Après une anthologie The Dark Pictures assez mitigée, Supermassive Games retrouve enfin son mojo. Le studio britannique spécialisé dans le jeu d'horreur interactif revient à ses premiers amours avec The Quarry en invitant les joueurs à suivre une bande de jeunes bons vivants esseulés dans un joli camp de vacances mêlant montagnes, lacs et forêts. Un véritable Until Dawn 2 en quelque sorte, reprenant tous les codes qui en ont fait le succès de l’opus original,  mais en  les bonifiant. On tient là notre coup de cœur de la période estivale.

Le coup de la panne qui vire au cauchemar

L’été touche à sa fin au camp de vacances de Hackett’s Quarry. Les enfants sont rentrés chez eux et les adultes sont aux abonnés absents. Les animateurs de la colo ont ce petit cadre idyllique perdu aux confins des forêts du nord de l'État de New York rien que pour eux. Au crépuscule de ce dernier jour de vacances d’été, ils ont préparé une petite fête d’au revoir qui pourrait tout changer. Une ultime soirée qui va tourner au cauchemar lorsque des créatures étranges et assoiffées de sang s’invitent aux festivités. 

the quarry

Comme son aîné spirituel, The Quarry est bien un pur slasher directement inspiré de la nouvelle vague de films d’horreur. La Cabane dans les bois, Vendredi 13, Scream, Evil Dead, les influences se font directement ressentir et le jeu nous met directement dans la bain. Pas d’introduction hyper longue et poussive pour poser les bases de l’intrigue et pour faire monter doucement la pression. Il instaure d’emblée le mystère avec une séquence d’introduction particulièrement cinématographique qui annonce la couleur pour le reste de l’aventure. Évidemment, toute cette ombre qui entoure le camp Hacketts est diluée dans quelques intrigues adolescentes à base d’amourettes. Mais Supermassive a compris la leçon : ce n’est qu’un tout petit pan de l’histoire qui sert avant tout à forger quelques relations tout au long de l’aventure.

On se gardera bien d’en dire plus sur le scénario et ses secrets, dont la découverte reste l’un des principaux attraits. Bien qu’un peu téléphonée sur certains passages, l'histoire est complètement prenante, si bien qu’on se surprend à faire The Quarry d’une traite sans pouvoir décrocher. Le jeu parvient à imbriquer intelligemment le lore de cet endroit moins paradisiaque qu’il n’y paraît, avec des sous-histoires tout aussi intéressantes. Résultat : on a envie de fouiller les moindres recoins du camp par peur de passer à côté d’un indice qui pourrait permettre de récolter de précieuses informations sur les mystères de cet endroit. On ne va pas y aller par quatre chemins, l’écriture de The Quarry est clairement un cran au-dessus de celle d’Until Dawn. Les moments teens assez malaisants sont remplacés par une insouciance assez drôle, les têtes à claques par des personnages plus nuancés et franchement attachants, et l’histoire sait balancer quelques twists vraiment sympathiques.

Jusqu'à l'aube

Il faut dire que le scénario de The Quarry est porté par un casting au meilleur de sa forme. Les vétérans du genre, dont Lance Henriksen (Aliens), David Arquette (Scream) dans le rôle du gérant de colo tout sympa et Ted Raimi (Evil Dead) en shérif vraiment flippant, donnent la réplique à des stars montantes américaines dont Ariel Winter (Modern Family), Justice Smith (Detective Pikachu) ou encore Brenda Song (Dollface). Évidemment, pour l’occasion, tout ce beaucoup monde a été motion capturé sous toutes ses coutures, histoire de livrer des cinématiques et scènes vraiment convaincantes. 

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De ce côté-là, il y a clairement un bond en avant par rapport à Until Dawn, avec des animations moins rigides et plus réalistes qui laissent place à quelques moments particulièrement drôles. Encore une fois, c'est surtout le travail sur le rendu des protagonistes qui impressionne, même s’il est moins bluffant que son aîné à son époque. Les textures de peau, les yeux, les petits détails du visage, rien n’est laissé pour compte. Résultat : Supermassive Games nous offre des personnages ultra réalistes aussi bien sur le plan graphique que celui des animations. Mais ça a son défaut : forcément les quelques soucis de synchronisation labiale ou de bouches qui se déforment ne pardonnent pas. 

