Après le légendaire épisode sous licence Star Wars Knights of the Old Republic, Bioware enchaînait et changeait d'univers SF en nous proposant, il y a 10 ans déjà, une nouvelle licence Space Opera nommée Mass Effect, en exclusivité sur Xbox 360. Avec seulement trois épisodes liés par des choix scénaristiques marquants, qui impactaient une fin qui avait pas mal fait jaser en son temps, Mass Effect à su se tailler une solide réputation et accéder au panthéon des meilleurs titres de la septième génération de consoles. Avec un scénario qui n'appelait pas à la suite mais plutôt au spin-off, l'annonce de la mise en chantier d'un quatrième épisode avait de quoi surprendre.

Mais c'est bel et bien le défi que se sont lancés les développeurs de Bioware : passer après Shepard et les moissonneurs. Si on aurait pu s'attendre à un épisode annexe relatant la Guerre du Premier Contact, la Moisson des Protéens, ou encore centré sur un des acolytes de la première trilogie (un peu comme Star Wars et son futur film consacré à Han Solo), c'est finalement une toute nouvelle galaxie qui à été choisie... Pour mieux signer un retour aux sources aux débuts de la saga ? Pour contenter à la fois les nouveaux venus et les fanatiques de la série ? C'est ce que nous allons voir dans ce test, réalisé à partir d'une version commerciale PS4 ayant tourné sur une PS4 basique et une PS4 Pro.

Un petit pas pour l'homme...

C'est donc avec l'idée un peu folle de coloniser une nouvelle galaxie qu'un voyage sans retour de plus de 600 ans s'amorce. Dans quel état est la voie lactée au moment du départ ? Ou sont les Moissonneurs ? On n'en sait rien et il n'en sera pas fait mention durant tout Andromeda. Une bonne façon de s'affranchir de pas mal de choses et de proposer ainsi une aventure qu'on pourra suivre de bout en bout sans avoir profité des exploits de Shepard dans la première trilogie. Vous êtes donc placés dans la peau d'un pionnier, un explorateur de l'espace dont la mission sera de découvrir de nouveaux mondes afin d'y établir des colonies. Mais le voyage ne se déroule pas tout à fait comme prévu, puisque tout de suite après être arrivée dans la galaxie, votre "arche", qui contient pas moins de 20.000 âmes, est stoppée net dans sa progression par un dangereux et mystérieux nuage d'énergie noire aux alentours de l'Habitat Sept, un de des mondes potentiel qui avait été repéré depuis la voie lactée avant le départ. Ni une ni deux, vous partez explorer la planète, qui se montre au final très peu accueillante : l'atmosphère y est irrespirable, la foudre frappe n'importe où et les rochers volent dans le ciel ! Que s'est il passé ces 600 dernières années pour qu'un monde potentiel devienne une telle ruine ? Et pour ne pas arranger les choses, vous rencontrez des Kerts, des aliens qui explorent eux aussi cette planète, et le premier contact est... violent. Ce qui les a attirés ici ? Une mystérieuse technologie, celle des reliquats, qui semble dater de temps immémoriaux et qui est aussi bien capable de dévaster que de terraformer des planètes...

C'est sur ce constat que s'ouvre Mass Effect Andromeda, et ce sera à vous, le pionnier, le pendant du Spectre pour l'initiative, d'explorer toutes les planètes se trouvant sur votre passage et de faire connaissance avec les natifs d'Andromède, tout en luttant contre les Kerts. Découvrir les mystères de la technologie Reliquate sera bien entendu un enjeu primordial pour la survie dans cette nouvelle galaxie, et le parallèle avec l'humanité et les ruines Protéenes est évident.

Comme dans moult RPG, le titre s'ouvre sur la création de votre personnage. L'éditeur est malheureusement peu développé, avec moins de possibilités de personnalisation que dans les premiers épisodes. À partir d'un des onze visages proposés par sexe, on pourra choisir la coiffure, la couleur de la peau et quelques options de maquillage, mais c'est à peu près tout. Impossible de choisir le type de nez, de bouche, ou encore la forme des yeux... Vous pourrez donc dire adieu à ce moment chronophage, véritable rite de passage d'un RPG, que constitue la création de votre avatar, et c'est bien dommage. Vous aurez aussi le choix du prénom, mais sachez que si vous restez sur le combo Sara/Scott, quelques PNJ vous feront l'honneur de vous appeler autrement que « Ryder ».

