Commence alors un développement des plus chaotiques. Le jeu a changé de maison plusieurs fois et a fini par atterrir dans les bras du tout nouveau studio de CI Games, Hexworks. C'est ici que les choses sérieuses ont commencé. Lords of the Fallen a totalement été repris à zéro, la suite s'est transformée en reboot, et quand le studio s'est rendu compte que la réception était excellente lors des premières présentations, il a même changé le nom du jeu, juste pour faire oublier qu'il y avait eu un épisode quelques années plus tôt.

Presque 10 ans après les débuts de la licence, Lords of the Fallen est donc sorti. Un RPG particulièrement exigeant qui reprenait tout à zéro. Une fois encore, le jeu est sorti peu de temps après un gros morceau de FromSoftware. Cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'une suite à succès, mais bien d'un GOTY, Elden Ring.

Deux mondes, une histoire

Si la comparaison est faite d'entrée de jeu, c'est simplement parce que les développeurs l'ont eux-mêmes faite à plusieurs reprises. FromSoftware n'a peut-être pas inventé les jeux difficiles, mais il a bien créé un genre, un standard même, avec ses "Souls". Bien que le studio n'ait pas le monopole du genre, il n'en reste pas moins une référence dans le domaine, difficile donc de passer à côté. Hexworks en est bien conscient et n'a jamais caché s'être inspiré du studio japonais, ce qui ne veut pas dire non plus qu'il en est un simple clone bon marché. Loin de là. Lords of the Fallen dispose de sa propre identité, visuelle de prime abord, mais également en termes de mécaniques.

Le jeu débute de manière assez abrupte. On nous explique que le monde d'Axiom dans lequel on va passer les trente prochaines heures est en plein chaos. La guerre, la mort, les créatures cauchemardesques… plus rien ne va et quelque chose d'encore pire se prépare. Une sublime cinématique d'introduction nous montre alors notre résurrection, nous, un cadavre parmi tant d'autres reposant dans un charnier, jusqu'à ce que la puissance d'une lanterne nous sorte de notre sommeil sans fin et nous offre l'immortalité. Mais à quel prix ?

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, et il est fatalement de notre devoir d'aller faire la peau à plusieurs sentinelles, des boss ultra puissants, pour les empêcher de tout détruire. La routine, quoi. Cette petite tournure scénaristique nous permet donc de créer un avatar, un homme ou une femme, de toute pièce. On peut alors profiter d'un petit éditeur de personnage relativement sommaire, mais doté d'un nombre d'options suffisamment élevé pour nous permettre de créer un héros suffisamment badass. Par contre, ce n'est pas grâce à ça que l'on profitera de l'Unreal Engine 5. Si les armures sont très détaillées, les visages, eux, sont assez moyens. C'est honnête, sans plus.

Lords of the Fallen
Le niveau de détails est assez hallucinant.

Vous pouvez jouer comme vous voulez

Vient enfin le choix de la classe. Les fans du genre le savent d'entrée, ce n'est ici qu'une base pour se lancer dans l'aventure. En réalité, vous pourrez jouer comme bon vous semble par la suite et dépenser votre expérience à votre guise. On peut donc voir les classes comme des packs d'équipement pour se lancer. Guerrier, chevalier, voleur, rôdeur, pyromancien… on a largement de quoi faire. Les amateurs de challenge ultime peuvent même commencer la partie totalement nus s'ils le souhaitent, mais ça fait très mal.

Si le choix de la classe importe peu quand on arrive à la moitié du jeu, elle est extrêmement importante pour le début de l'aventure. C'est grâce à ce choix que l'on aura notre premier équipement, nos premières ressources, et ça change clairement la dynamique des premières heures de jeu. Lords of the Fallen est un jeu très difficile, ne vous y méprenez pas, et il n'y a pas de mode facile. Mais il n'est pas nécessaire d'être sorti des grandes écoles pour comprendre que se promener à poil va drastiquement nous compliquer la tâche, alors qu'avec une armure lourde et une épée de deux mètres, on peut commencer à avoir confiance.

Mais l'impact du choix de départ s'arrêtera là. Dès que vous croiserez votre première stèle, les points de contrôle du jeu, vous pourrez commencer à dépenser votre expérience acquise au combat comme bon vous semble. Vous jouez comme vous voulez.

C'est vraiment beau.