Côté doublages, on ne saurait que trop vous recommander de vous ruer sur la version anglaise du jeu pour profiter de l’excellent travail des vrais acteurs de chaque personnage. Ca participe amplement à l’authenticité de chaque animateur et à l’implication dans leur survie. Petit hic : The Quarry ne propose actuellement pas de VOST, c’est soit tout en anglais, soit tout en français. Celles et ceux qui choisiront pour cette seconde option seront gratifiés d’une VF d’assez bonne facture mais qui manque encore de relief et qui n’a pas le même impact que les doublages originaux, la faute notamment à une synchro labiale aux fraises. Reste que l’ensemble des jeunots parvient avec brio à nous faire sympathiser avec cette petite bande d’animateurs, grâce un jeu d’acteur aux petits oignons. Ce n’est pas plus mal, car ce sont ces huit protégés qui nous sont confiés et le groupe pourrait bien être réduit à néant si l'on fait les mauvais choix. Comme c’est le cas depuis Until Dawn, la survie de tel ou tel personnage dépend entièrement de nos actions et de nos décisions.

What doesn't kill you will make you stronger

Pas de révolution à l’horizon, le gameplay de The Quarry a assez peu évolué depuis Until Dawn. On reste toujours sur une formule qui repose sur des choix plus ou moins cornéliens, avec quelques dilemmes moraux bien retors vers la fin. Ces derniers nous ont  d’ailleurs fait hésiter pendant tout le temps imparti. On enchaîne les saynètes se focalisant à tour de rôle sur chacun de ces moniteurs de colo dont on peut influencer le destin et les relations. Est-ce que Abby et Nick vont profiter de cette dernière soirée pour concrétiser des semaines de flirt ? Les tensions entre deux personnes auront-elles une incidence si l’une est en position de sauver l’autre ? Certains choix de dialogues peuvent paraître anodins de prime abord, mais d’autres peuvent être cruciaux à un moment donné de l’histoire. 

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C’est surtout dans le feu de l’action que les décisions à prendre seront plus directes et décisives. Se cacher, opter pour un raccourci plus dangereux, filer par le couloir de gauche pour tenter d’échapper à son assaillant, ou réussir à retenir sa respiration au bon moment pendant une course poursuite… Les possibilités sont nombreuses et les conséquences peuvent être désastreuses. Comme pour ses autres productions, Supermassive Games va tisser une véritable toile autour de nos décisions en multipliant les dilemmes. Tantôt insignifiants, souvent cruciaux, ils vont façonner petit à petit l’aventure, voire la bouleverser, tout en scellant morceau par morceau le destin des animateurs du camp. 

Pour faire monter la pression, The Quarry n’hésitera pas à indiquer visuellement quand un embranchement scénaristique crucial, appelé ici « Chemin », vient d’être enclenché ou mis à jour. Malin, The Quarry va même recenser ces chemins et leurs routes directement dans le menu principal. Supermassive pousse le sens du détail au maximum en les représentant ici par des VHS (l’ancêtre du Blu-Ray pour nos lecteurs plus jeunes) dont les pochettes sont inspirées des slashers de l’époque. Une bien bonne idée qui permet de suivre la progression de ses choix tout au long de l’aventure et de les comparer d’une partie à une autre. 

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Une carrière toute tracée ?

Bien que certains dénouements soient convenus, d’autres savent se montrer particulièrement surprenants. Sauf qu’ici les intestins déchiquetés, les têtes arrachées et les mâchoires éclatées ne dépendent pas uniquement des choix, mais aussi des QTE ratés. Le problème c’est que Supermassive les a tellement simplifiés qu’il est presque impossible de louper ces séquences involontairement. Il faut juste appuyer sur une seule touche de sa manette (A ou X selon la plateforme) ou bouger le joystick dans des sens unilatéraux (haut, bas, droite, gauche) avec un temps d’action atrocement long, marqué par un ralenti rasoir au possible. Spoiler alert : il n'y a malheureusement aucune option pour les rendre un tantinet plus difficiles. 

On se retrouve alors avec des QTE ultra permissifs qui enlèvent le stress de ces séquences, d’autant qu’elles sont souvent factices pendant une petite partie du jeu. Comme son illustre aîné, certains personnages semblent être immunisés à la mort comme par magie. Dans les premières heures, le titre bluffe et n’hésite pas à balancer des QTE et des choix artificiels qui n’ont en réalité aucune incidence sur l’avenir des protagonistes et leur destin. Enfin gare au retour de bâton, car il y a bien quelques surprises ici et là. On peut parfois penser s’en être tiré pour avoir quelques révélations plus tard.

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Pour aiguiller les joueurs dans leur lourde tâche, plusieurs cartes de tarots sont disséminées dans les décors, souvent bien cachés dans certains angles semi-fixes de caméra. Ces grandes remplaçantes des totems d’Until Dawn ne confèrent néanmoins aucune vision automatique une fois qu'elles sont ramassées. Elles sont uniquement accompagnées d’une phrase cryptique à interpréter du mieux possible avant de les apporter à la flippante et pourtant captivante Eliza. À chaque début de nouveau chapitre, le personnage offrira une lecture d’une seule carte donnant lieu à un indice sous forme de mini-vision illustrant la prophétie. Du moins si le joueur le souhaite, puisqu’il est possible de décliner l’aide de la vieille dame. Ces séquences à part sont néanmoins l’occasion de découvrir une Grace Zabriskie (Twin Peaks, The Grudge) complètement habitée par son rôle, nous offrant des moments aussi dérangeants que fascinants. 

