Devinez quoi, la désespérément bien nommée Scuttle Town est de nouveau attaquée ! Seulement cette fois, il ne s'agit pas de ces maudits pirates, mais d'un certain Ammo Baron et de ses troupes, qui comptent bien transformer la ville en base militaire. De quoi forcer Shantae à s'allier avec Risky Boots, son ennemie jurée, cette invasion se révélant bien moins inquiétante que l'imminent retour d'outre-tombe du plus maléfique des flibustiers. Si WayForward ne s'est pas trop foulé pour l'intrigue, saluons l'effort de localisation quasi intégrale en français.

Seuls les noms restent dans la langue de Shakespeare, les éventuels calembours qui les composent n'étant pas franchement traduisibles. Et cette retranscription parvient à préserver le côté comique des dialogues, y compris les jeux de mots, parfois un brin grivois. Car la très sexy Shantae n'est pas une sainte nitouche, son propos comporte souvent deux niveaux de lecture, l'un gentillet, l'autre plus décalé, au point de se demander à qui elle s'adresse. En tout cas, il n'y a aucun doute concernant sa plateforme de prédilection...

Un charme irrésistible

Le rendu visuel sur Wii U se montre ainsi fort pixellisé, à l'exception des illustrations des personnages, la faute à la résolution native des graphismes, (é)tirés de la version 3DS. Une raison de plus de préférer cette dernière, d'autant qu'elle profite aussi de la 3D auto stéréoscopique. Ce mode d'affichage fait ressortir la beauté stupéfiante des environnements au travers des nombreux parallaxes, un peu comme un livre en relief. Et l'ensemble bouge magnifiquement, grâce à une multitude de phases d'animation dessinées à la main et de discrets effets spéciaux plus sophistiqués.

Un travail minutieux que le recyclage de quelques éléments du décor et autres sprites issus de Risky's Revenge a probablement simplifié, là où d'autres se cantonnent aux gros pixels par choix du moyen d'expression, ou à cause d'un budget restreint. En somme, Shantae transpire la 2D à l'ancienne, mais sait user des charmes apportés par la modernité. The Pirate's Curse n'utilise d'ailleurs la profondeur qu'à des fins esthétiques, en s'affranchissant des sauts d'un plan à l'autre pour les déplacements dans cet univers. Son exploration n'en devient pas plus linéaire, bien au contraire, puisqu'il s'étale sur plusieurs îlots.

Souvenirs des mille et une îles

La carte jadis un tantinet abstraite reprend désormais le modèle éprouvé de Metroid ou de Castlevania, des inspirations auxquelles les musiques font également écho, chiptunes et mélodies entêtantes à l'appui. Entre les remixes survoltés des précédents épisodes et les nouveaux morceaux non moins ébouriffants, Jake Kaufman exprime une fois de plus son talent dans l'art de mélanger les sonorités rétro avec des orchestrations plus contemporaines, sans oublier l'accent oriental de la série.

Ses compositions collent toujours parfaitement aux atmosphères tantôts trépidantes, tantôts plus posées de l'aventure, notamment dans les donjons. Car l'épopée suit encore le même principe de progression, à savoir des allers-retours d'un bout à l'autre de ce monde, souvent pour des prétextes farfelus - une dérision qui atténue la redondance du stratagème - et ce dans l'optique d'obtenir les objets nécessaires à l'avancée. Les outils les plus précieux se trouvent pour la plupart au sein de ces petits labyrinthes, qui renferment des énigmes sensiblement plus élaborées que par le passé.

Trésors de pirates

Cette dose de réflexion supplémentaire et le nombre de dédales nettement à la hausse compensent ainsi la nature relativement faiblarde des Boss. Leurs patterns ne manquent pourtant pas d'imagination, ni même d'humour. Néanmoins, ils ne résistent guère longtemps aux coups de crinière de Shantae, surtout avec le renfort des habituels soins capillaires. Notre demi-génie a certes perdu ses pouvoirs magiques, mais elle dispose toujours de sa célèbre chevelure pour se défendre, tel le héros de Kabuki Quantum Fighter. Une arme évolutive, à l'instar du matériel pirate qui vient remplacer avantageusement ses transformations d'antan.

Du pistolet à la poudre à canon, en passant par les bottines, cet arsenal lui sert à la fois au combat et lors de ses escapades, certains ustensiles s'avérant très pratiques pour exploiter la verticalité rehaussée des niveaux. S'y ajoutent les techniques, objets et autres ressources aux bonus plus ou moins durables rassemblés dans l'inventaire, que l'on active via l'écran tactile. Enfin la fameuse lampe magique complète cet équipement, et son rôle ne se limite pas à susciter la langoureuse danse du ventre de notre donzelle.

Shantaérazade

Pendant qu'elle se dandine, un souffle permet en effet d'aspirer des éléments tout autour, en particulier les nuages de magie sombre que laissent les Cacklebats une fois vaincus. Encore faut-il d'abord les dénicher, à l'image des calmars cachés aux quatre (re)coins de Sequin Land, qui s'apparentent à des quarts de coeur. Cette quête allonge considérablement la durée de vie déjà très respectable, soit une petite quinzaine d'heures, dans la perspective de terminer le jeu à 100% et d'en découvrir la véritable conclusion. Une mission facilitée par la maniabilité au poil, pour ne pas dire au cheveu, symbole de cette oeuvre maison que WayForward a lissé dans les moindres détails. Et pas besoin de tout dégotter du premier coup, puisque le mode pirate (comprenez le New Game +) accélère les choses, en privilégiant d'emblée le speedrunning pour les adeptes de la discipline.

Digne héritière de la plateforme dont elle a su capter toutes les vertus tout en y insufflant sa propre flammèche, Shantae confirme donc son statut d'égérie du genre à l'issue de cette trilogie achevée avec un inénarrable génie, en attendant de voguer vers de nouveaux horizons que l'on espère aussi radieux...