Lords of the Fallen, n'est pas Lords of the Fallen

RPG oblige, les statistiques sont toutefois importantes, et ce sont elles qui vous permettront ou non d'équiper certains équipements, de découvrir les effets des objets ou de manier des armes spécifiques. Là encore, vous avez de quoi faire. Les pièces d'équipement sont légion, et les armes très nombreuses. La liberté de build est totale, et c'est une excellente chose. D’ailleurs, on peut récupérer pratiquement tous les équipements que portent nos ennemis, sans compter tout ce que l'on trouvera durant l'exploration. Ajoutons à cela quelques sorts magiques, des bijoux permettant de gagner des effets passifs (gain d'endurance, renforcement des points de vie, dégâts supplémentaires…) et une tonne de consommables aux propriétés diverses, et vous obtenez le cocktail parfait pour tenir en haleine tous les amoureux de la construction de build.

Un point plutôt important dans les jeux de ce genre, puisque c'est grâce à cela que l'on obtient une certaine rejouabilité, d'ailleurs, dans la mesure où l'équipement peut totalement changer le défi, mais aussi puisque cela nous permet d'expérimenter en jeu et même de nous adapter aux défis que l'on affronte. Et des défis, il y en a un paquet. Heureusement, tout le système de combat du jeu a été revu. C'est fini les déplacements au ralenti et les mouvements bourrés de lag d'entrée. Lords of the Fallen permet enfin de se déplacer avec agilité. On n'est pas loin d'atteindre celle de Dark Souls 3 dans certains cas.

Bien sûr, tout dépendra de votre équipement, mais même en étant hyper lourd, on est relativement souple. Plus qu'en 2014 en tout cas. Comme d'habitude, nos mouvements offensifs et défensifs coûtent de l'endurance, sur laquelle il faudra garder un œil, sous peine de se retrouver dans la panade. On peut faire des attaques lourdes, légères, parer voire même bloquer si l'on a un bouclier… le kit du parfait combattant. Un verrouillage existe et nous permet de suivre nos ennemis, peu importe la vitesse à laquelle ils se déplacent, et la caméra arrive à suivre, la plupart du temps.

Bon, il lui arrive encore de se planter dans le décor, mais je pense de toute manière que personne n'arrivera à nous faire une bonne caméra et un bon système de verrouillage. Ça fait des années qu'on relève le problème alors bon… Dans tous les cas, on peut tout de même bien se défendre, et c'est une chance, parce que les ennemis sont impitoyables. Certains peuvent vous liquider en 2 ou 3 coups maximum, quand ils ne vous harponnent pas pour vous achever. Oui, Lords of the Fallen est difficile, parfois un peu trop même, et pas seulement à cause des combats.

Lords of the Fallen
Les panoramas ont de la gueule.

Un jeu difficile, parfois même carrément frustrant

Bien doser la difficulté et trouver l'équilibre dans ce genre de jeu est un véritable numéro d'équilibriste. Il faut savoir pousser le joueur à l'apprentissage (des mécaniques, du monde qui l'entoure) sans jamais le brusquer ou le punir trop sévèrement. Avec la bonne recette, on peut pimenter l'expérience jusqu'à l'extrême, tant que ça reste cohérent et bien sûr gratifiant. Malheureusement, Lords of the Fallen a tendance à oublier certains de ces points en chemin.

Le jeu ne laisse pratiquement aucun répit au joueur, et ce dès les premières heures. En fait, dès que l'on aura terminé ce qui s'apparente à une zone tutoriel, les choses vont se corser pour ne jamais ralentir, quitte à aller dans la surenchère. Dans Lords of the Fallen, on explore non pas un, mais deux univers entremêlés en même temps. Il y a déjà Axiom, que l'on qualifiera de "monde réel", et ensuite l'Umbral, l'équivalent du monde des morts ou des enfers. L'Axiom représente le gros de l'aventure. C'est le royaume "principal", si on veut, celui que l'on arpente principalement. Lors d'un décès, avant le game over, on atterrit dans l'Umbral, le monde des morts. Il faudra alors arriver à s'en extirper vivant en rejoignant des points d'ancrage prédéfinis (des cadavres luisants). En cas d'échec, c'est la mort définitive et un retour au dernier checkpoint. Sur le papier, c'est génial. Dans les faits, c'est également le cas, en vérité. Le hic, c'est que l'Umbral va rapidement se transformer en véritable enfer sur terre, ajoutant de la difficulté par-dessus la difficulté initiale.

Axiom est déjà un monde impitoyable. Les ennemis sont souvent nombreux, parfois placés de manière hyper vicieuse, et presque tout cherche à nous tuer. L'Umbral a la même dynamique, mais en pire. Déjà, les créatures qui y rodent sont plus violentes, plus nombreuses. Ensuite, une force nous surveille constamment, et plus on reste dans l'Umbral, plus on se met en danger. On commence à avoir des visions, des créatures se mettent à apparaître sur notre chemin ou derrière nous de manière aléatoire et en se renforçant au fil du temps, puis, c'est la Mort qui débarque. La Mort, l'entité elle-même, avec ses bestioles, ses faucilles et tout le tralala. C'est un véritable coupe-gorge, et suivant où l'on atterrit, on peut parfois prendre plusieurs minutes pour en sortir. Un enfer, littéralement.