Fais-moi peur

Pourtant, quand la notion de sécurité se dissipe, la tension est complètement à son comble. Le stress est d’autant plus palpable et violent lors des scènes d’action.  On craint la moindre erreur, la moindre décision qui pourrait être fatale. L’un des gros points forts d’Until Dawn, c’était son absence totale de parachute. Pas de vies, pas de sauvetages, une mort était définitive. The Quarry déroge à la règle en offrant un des artifices du jeu vidéo, ce qui casse un peu le délire avouons-le.

Et s’il y a bien une chose que The Quarry maîtrise, c’est son atmosphère. L’ambiance teen toute douce et rigolote des débuts est sublimée par quelques morceaux folk ou pop vraiment bien sélectionnés, des accords de guitare bien sentis et des effets de lumière du plus bel effet. Quand les choses sérieuses commencent, Supermassive laisse parler tout son savoir-faire en matière de tension, de scènes complètement oppressantes, d’ambiance sonore pesante et des plans séquences parfois des plus jolis, et tantôt complètement flippants, faisant honneur aux plus grands slashers. Une vraie réussite. The Quarry est clairement le jeu le plus cinématographique du studio britannique, mais il ne fait pas dans la dentelle pour autant. Le gore, les effusions de sang, les morts atroces : le titre coche toutes les cases du bon slasher. Miam miam. On regrettera toutefois quelques screamers trop téléphonés, que l’on voit venir à des kilomètres et qui n’ont pas l’effet escompté. 

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The Quarry est également l’œuvre la plus réussie en termes de réalisation qui soit sortie de chez Supermassive. Pourtant, quelques problèmes techniques persistent. Plusieurs cutscenes sont entachées par des transitions rêches, notamment lorsqu’un QTE doit être accompli. Systématiquement, réussi ou non, il est accompagné d’un petit saut qui coupe la scène suivante et qui vient parfois gâcher de vraies scènes d’action. À cela s’ajoutent des problèmes de texture qui popent pendant les cinématiques, assez discrets au début, mais plus persistants pendant la seconde moitié. Rien de très dramatique ceci dit, mais ça devient vraiment plus flagrant. 

Soirée pop-corn seul ou entre amis

On vous voit venir : ok et la promesse des 180 fins ? On ne va pas se mentir c’est ce qui nous a le plus déçu. The Quarry n’hésite pas à proposer des embranchements multiples, qui changent du tout au tout d’une partie à l’autre, mais une fois que les crédits défilent on a cette sensation qu’il manque une véritable conclusion aux sous-histoires, à certains chemins empruntés et aux relations. Ça dépend évidemment des choix, mais d’une partie à l’autre on reste quand même sur notre faim, même en ayant sauvé tout le monde et en ayant trouvé toutes les preuves. Un peu expéditif oserons-nous dire. La centaine de fins annoncée tient davantage des embranchements et des possibilités de chaque chemin critique, ce qui offre une véritable rejouabilité au jeu. À part les moments linéaires, il y a clairement moyen d’avoir des parties complètement différentes, même si les premières heures resteront similaires.  Passée la déception, on a qu’une seule envie : relancer une partie. Il faut dire que The Quarry sait y faire pour nous tenir en haleine. On ne s’est pas ennuyé une seule seconde et même si les conclusions ne sont pas celles espérées, le jeu tient toutes ses autres promesses. On a envie d’essayer des choix différents, de tenter de voir de nouvelles morts, de modifier certaines relations, etc. 

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Supermassive Games a d’ailleurs eu la bonne idée de rajouter quelques modes de jeux supplémentaires. À commencer par le mode Cinéma, qui permet de redécouvrir le titre sans avoir à jouer et avec des paramètres prédéfinis (tout le monde meurt, survit etc) ou personnalisés. Un ajout sympathique pour se poser tranquillement devant The Quarry et pourquoi pas découvrir des chemins différents sans avoir à se refaire 11h de jeu. Mais il lui manque une fonctionnalité : la possibilité d’avancer rapidement ou de reculer, comme pour un vrai film. L’autre mode de jeu est plus fun : la coop locale. Jusqu’à 8 joueurs peuvent se partager l’aventure en incarnant à tour de rôle un ou plusieurs personnages. Il suffit alors de se passer la manette. Ce mode est surtout recommandé pour une partie de découverte où il sera bon de théoriser sur les événements ensemble. La coopération en ligne est bien prévue en juillet,mais elle sera seulement limitée à un mode spectateur où les joueurs invités pourront façonner les choix de l’hôte.