Le titre n’aurait clairement pas eu la même saveur sans un casting aussi formidable, au grand dam toutefois des anglophobes, puisqu’il n’existe pas de VF.

Enfin, Dispatch brille par sa direction artistique typée comics du plus bel effet pour son histoire de super-héros, et par une bande-son mélangeant habilement les genres hip-hop, rap, pop, rock ou synthwave accompagnant avec justesse l’ensemble. On aurait toutefois un petit reproche à faire à cette super bande dessinée interactive : un mixage audio un peu mal calibré dans les phases d’action, où la musique étouffe les sons des combats et autres bruitages. Autrement, on aurait tendance à attribuer à ce pan narratif du jeu un rang S amplement mérité.
Gérer des super-héros : un travail à plein temps haletant !
Cet aspect narratif n’est cependant qu’une partie de ce qui fait tout le sel de Dispatch. À chaque épisode, nous devons en effet également faire notre boulot de gestionnaire de la Z-Team. Sur notre écran d’ordinateur, on a donc une carte du secteur, et des appels réguliers pour répondre aux problèmes des clients de la SDN. Il faudra alors envoyer un ou plusieurs collègues sur le terrain, en fonction des besoins. Entre ainsi en scène la composante gestion du jeu, avec un brin de RPG. Chaque membre de la Z-Team dispose en effet de statistiques réparties entre Force, Vigueur, Vitesse, Charisme et Intelligence. Notre rôle sera donc d’envoyer les agents les plus adaptés pour coller au mieux aux objectifs des missions qu’on reçoit.

Sauf que, plus on avance dans le jeu, plus les appels seront nombreux, et il arrivera très vite qu’on soit totalement débordés, nos héros prenant un certain temps pour réaliser leur tâche, puis se reposer à la SDN. On se retrouve ainsi sous une pression constante, qui rend cette partie de Dispatch tout aussi haletante que son histoire. Dans le cas d’un échec, les agents envoyés seront en effet d’abord blessés, puis hors-jeu s’ils ratent une seconde mission. En gagnant des galons au fil de la partie, on débloquera cependant, à raison d’une utilisation par session, des objets permettant de mettre fin à la pause d’un personnage, de le soigner ou de le réanimer. C’est donc un savant jeu de gestionnaire des talents de notre équipe et de nos ressources que propose Dispatch sur ce terrain, et c’est terriblement addictif.
Heureusement, les membres de la Z-Team ont par ailleurs plus d’un pouvoir à leur actif. Après chaque mission réussie, ils reçoivent notamment de l’expérience et finissent par monter en niveau, gagnant alors un point de compétence que l’on peut attribuer librement. Ensuite, ils disposent de capacités uniques à débloquer sur le terrain ou via un « stage d’apprentissage ». Enfin, chacun présente une synergie avec un autre collègue, qui offre donc plus de chances de réussite lorsqu’on les envoie ensemble en mission. Même dans cette partie gestion de Dispatch, tous ces personnages auront par ailleurs droit à un développement narratif agréable. Ils vont en effet régulièrement s’envoyer des piques bien senties et toujours drôles, mais aussi, anciens super-vilains oblige, se faire des crasses entre eux, au point de parfois nous mettre dans une situation dramatique. Au fil des épisodes et alors que leurs relations se développent, ils vont toutefois pleinement s’élever au rang de super-héros auquel ils aspirent, et les galères teintées de méfiance du début vont laisser la place à une superbe équipe soudée qu’on est légitimement fier de gérer, en tout cas suite aux choix de notre première partie.

Derrière son bureau, Robert ne va pas non plus être totalement inactif. Pour régler certains problèmes, nous allons en effet devoir régulièrement passer par un mini-jeu de hacking plutôt simple mais efficace, qui va également gagner en complexité au fil des épisodes. Les compétences de hacker de notre héros serviront également durant certaines séquences cinématiques, avec d’importantes répercussions en fonction de notre réussite ou échec. On peut cela dit reprocher le fait que ce mini-jeu ne supporte pas les touches ZQSD au clavier, forçant donc le passage en QWERTY, l'utilisation des touches fléchées, ou la manette, tandis que la partie gestion du jeu est nettement plus intuitive à la souris qu’au stick.

La composante gestion de Dispatch s’avère donc tout aussi réussie que son aspect narratif, mais on a là encore un petit grief à relever. Contrairement à l’histoire évoluant en fonction de nos choix, l’ordre des appels est en revanche entièrement scripté. La surprise et parfois les coups de stress d’une première partie ont donc tendance à totalement disparaître si on refait le jeu une seconde fois ou plus pour voir d’autres issues possibles du scénario, puisqu’on sait par avance qui envoyer au bon moment, et quelles ressources ou pouvoirs utiliser pour tout réussir à 100%. L’attrait de relancer une partie perd donc un peu de son intérêt sur ce plan, aussi agréable la gestion de la Z-Team soit-elle grâce à un gameplay globalement bien pensé, intuitif et vraiment prenant.
À noter enfin qu’aller au bout des huit épisodes de Dispatch prendra entre huit et dix heures. On aurait clairement voulu rester plus longtemps en compagnie de cette belle équipe de super collègues, et on espère qu’AdHoc nous régalera d’une saison 2. Le studio a toutefois déjà sur le feu un second jeu, cette fois en partenariat étroit avec l’univers Donjons & Dragons de Critical Role, qu’on surveille désormais avec enthousiasme !