Lords of the Fallen
La direction artistique envoie vraiment du lourd.

Stranger of the Fallen

Alors, il est vrai que cette histoire de monde parallèle qui évolue côte à côte est assez géniale, d'autant que grâce à notre lanterne, on peut voir de manière dynamique ce qui se passe de "l'autre côté", une sorte de "Monde à l'Envers" de Stranger Things. Cela nous permet de révéler des passages secrets, d'atteindre des endroits autrement inaccessibles, mais aussi de rencontrer des PNJ qui n'existent pas dans le monde réel. Sans compter que l'Umbral déforme toute la réalité. La direction artistique change totalement. Le dark fantasy laisse place à l'horreur qui rappelle notamment les œuvres lovecraftiennes ou celles de Zdzisław Beksiński (un artiste impressionnant).

En Umbral se dessinent des silhouettes humanoïdes disproportionnées, des composants organiques fusionnent avec l'environnement, des yeux géants nous guettent constamment… c'est sublime, vraiment. Mais aussi génial que soit cet univers, il ajoute une difficulté supplémentaire qui ne nous laisse que très peu de répit, voire pas du tout. Parfois même, le simple fait de redresser la lanterne pour voir l'Umbral peut provoquer notre mort. Il suffit qu'une créature rôde près de nous à ce moment-là et nous touche pour que l'on bascule et que l'on se retrouve coincé. Il arrive parfois aussi que l'on doive rebrousser chemin pour sortir de l'Umbral, nous faisant perdre du temps tout en nous mettant davantage en danger. Dommage, car un peu d'équilibrage aurait pu rendre la chose hyper intéressante.

Lords of the Fallen Umbral
On a pas le temps de se reposer, jamais.

Parfois, le jeu nous oblige d'ailleurs à aller dans l'Umbral, sueurs froides garanties. Mais en l'état, s'il n'y avait qu'une question d'équilibrage, ça irait. Le problème, c'est que le level design lui aussi nous en veut. Le monde est tortueux, il est déjà difficile de se repérer, d'autant que l'on n'a aucune carte entre les mains, simplement quelques croquis récupérables ici et là, mais que l'on peut rater d'ailleurs. Du coup, on avance à l'aveugle et l'on doit être capable de se dessiner mentalement une carte de ce que l'on explore.

Le souci, c'est qu'en entremêlant l'Umbral au monde réel, ça devient rapidement un bordel sans nom, il n'y a pas d'autres mots. Heureusement, le jeu est relativement linéaire et il nous pousse souvent à aller de l'avant. On comprendra rapidement que l'on a affaire à plusieurs zones relativement denses et plus ou moins liées à un secteur qui fera office de hub. C'est ici que l'on retrouvera tous les PNJ croisés en jeu et que l'on pourra trouver quelques services comme un forgeron, un marchand… ce genre de choses. Mais malgré tout, et malgré la présence de téléporteurs ici et là, c'est difficile de se repérer efficacement. On a vite fait de se perdre pour peu que l'on lâche le fil de notre quête principale. C'est d'autant plus vrai que les checkpoints ne sont pas légion, et c'est également un problème majeur.

Ici, ça va faire très mal.

Pas le temps de se reposer, tout souhaite notre mort

Lords of the Fallen est tortueux et bourré d'ennemis, et ces derniers n'hésitent pas à venir en grappe et font très mal. Le bestiaire est d'ailleurs ultra fourni de ce côté-là, il n'y a rien à dire. Mais certains passages sont de véritables chemins de croix. Les monstres pullulent, et le level design veut notre peau. Il n'est pas rare de se retrouver à jouer les équilibristes au-dessus du vide en se faisant tirer dessus, ou de devoir sortir la lanterne quand des monstres rôdent de l'autre côté, en plus de ceux présents dans le monde réel, sans compter les vicieux qui poussent ou chargent dans des couloirs ou devant des pièges… Ah ça, pour mourir, on va mourir. Ce n'est pas censé être un problème, sauf lorsque ça ne s'arrête jamais pendant plusieurs dizaines de minutes et que l'on n'a aucun checkpoint à portée. Les stèles principales sont bien trop éloignées la plupart du temps.

