G. : Alors, au moment où vous faites Chains of Olympus, y'a God of War 2 qui est dans le gros du boulot. Il sort, re-claque. Lui, il traite la suite de l'histoire, vous vous êtes avant, mais quand il s'agit de créer des niveaux, d'imaginer des puzzles qui sont de la taille des niveaux, donc de créer du gameplay, de la mécanique ludique, de mélanger ça avec l'histoire pour que ça ait une raison d'être... Est-ce qu'il y a des choses que vous avez voulu faire au départ et que vous n'avez pas pu faire parce que vous avez eu des idées en commun avec les autres, par rapport à God of War 2, et God of War 3 qui est en développement ?

R.W. : Oui et non. Y'a certains personnages de la mythologie que j'ai voulu utiliser, et je n'ai pas pu, parce qu'en lisant l'histoire ils ont dit "non, non, non, vous pouvez pas faire ça !", et il y a même certains personnages de la mythologie que nous, on a mis dans le jeu, et qu'ils ont voulu utiliser après. Donc au bout d'un moment, c'était : "arrêtons, on ne peut pas se marcher sur les pieds tout le temps"... Donc oui, y'avait beaucoup de choses comme ça, même côté gameplay, aussi. Au début, on a eu quelques soucis de notre côté, à Ready at Dawn, pour vraiment comprendre le design de God of War. Et ça prend du temps de comprendre ce jeu. De vraiment m'asseoir, mettre la tête dedans, et me dire : "ok, c'est ça God of War". Les macro-puzzles qui durent vachement longtemps, les scènes de combat, les boss, tout ça. Et en fait, après avoir pris le temps pour faire ça, il y a définitivement des trucs qu'ils auraient voulu faire, eux. Par exemple, on a une deuxième arme, qui est un truc qu'ils auraient voulu explorer.

G : L'arme elle-même ?

R.W. : Oui. L'arme elle-même.

G : Pour le 2 ou le 3 ?

R.W. : Apparemment, ils nous ont dit qu'ils avaient eu l'idée de faire ça mais ne l'avaient jamais explorée dans le passé. Mais après, quand on a commencé à travailler dessus, on était en plein développement dedans... ils nous on dit : "hey, on a envie de faire quelque chose comme ça pour God of War III". Je sais pas s'ils vont développer quelque chose dans le même genre, mais c'était intéressant de voir les mêmes pensées, pour voir où le combat devait aller. Parce que tout ce qu'on voyait de God of War avant, c'était que même si il y avait des armes secondaires, tous les gens revenaient aux lames, les Blades of Chaos. Et nous on voulait vraiment faire quelque chose qui donne un certain avantage à jouer une autre arme, qui ait un différent système de combat. Ce qui va être intéressant c'est de voir si ça marche. Mais c'est très très dur à faire parce que le système de combat des lames est absolument superbe. C'est très dur de faire quelque chose en parallèle. Eux, ils nous ont dit carrément : "on n'y est pas arrivé, c'est pour ça qu'on n'a pas développé nos armes : on arrivait pas à faire quelque chose qui serait bien avec ça".

G : Par rapport à la dynamique de ces lames, justement, on a l'impression d'ailleurs que ça tient presque du coup de chatte ! Qu'ont-ils partagé avec vous, soit du point de vue technique soit du point de vue design pour que vous puissiez récupérer ce système et vous l'approprier ?

R.W. : De notre côté on a vraiment étudié GoW pour voir la base de ce que c'était. Beaucoup d'équipes ont essayé ces dernières années de le répliquer, ils n'ont pas vraiment réussi. Il faut être humble : savoir que le système de combat, c'est pas un truc que tout le monde peut faire. Et d'apprendre, parce que c'est déjà là. C'est pas une question de réinventer tout.

G. : De le comprendre et de l'intégrer ?

R.W. : Exactement. Et il y a beaucoup d'équipes, je crois, qui ont essayé de réinventer ça au lieu de vraiment comprendre pourquoi ça marchait tellement bien. Les bases, elles sont incroyables ! La personne qui a créé ça, Eric Williams, a travaillé à Santa Monica depuis le premier God of War. C'est lui qui est derrière tout le système de combat de God of War 1 et 2, vraiment tout ce qui est combat, en fait, c'est lui. Il a quitté l'équipe de Santa Monica d'ailleurs, il y a quelques mois, et durant les deux derniers mois de notre jeu, on lui a demandé de venir nous filer un coup de main.

G. : Il est toujours avec vous ?

R.W. : Non, là il fait du consulting ici et là. Il est venu travailler avec nous, on s'est marré comme des cons, mais ce qui était génial c'était de voir l'esprit qu'il avait. En fait la bible qu'il avait dans sa tête, c'est incroyable ! Ce mec il connaît God of War du début à la fin... mais c'est pas vraiment quelqu'un dont on parle très souvent dans la presse...

G. : Bin, oui, justement je vais noter son nom, tiens.

R.W. : Ah, ouais, si t'as la chance de pouvoir lui parler... Mais je te jure, ce mec, c'est... c'est ces rares personnes qui arrivent à t'expliquer...

G. : C'est un Itagaki-like, peut-être, qui connaît la mécanique, qui dit "ça doit être comme ça"...

R.W. : Voilà, c'est ça, il connaît ça exactement, du début à la fin. Je crois que sa société s'appelle "Short Short Super" (référence à un combo de Street Fighter, ndlr). Ce mec, tu peux rester devant lui, il t'explique toutes ses bases du système de combat de God of War, et tu te tais... C'était assez pour nous dire : "Ok, d'accord, on va refaire ça !". Mais c'est ça qui est cool : il est revenu avec nous, il a regardé notre système de combat, y'a des trucs qu'il a vachement aimé, et d'autres trucs où il nous a dit : "écoutez, allez pas dans cette direction, parce que je sais ce qui va se passer". Il nous expliquait, et après l'avoir écouté, tu te disais : "Ah. Ouais. C'est pas con du tout". Lui, par exemple, c'était une encyclopédie pour nous pour vraiment apprendre ce que c'était. Et c'est ça le but quand tu fais un jeu comme God of War. Pour répliquer cette expérience, il faut d'abord comprendre, et essayer de savoir pourquoi les gens ont passé autant de temps à faire ça. Ne pas se prendre la grosse tête en pensant qu'on peut tout refaire.