En ce qui concerne le réalisme, j'ai considéré le pari comme perdu quand ma première phase de railshoot m'a proposé de dégommer à la grosse munition des ennemis qui s'étaient entourés de barils explosifs pour saluer mon arrivée. Comme dans Time Crisis (1995, tout de même). Le problème, c'est que du réalisme crasse redouté, Warfighter conserve tout de même la crasse.

Aucune surprise à prévoir du côté de la mise en place : vous incarnez tour à tour Preacher et Stump, deux agents de la force spéciale Tier 1 découverte dans l'opus précédent. Il sera toujours question de voyager aux quatre coins du monde pour y distribuer paix et sérénité via le canon renforcé d'un fusil d'assaut. Va y avoir du turban, de la moustache et de l'oriental déterminé à mettre le monde libre à feu et à sang. Pas de panique, vous irez bien évidemment débusquer un marchand d'armes, comme d'habitude. Et oui, il sera originaire des pays de l'Est. "Les Tiers 1 reviennent pour contrer une menace inédite" me-dit la jaquette du jeu. Vous m'en direz tant.

The Doors

Mais des promesses formulées par ce Medal of Honor, l'orginalité n'est probablement pas celle dont on attendait bézef. Le réalisme couplé à l'amusement, en revanche, oui. Voilà qui est bien dommage, car Danger Close a finalement peu revu sa formule. Côté feeling des armes, c'est un poil mieux puisqu'elles bénéficient d'un minimum de recul, phénomène presque absent dans le précédent jeu. On salue au passage la conservation du mode de visée libre, grâce auquel on peut se pencher dans tous les sens d'une simple pression de gachette et d'une inclinaison de stick. Le petit plus fait toujours son effet et permet des mises à couvert plus audacieuses que dans d'autres FPS sur console.

Les niveaux restent quant à eux bien trop linéaires et les rares tentatives d'offrir une progression moins rectiligne - grâce à des chemins alternatifs par exemple - sont rendues non avenues par une IA qui voit partout. En attaquant par le flanc, vous tomberez nez-à-nez avec une ligne ennemie déjà au fait de votre petite fantaisie. Puis parfois, cette même IA s'offrira une perçée totalement aléatoire à travers vos lignes et viendra vous plomber les molaires à bout portant, sous le regard médusé de vos coéquipiers. Ce sera l'occasion d'apprécier une disposition rageante des checkpoints, parfois séparés par une rencontre inoffensive, parfois par la prise d'assaut d'un bâtiment entier suivie d'un bombardement et d'une fuite en véhicule. Le reste du temps, on est sur un plan scripté du type couloir-porte-arène-porte-couloir-porte-railshoot sans épices ni challenge particulier (la fameuse Homefront Level Design School of New-York). Mais des portes, ça oui, préparez-vous à en franchir une sacrée chiée dans Warfighter. Le gimmick du pétage de chambranle au ralenti n'est plus tout neuf, mais le titre élève ici sa multiplication au rang d'art, tant et si bien que même vos coéquipiers finiront par tenter d'en rire - "Ah, encore une porte !" - et que le jeu essaiera de faire passer la pilule en vous proposant de débloquer de nouvelles animations d'ouverture. Sans rire.

Medal of Speed : Cardriver

Si certains environements séduisent dès qu'on y pose ses grosses pompes de défenseur de la Liberté - le village Philippin balayé par un raz-de-marée, superbe idée - une dizaine de minutes suffisent à réaliser combien l'idée aurait été autrement mieux exploitée par un studio comme Sledgehammer Games (Modern Warfare 3). On voit sans mal les tentatives de Danger Close pour apporter un peu de dynamisme à l'ensemble : du pilotage de robot par-ci, de l'assaut à la lunette de vision nocturne par là et même quelques appels d'artillerie histoire de filer quelques friandises à nos mirettes. Mais au jeu de la comparaison, Medal of Honor et sa volonté d'éviter la surenchère et le grand-guignol sortent rarement gagnants, par manque de fun tout simplement.

Puis il y a Karachi et Dubaï, les deux oasis de fraîcheur au pays du gunfight répétitif. Dans la première, vous enfilerez vos gants de pilote pour donner la chasse à un informateur qui tente de se faire la malle en voiture. On coupe par les ruelles, on explose les étals du marché et on se fraie un chemin dans les bouchons à coups de pare-chocs avec un plaisir bienvenu, dans une course-poursuite qui tient autant de la série des Bond que de Jason Bourne. Dans la seconde séquence, vous devrez exfiltrer votre équipe en trompant les patrouilles motorisées de la ville de Dubaï. Cache-cache en voiture avec niveau d'alerte et plan à la Grand Theft Auto dans Medal of Honor : Warfighter : honnêtement, qui l'aurait cru ? Là encore, le feeling est très suprenant de qualité et on salue l'initiative d'avoir appelé des anciens de chez Criterion et EA Black Box à la rescousse pour filer le cachet nécessaire à ces moments de jeu. Un cachet tel que le retour au gameplay classique se fait avec une petite moue de déception.