Parfois même, elles se retrouvent à plusieurs minutes de marche de points d'intérêts importants, comme une salle de boss par exemple. Il n'y a rien de pire que de trépasser sur un combat difficile et risquer 20 fois sa peau en essayant d'aller prendre sa revanche. Et pourtant, ça arrive souvent dans Lords of the Fallen. Pour tenter de pallier ça, les développeurs nous permettent de créer nos propres points de sauvegarde, un à la fois en réalité. Il suffit pour cela d'avoir sur soi des graines spéciales que l'on plante ensuite sur des parterres de fleurs d'Umbral.

C'est bien beau tout ça, mais c'est moins facile qu'il n'y paraît. Les graines sont assez rares à attraper, on n'a absolument aucun moyen de se situer efficacement non plus et donc de jauger si c'est rentable d'en utiliser une ou non, d'autant qu'il arrive que les parterres soient parfois à quelques mètres d'une stèle. Mais ça, encore une fois, on n'en sait rien, et on aura tendance à utiliser nos graines dès qu'on en aura l'occasion, ce qui est une mauvaise idée. Là encore, cette fonctionnalité aurait pu être intéressante, mais elle est assez mal exploitée. On ne dispose pas des outils nécessaires pour juger si c'est une bonne ou une mauvaise chose d'utiliser ces graines si rares, et le level design nous trompe parfois, ce qui peut rapidement être frustrant.

L'Unreal Engine 5 fait des merveilles avec Lords of the Fallen

Tout semble vouloir notre peau et nous faire baver, et si c'est amusant au début, ça peut rapidement rebuter et jouer sur les nerfs. En revanche, Lords of the Fallen a pour lui de gros atouts, notamment son level design. Son plus grand défaut est aussi l'une de ses forces. Le jeu nous oblige sans cesse à être sur le qui-vive, impossible de se reposer. Pourtant, les mondes d'Axiom et d'Umbral sont absolument sublimes. Artistiquement, c'est assez incroyable, les panoramas s'enchaînent, c'est inspiré et très détaillé, que l'on soit en intérieur ou en extérieur.

L'Unreal Engine 5 fait un travail assez phénoménal, on a réellement le sentiment de toucher un jeu next-gen. Les effets de lumière notamment sont franchement réussis, pour ne pas dire totalement dingues. Et c'est valable pour la plupart des effets d'ailleurs. Le character design n'est pas en reste et profite lui aussi de la puissance du moteur graphique. C'est détaillé, et les animations sont assez impressionnantes parfois, notamment chez les boss. S'ils ne sont pas tous du même niveau qualitatif, ils donnent tous du fil à retordre et sont généralement sublimes. On sent ici d'ailleurs davantage les inspirations empruntées aux œuvres de FromSoftware, et pas seulement les Souls.

Difficile de faire la fine bouche, on en a clairement pour notre argent. Les affrontements sont généralement hyper bien rythmés, et on profite très largement de la nouvelle agilité que propose le gameplay, à des années-lumière de la rigidité du jeu de 2014. Les sensations sont globalement très bonnes, et le sound design en rajoute une couche d'ailleurs. Que l'on soit en combat ou non, on en prend plein les oreilles. Les bruitages sont percutants, la spatialisation nous aide à entendre ce qui nous arrive dans le dos assez clairement, ce qui est un plus non négligeable dans l'Umbral, et l'ambiance générale est galvanisée par des sonorités qui font mouche. Même l'OST est assez magistrale dans son genre, sans pour autant pouvoir prétendre côtoyer celle d'un Elden Ring, par exemple.

Notez qu’il est également possible de jouer en coopération avec un allié en l’invitant à rejoindre son monde comme dans la plupart des jeux du genre. Vous pourrez également faire le salopard et aller pourrir la partie d'autres pauvres âmes en envahissant leur monde pour les tuer. Un petit bonus sympa histoire de dire, mais rien de transcendant à se mettre sous la dent pour autant.

Un mot sur les performances après la sortie

Le test a été réalisé sur PC avant l'apparition des premiers gros patchs. Lords of the Fallen s'est amélioré depuis sa sortie, notamment en termes de stabilité, mais certains joueurs se plaignent encore d'un problème d'optimisation. De notre côté, rien de particulier à signaler. Quelques ralentissements subsistent au moment des chargements, mais c'est à peu près tout. La configuration utilisée pour ce test est la suivante : RTX 4070 Ti, Ryzen 7 7800X3D, 32 Go de RAM, installé sur SSD. Notez que Lords of the Fallen reste tout de même un jeu assez gourmand. Avec ce PC en tout cas, le jeu tournait sans problème en 4K et en ultra. Aucun ralentissement majeur en jeu ni quoi que ce soit de notable venant entraver l'expérience de jeu. On notera tout de même des soucis d'IA qui nous traquent jusqu'au bout de l'infini, ou des ennemis qui viennent se planter dans le décor un peu trop facilement. Mais ces problèmes vont être corrigés dans les prochains patchs.