... un grand pas pour Mass Effect ?

Une première petite déception, donc. Mais qu'à cela ne tienne, Andromeda et ses promesses d'aventure attendront moins. En arrivant au bout de l'aventure, c'est une émotion mitigée que j'ai ressentie une fois les péripéties proposées par la galaxie la plus proche de la voie lactée terminées. Si le postulat de partir dans un nouvel environnement est louable, et que notre intérêt est titillé de part en part grâce aux Kerts, qui se posent en successeurs crédibles aux Moissonneurs au poste d'antagoniste au dessus de tout, et aux mystérieux reliquats durant toute l'aventure, l'ensemble tourne malheureusement en eau de boudin dans les dernières heures. De nombreuses questions essentielles et existentielles restent en effet sans réponse sur l'origine des mystérieux artefacts de la galaxie d'Andromède, et le combat contre les Kerts reste tout à fait ouvert à une suite. Vous n'arrivez donc pas au point final de cette histoire, et si Andromeda n'avait pas droit à une suite, un fort goût d'inachevé se dégagerait de l'ensemble... D'autant plus que ça ne serait pas la seule déception pour les fans qui connaissent et apprécient les fondements de Mass Effect. En effet, les choix moraux marquants font partie de l'ADN de la série, et ces derniers, s'ils sont systématiquement déchirants sur le coup, n'ont au final que très peu d'impact sur la fin. La préparation galactique n'a pas non plus besoin d'être aussi poussée que dans Mass Effect 3 pour parvenir à la conclusion ou tout le monde survit dans votre équipe. C'est fort dommage car le système de dialogues a pour sa part pas mal évolué.

Ce dernier n'est plus cantonné au seul registre du pragmatisme et de la diplomatie, mais va désormais faire appel à des tons tour à tour humoristiques, sérieux, passionnés ou professionnels. Les possibilités de dialogues ainsi que les actions contextuelles spécifiques à votre filiation deviennent donc ouvertes à tous à tout instant. Aussi, les possibilités de romances avec les membres de l'équipage de votre vaisseau sont bien plus poussées que dans la précédente trilogie, avec de vraies histoires d'amour, mais aussi d'amitié, voire même des relations légères ou des histoires d'une seule nuit ! Au rayon des réussites, on trouve aussi une écriture assez riche, que ce soit au niveau de l'intrigue principale, mais aussi des nombreuses quêtes et de l'histoire de vos acolytes, qu'il faudra aider dans une tâche spécifique afin de gagner leur loyauté sans faille. L'univers se montre aussi assez original, avec différents paysages ultra dépaysants, qu'ils soient dans l'espace ou sur terre, et l'Archonte, antagoniste principal, se pose au niveau des têtes fortes de la saga avec Saren, Sovereign ou "l'illusive man". Ryder à la "catchline" facile ("Je n'explore pas la galaxie sans mon café") et se pose en héros à la hauteur des exploits de Shepard. Votre vaisseau, le Tempête, figurine lui aussi au rang des stars de cet épisode, avec son design entre la Batmobile et une vieille sportive Américaine, avec le grisant bruit de ses moteurs. À ce propos, j'ai mis le doigt sur une petite incohérence scénaristique : si le "Mass Effect" découvert grâce aux ruines Protéenes permet de voyager à la vitesse supra luminique, ce sont les relais cosmodésiques qui permettent de voyager instantanément dans la voie lactée. Dans Andromède, sans eux, le moindre voyage d'un bout à l'autre pourrait prendre des années, et ce sans prendre en compte l'effet de la relativité... Je n'ai trouvé aucune réponse à mes questions sur ce point dans le codex du jeu... Reste à savoir si c'est un oubli ou une facilité prise par les scénaristes. Andromède a donc une histoire riche et mystérieuse, elle abrite de nombreux secrets qu'il serait grisant de découvrir, mais la fin nous laissera donc un petit goût d'inachevé...

