D'habitude, Rhythm Paradise commence par une petite épreuve de rythme - l'élément fondamental de cette oeuvre - avant d'enchaîner les mini-jeux musicaux sans autre sorte d'introduction que leur cadre, toujours décalé contrairement au tempo. Et si ce Megamix démarre tambour battant par un tutoriel avec son Mii aux baguettes, il dispose d'une intrigue, fût-elle tombée de nulle part, en l'occurrence du paradis. En effet, c'est de là que vient Tibby, un personnage aussi mignon qu'étrange avec sa coiffure "afrose", quoique les énergumènes croisés au cours de cette épopée pour remonter jusqu'aux cieux se montrent encore plus fous. Une bizarrerie de tous les instants, libérée de toute espèce de cohérence artistique ou narrative, qui se traduit tant sur la forme que le fond. Alors que les coups de crayon de couleurs psychédéliques de Ko Takeuchi ressortent joliment en 3D auto stéréoscopique, le ton s'aventure volontiers dans la quatrième dimension, en multipliant les clins d'oeil et l'autodérision pour contrebalancer la naïveté assumée du scénario. Ainsi la première créature rencontrée ressemble à un ours déguisé en abeille qui a le bourdon, et l'absurdité va ensuite crescendo, au point de largement crever le plafond, pour ne pas dire les nuages.

Un air de déjà entendu ?

Évidemment, cet humour déjanté s'exprime par dessus tout dans la centaine mini jeux, issus en grande majorité des précédents épisodes. Mais la facétieuse équipe de WarioWare ne s'est pas contentée d'une remise à jour graphique, ni de réorchestrer la plupart des musiques, puisque cette excellente sélection comporte quelques déclinaisons supplémentaires. Du karatéka rockeur aux roulades langoureuses de phoques en passant par le ping-pong dans la voie lactée pâtissière, leur caractère désopilant s'affirme davantage. Ces versions plus ou moins revisitées susciteront donc un sentiment à la fois nostalgique et rafraîchissant chez les anciens fans, un peu comme la reprise d'un vieux tube diffusé inopinément à la radio, tandis que les débutants en seront ébahis. Les trouvailles inédites se révèlent bien entendu les plus étonnantes, qu'il s'agisse de danser le tango avec un androïde, de couper des bûches ou de s'improviser interprète pour martien. Dommage qu'il n'y en ait qu'une quinzaine vraiment toutes neuves, et que certaines pêchent un chouïa en matière d'inspiration, à l'instar des premiers remix au programme. La santé fragile de Tsunku aurait-elle conduit notre icône de la J-Pop à privilégier son rôle de producteur au détriment de celui de compositeur ?

Comme au conservatoire

Une chose est sûre, mieux vaut opter d'emblée pour la bande son nippone - fort heureusement toujours incluse - en dépit des efforts consentis pour la localisation de ses chansons. Les paroles et les interprétations dans la langue de Mireille Mathieu sonnent creux, du moins quand elles existent, une tristounette piste instrumentale les remplaçant le cas échéant. En revanche, l'accessibilité n'a aucunement été négligée, car si Rhythm Paradise ne se prend pas au sérieux, il ne plaisante jamais avec le tempo. Exit les expériences tactiles de la mouture DS, les contrôles font ici exclusivement appel aux boutons, le plus souvent A, dans la lignée de la formule d'origine sur GBA, pour une précision optimale. L'image ne sert que d'indice quant à la marche à suivre, voire de malicieuse distraction parfois, seules nos oreilles doivent guider nos doigts, quitte à fermer les yeux pour mieux se laisser envahir par la mélodie. Comme tout le monde n'a pas le rythme dans la peau, et que la saga vise à développer sa perception, des aides visuelles explicites apparaissent dès que les entraînements piétinent. Megamix se veut en outre plus tolérant dans l'évaluation des résultats, jusqu'à donner un petit coup de pouce lorsqu'il ne manque que quelques points pour valider un stage.

Le tempo, c'est de l'argent

Au bout de trois échecs, il demeure possible de s'en dispenser en se délestant de pièces glanées au fil de ses performances, une taxe qui concerne aussi les épreuves des portes, dans la mesure où leurs truculents gardiens les ouvrent finalement par charité, une fois que l'on a dépensé une fortune. Ces nouvelles étapes payantes constituent l'un des rares obstacles à l'avancée, surtout quand on s'essaye au niveau le plus ardu, et de fait le moins cher proposé par le trio tempo. D'aucuns y verront une façon d'intégrer les jouets musicaux traditionnellement réunis parmi les extras, d'autres une habile manoeuvre de dissimulation des espaces vides créés par le surcroît de mini jeux. Mais dans l'absolu, ces paliers potentiellement coûteux incitent à s'améliorer, puisque c'est dans le perfectionnement que réside le véritable challenge de Rhythm Paradise. Megamix ajoute d'ailleurs une étoile de talent, décernée pour la réussite d'une section particulièrement délicate. Et après l'obtention d'un haut score pour l'ensemble de sa prestation, on a encore l'opportunité de tenter le sans-faute, avec une orbe en récompense. Or ces précieuses gemmes sont requises pour déverrouiller les mini jeux bonus, l'argent ne servant qu'à s'offrir les disques de la BO et autres objets souvenirs.

Un café bien corsé

La détermination de l'aptitude rythmique (ou "flow" pour les intimes) n'a pas disparu, toutefois cette séparation rend la progression plus lisible. D'autant qu'il y a en prime des mascottes et des badges à collectionner, le tout rassemblé autour du fameux café, plus riche que jamais en occupations avec la boutique, le musée et l'élevage de chèvre, sans oublier les bavardages du patron ou de ses clients. La convivialité n'est pas en reste, car en sus des affrontements avec d'autres joueurs via StreetPass dans l'espoir de récupérer des trésors, des défis peuvent être relevés en coopération, y compris par le biais du téléchargement. Nonobstant les petites latences entre les parties qu'occasionne cette méthode économique, et la privation de cadeaux pour les malheureux qui ne possèdent pas le jeu, l'approche multi joueur initiée par Beat The Beat en duo amplifie encore la jubilation communicative engendrée par Rhythm Paradise, désormais partageable à quatre. Nulle oeuvre ne parvient à mêler avec un tel brio les sensations de gameplay d'antan et la musique, cette impression exaltante d'être en phase avec le tempo à la limite de l'état de transe, a fortiori si on l'atteint à l'unisson. Cela demande naturellement de la persévérance, comme la pratique d'un instrument, néanmoins ce Megamix garde ainsi le meilleur pour la fin, à bien des égards.