Cela fera en effet 10 ans que le dernier volet de l'une des sagas les moins connues du constructeur nippon aura vu le jour sur la DS première du nom, laissant depuis un certain vide dans le coeur des stratèges allergiques à la vue du sang. C'est ainsi que Tiny Metal cherche à venir combler ce manque autant qu'à surfer sur l'incroyable appel d'air offert au jeu indépendant grâce au succès de la Switch. Le petit problème, c'est que le jeu d'Area 35 aura beaucoup fait parler de lui avant sa sortie, et pas forcément pour les bonnes raisons : développé pour financer un autre jeu pourtant passé par Kickstarter, Tiny Metal aurait bénéficié des fonds récoltés pour ce dernier, une magouille que le développeur expatrié Tariq Lacy n'a pas hésité à qualifier "d'arnaque", comme le rapportait le site Kotaku. Difficile d'appliquer correctement sa stratégie lorsque l'adversaire vous entend ainsi arriver, mais c'est le défi que s'est donc lancé ce STR choupinou, parti la fleur au fusil.

Une Veste Pleine de Métal

Tiny Metal nous place dans les boots de Nathan Gries, un lieutenant orphelin de guerre rusé mais encore peu expérimenté au combat. Placé à la tête d'une unité de l'armée d'Artemisia, le jeune leader devra faire face aux troupes ennemi de Zipang, une référence à peine voilée à l'archipel nippon renommé "Cipango" par Marco Polo, qui avait déjà pu être cité plus tôt dans l'année avec le très japonisant Nioh. Quel dommage en revanche que l'introduction du jeu noie le joueur sous de sacrés pavés pour présenter son décor : après une cinématique qui se permet de ramer dès ses premières secondes et qu'on ne peut pas immédiatement zapper (bien bien lourd à force, croyez-moi), on aurait préféré voir le scénario s'épanouir de manière un peu plus digeste, pour mieux rentrer direct dans le vif du sujet.

Inspiré de la série Nintendo Wars comme nous vous l'annoncions en introduction, Tiny Metal prend donc assez logiquement la forme d'un jeu de stratégie au tour-par-tour dans lequel il convient de déplacer ses troupes sur une carte découpée en damier proposant à peu près tout ce qui se fait en la matière. Ainsi les différentes classes se meuvent avec plus ou moins de grâce : les lanceurs de roquette sont efficaces contre les blindés mais ne se déplacent que très lentement là où les Éclaireurs motorisés avalent les distances et déciment avec aisance les troupes à pied. Ajoutez à tout cela quelques diableries volantes comme l'hélicoptère ou l'avion de reconnaissance, et vous tenez là un cocktail varié, somme toute sympathique, mais bien loin de la folie des grands soirs de bataille.

Jour et brouillard

Tout ce petit monde se voit donc systématiquement balancé sur une carte faite de routes, de bâtiments à vaillamment conquérir et autres Rubicon à franchir, autant d'obstacles plus ou moins naturels qui viendront solliciter votre génie militaire lorsque vient l'heure de déployer sa stratégie. Chaque mission se verra contextualisée par ces scénettes dont nous parlions précédemment, histoire de planter le décor. Si votre unité foncera tête baissée dans quelques embuscades qu'on aura vu venir de loin, des missions de sauvetages et autres expéditions champêtres réserveront souvent leur lot de surprises.

Dans les faits, les joutes sont assez intéressantes, mais elles partagent souvent le même gros défaut, à savoir l'obligation quasi-systématique de se faire avoir au moins une fois pour défaire correctement l'adversaire. Car si l'environnement immédiat ne réserve aucune surprise, Tiny Metal propose une vision bien à lui de ce que la carte vous autorise à voir. Ce système, c'est le "Brouillard de la Guerre", un mystérieux voile opaque qui se déplace avec vous. Concrètement, chaque unité dégage la vue à chaque nouvelle avancée, mais les endroits révélés en début de partie redeviendront masqués si plus aucune de vos troupes ne s'y trouve où qu'aucun bâtiment ne vous appartienne. Du coup, il sera facile pour les blindés ennemis de vous surprendre au dernier moment, que ce soit par derrière de la plus fourbe des manières comme en frontal. Si l'on comprend l'idée, une fois en jeu, cette trouvaille génère souvent plus de frustration qu'autre chose.

C'est la chanson des héros

Et pourtant, Tiny metal regorge d'idées sympathiques, une fois que l'on aura soi-même testé et compris ses mécaniques, la faute à des phases de tutoriels pas franchement toujours claires. L'invocation des héros par exemple, trois unités aux statistiques largement supérieures aux autres et que vous pourrez lâcher n'importe où sur la carte dans un éclat de rire bien gras, ne peut se faire qu'à l'aide de structures dédiées. Problème : le script expliquant leur fonctionnement se déclenche toujours au même tour, que vous ayez ou non découvert la structure en question. Une erreur regrettable qui laisse apparaître quelques soucis de finition, alors que le jeu aura été retardé d'un mois juste avant sa sortie originale.

A noter qu'au rang des loupés, le mode multijoueur promis dès le départ n'arrivera qu'au mois de mars si tout se passe bien, tandis qu'une campagne additionnelle viendra s'ajouter plus tard dans l'année. Malgré sa campagne conséquente et son mode Escarmouche, Tiny Metal donne donc parfois l'impression que les peintres ont fini les derniers recoins en courant, comme s'il fallait quoi qu'il arrive rendre la copie en l'état. l'IA réservera son lot de surprises difficilement explicables, dans la mesure où votre adversaire ne se révèle pas toujours être le plus fin des stratèges... Ainsi, si on prendra la peine de ne pas envoyer ses fantassins à la mort face à un blindé, on s'étonnera de voir l'ennemi considérer sa bleusaille comme de la simple chaire à canon.

"En même temps"

Pour autant, Tiny Metal propose souvent de bonnes sensations, et des joutes intéressantes dès lors que l'on connait un peu mieux la topographie des lieux. Avec son système de capture de bâtiments sur plusieurs tours qui oblige à manier les cordons de la bourse avec une certaine agilité, le jeu oblige à constamment arbitrer entre maximisations des ressources et occupations du terrain. Ce terrain, justement, regorge de forêts, routes goudronnées et autres collines qui facilitent ou handicapent la progression de vos différentes troupes, un paramètre à constamment garder à l'esprit, tout comme l'orientation qui sera déterminante pour la gestion des dégâts.

Malheureusement, les efforts mollassons de mise en scène tournent rapidement en rond et ne s'avèrent pas des plus convaincant, tout comme l'esthétique globale du titre. Alternant entre des dialogues visuellement efficaces bien que parfois bizarrement passé à la moulinette de la traduction et des phases in-game qui transpirent un manque de finition, Tiny Metal présente même dans sa forme cet oscillement caractéristique où chaque bonne idée se voit atténuer par une autre plus discutable. Une certaine vision militariste du Yin et du Yang, finalement.