Un vrai jeu d'Aventure

Une des marques de fabrique de Bioware reste bien entendu la confection d'univers RPG aux petits oignons. Et pour le coup, il faut bien avouer que Mass Effect Andromeda tape très, très fort. Les équipes du studio ont voulu marquer un retour aux sources dans l'exploration, tout en gardant une certaine modernité dans les combats, et force est d'avouer que le résultat est assez enthousiasmant. La galaxie est grande, très grande, et possède énormément de secrets. Pour voyager depuis la carte du monde de votre vaisseau, un nouveau système à été introduit, ou vous vous déplacez entre les différents atlas via une vue subjective du Tempête. Et si même quelques bugs d'affichage ou zooms grossiers seront de la partie, l'ensemble se montre assez classe. Un peu à la façon des deux derniers épisodes, vous pourrez scanner les planètes pour découvrir leurs trésors ou simplement récolter des ressources. Et parmi les endroits visités pendant vos quêtes, cinq planètes vont particulièrement retenir notre attention, puisqu'il s'agit des cinq mondes que l'on va pouvoir coloniser pour l'initiative.

Ils sont tout simplement géants ! Comptez des dizaines d'heures de jeu pour les rendre viables à 100%. De la véritable exploration. Si j'avais eu peur après ma preview de n'avoir accès qu'à de vulgaires couloirs dans de vastes environnements, il n'en est rien. Vous allez pouvoir choisir vos propres chemins, et il sera bien souvent utile de faire du repérage et d'observer ce qui se trouve autour de vous pour déterminer un chemin possible entre votre position et votre objectif. Et pour vous aider, vous aurez à votre disposition le Nomad, fils spirituel du Mako, qui va vous aider à avaler les kilomètres... et vous en aurez bien besoin, puisque sur chacune de ces planètes, on trouvera des ruines reliquates, des caveaux à activer, mais aussi de nombreuses quêtes annexes dans des environnements qui seront toujours différents. Et si certains décors pourraient paraître similaires (une arche est une arche, un caveau est un caveau, et on en visite plusieurs de chaque) leur architecture, l'agencement des lieux, les condition de progression et leur game design sont vraiment différents d'un endroit à l'autre. Le retour vers l'exploration du premier épisode se fait donc sans son principal écueil : la répétitivité des lieux. Et vu la taille des décors, c'est un petit exploit. Car en plus de ces planètes colonisables, il faut ajouter les emplacements des missions principales, secondaires, mais aussi de loyauté. D'ailleurs, comptez pas moins de cinquante heures, voire plus, pour observer tout ce que cette galaxie a à vous offrir. Et bien plus si vous comptez doser le mode multijoueur, qui reprend les bases du troisième opus, avec son loot aléatoire et ses vagues d'ennemis à affronter sur une poignée de cartes variées, avec divers objectifs à réaliser. Attention : ce mode peux vite devenir addictif, et je sais de quoi je parle...

De l'action à revendre

On retrouve donc un aspect qui avait disparu des épisodes 2 et 3, pour le plus grand bonheur des fans, qui pourront aussi retrouver des petites annonces radio lorsque Shepard... euh pardon, Ryder, se baladera en tramway dans les secteurs du Nexus, la base de l'initiative, ou encore des conversations piquantes entre vos acolytes dans les trajets en Nomad. Pour ce qui est des combats, on reste par contre sur ce qui nous était proposé dans les deux derniers épisodes, à savoir un jeu d'action débridé. Et on gagne énormément en nervosité grâce à un dash qui va permettre de se sortir de situations mal engagées, et un saut boosté qui va permettre de mitrailler les ennemis d'en haut grâce à un vol stationnaire. On est presque en présence de ce que pourrait proposer un "vrai" jeu d'action comme Gears of War ou Lost Planet. Presque. Mais ce qu'on gagne en dynamisme, on le perd en tactique, puisqu'il ne sera plus possible d'arrêter le temps grâce à une barre des pouvoirs pour contrôler vos acolytes. Pour effectuer des combos biotiques ou techniques, il faudra bien choisir les vôtres en fonction de ceux de vos co-équipiers. Et c'est une des nouveautés de cet opus. Si trois grandes familles de compétences sont toujours disponibles, avec le combat, la biotique et la technologie, la classe que vous choisissez au départ n'a plus vraiment d'importance, puisque vous pourrez alterner de l'une à l'autre en fonctions de vos besoins immédiats et de l'ennemi qui vous fait face. L'aspect stratégique se déroule donc maintenant avant ou pendant les combats si ces derniers le requièrent, en adaptant les pouvoirs et capacités de Ryder !

L'aspect RPG, quand à lui, reste assez complet, avec une gestion du stuff moins complexe que dans le commun des RPG (Chaque équipement existe dans 5 versions différentes, de plus en plus puissantes, et il faudra soit les trouver, les acheter ou les crafter). Néanmoins, pas mal d'aspects restent non négligeables, comme le choix de vos mods, la collecte des ressources ou encore des arbres de compétences complets et complexes, avec une grande variété de pouvoirs aux actions différentes à tester et combiner. L'arsenal n'est pas en reste, et se montre assez varié avec des armes aux comportements et sensations très différentes selon le modèle choisi. Seul le bestiaire se montre au final assez décevant, avec trois grandes factions, et seulement un mid-boss par type d'ennemi. Pas d'affrontements grandioses comme celui sur Tutchanka ou contre un petit moissonneur au programme. Le jeu manque d'affrontements contre des ennemis géants et mystérieux issus de ce nouvel univers. La voie lactée était plus dangereuse.

So 2016

Rien n'est parfait en ce bas-monde. Que ce soit l'histoire ou le gameplay. Malgré leurs qualités, ils montrent aussi leurs limites. Et ce sera aussi le cas pour ce qui est de la partie technique du titre. Le moteur Frosbite ne fait pas que des merveilles, et Mass Effect Andromeda offre son lot de petites déceptions. Si la direction artistique des mondes créés pour l'occasion se montre très originale et réussie, leur exécution n'est pas sans reproche. Le jeu souffre, notamment sur PS4 première du nom, de nombreuse chutes de framerate, qui sont particulièrement marquées pendant les cinématiques. Et si la PS4 Pro rend l'ensemble un poil plus fin, elle ne règle pas totalement le problème du framerate qui est toujours présent. Mais je vous rassure, sur une machine ou sur l'autre, le tout reste praticable sans trop grande gène. Seuls quelques mini freezes très ponctuels peuvent se montrer assez déroutants. Le jeu garde aussi son héritage depuis le premier Mass Effect, à savoir un affichage des textures hasardeux, ces dernières pouvant mettre de longs instants avant d'apparaître complètement. La carte du menu met aussi quelques secondes avant de s'afficher correctement, et une mini version de cette dernière brille cruellement sur le HUD du jeu de par son absence.

Au rayon des choses qui dérangent, on pourra aussi noter une narration et une mise en scène un peu datées, mais qui se montrent finalement assez convaincantes. Mais ce qui fait véritablement le buzz aujourd'hui, à quelques jours de la sortie, ce serait ses animations et ses visages à la limite du ridicule. Et oui, il faut bien le dire, les animations des personnages, les expressions des visages, la mise en scène... tout n'est pas au niveau d'un jeu comme Horizon ou Uncharted 4, mais il ne faut pas oublier que ce sont des titres qui n'ont pas les mêmes ambitions, et par extension ne placent pas les ressources de développement dans les mêmes cases. Croyez moi, le gigantisme du titre compense largement ces quelques faiblesses techniques. Donc oui, le jeu n'est pas le plus beau de sa génération, mais se place d'emblée parmi les plus généreux en termes de contenu. Et pour terminer, un petit mot sur la version française, qui est d'assez bonne facture, malgré quelques choix de doublages douteux, comme certains personnages de l'ancienne trilogie présents via des logs qui n'ont plus la même voix, ou encore des PNJ comme les femelles Kroganes qui proposent un spectacle auditif particulier. Quelques autres petites erreurs de mixage sont aussi de la partie, avec Ryder qui parle au travers d'une radio alors qu'elle se trouve dans la pièce ou se déroule la cinématique (!). Au passage, le codex n'est plus doublé par la voix de Guy Chapellier comme dans les précédents épisodes, il faudra désormais tout lire soi-même. Andromeda, au terme d'une aventure grandiose qui nous laisse sur notre faim, aura donc soufflé le chaud et le froid, mais au final, on pourrait difficilement être déçu par le voyage et ne pas lui reconnaître tout de même de grandes qualités.