Moi Tarzan, toi gêne

Six heures d'une aventure juste correcte peuvent s'avérer longuettes sans le scénario suffisant. Pas bégueule, la campagne solo de Medal of Honor : Warfighter préfère jouer la carte du gentil nanard, sans retournements scénaristiques ni brouillages de pistes. Au moins, le jeu évite de se prendre les pieds dans sa propre histoire et de perdre certains joueurs comme l'avait fait Call of Duty : Black Ops en son temps.

Ce n'est qu'au bout d'une heure ou deux et une fois la franche camaraderie installée que le titre sort du bois et commence à parler une langue qui nous est presque inconnue : à la faveur d'un entre-deux-missions ou d'un écran de chargement, le jeu entame une série de digressions sur le mythe du héros américain, à la fois soldat, père et mari. C'est là qu'on se rend compte que Warfighter s'est peut-être planté d'adresse au moment de venir chanter ses cantiques pro-militaristes du bout du monde. On réalise qu'on a déjà été bien gentil d'écouter son premier tube à base de djellabas et de camps d'entrainement, mais que non, vraiment, ses chants dégoulinants sur la Famille et la Patrie, sans façons. Dommage, car c'est tout ce que le solo de Warfighter vous offrira en guise de récompense pour avoir tenu jusqu'à l'épilogue : un petit gerbouli de symboles étasuniens servi dans une cinématique qui ferait voir la Vierge à Sam Raimi (période Spiderman 3).

On touche vraiment le fond à la lecture de l'avant-générique, éloge écrite d'une certaine "Stacey" à son soldat de mari, disparu au combat parce qu'il "n'a jamais abandonné personne". Et d'ajouter à quel point elle est fière d'élever ses enfants dans un monde rendu meilleur par le sacrifice de warfighters comme son époux.

Le bruit et l'Honneur

Niveau réalisation, on est sur une pente un poil moins inquiétante. Passer d'une base Unreal Engine aux joliesses du moteur Frostbite 2 permet à MoH:W de gommer le gros du bagage "daté" de l'épisode précédent. C'est mieux, mais pas fou pour autant : si les mecs de DICE ont créé le moteur et savent en tirer le meilleur, Danger Close a bossé sur une solution clé en main et ça se sent (joueurs 360 : prévoyez 2 Go de textures HD à installer, sans quoi vous serez bons pour un voyage dans le temps gratuit). A noter que sous certains éclairages ou lors de certaines cutscenes, c'est la fête au tearing sur console (ce vilain effet de décalage, quand l'image semble se "déchirer" en bandes horizontales). Soyez prévenus, donc. Le design sonore du titre témoigne quant à lui d'une certaine émulation positive dans l'écurie EA : après l'extraordinaire travail sonore sur Battlefield 3, on sent ici l'envie de s'investir et d'approcher un peu le maître. Il reste encore un bout de chemin - notamment sur les distorsions en tout genre - mais les bruitages des armes participent au feeling général et les échanges vocaux en pleine action fonctionnent très bien (même en VF). Restent des bugs épars, quelques collisions mal gérées, des scripts qui mettent parfois une plombe à s'enclencher, des soldats qui spawnent sauvagement au coin d'un mur et des cutscenes en CG dont la modélisation oscille entre le bluffant et le franchement perturbant. Dans l'ensemble, on sent que la sortie imminente de Black Ops II a pesé lourd sur la finition médiocre de ce Warfighter.

Tango & Clash

Après un multi laissé aux bons soins de DICE sur l'épisode précédent, les téméraires de Danger Close décident d'enlever les brassards et de venir faire trempette dans le grand bain. On retrouve un mode online toujours à la croisée des chemins entre l'école CoD et celle de Battlefield, avec tout de même une petite tendance à lorgner du côté du second : le nombre de classes passe de trois à six et on évolue maintenant par escouades de deux, quel que soit le mode de jeu sélectionné. Ce principe de binôme permet de s'approvisionner l'un l'autre en munitions, mais aussi et surtout de bénéficier d'un point de respawn mobile, à condition que votre partenaire ne soit pas sous le feu ennemi. La position du co-équipier est connue en permanence via une silhouette auréolée de vert visible à travers les murs, tout comme celle de son assassin éventuel, en rouge celle-ci. Bien maline, l'idée d'un combat mené dos à dos : c'est piocher allègrement dans le meilleur des deux mondes en offrant des combinaisons tactiques sans proscrire le succès individuel.

Côté modes de jeu, on a droit à un mélange de rescapés du premier opus (atteindre une série d'objectifs avec Missions de Combat, un mode Conquête nommé Contrôle de Secteur) de grands classiques (Team Deathmatch et Capture de Drapeau) auxquels s'ajoute le nouveau mode Zone de Tension (cinq bombes sont armées dans un ordre aléatoire sur la carte, l'équipe qui parvient à en faire sauter / défendre trois remporte la manche). Je m'interroge encore sur l'utilité d'un mode Conquête, tant les 8 cartes incluses ne proposent trop souvent qu'un point de rencontre central qui cristallise le gros de l'action.

C'est à babord

Aux unlocks d'armes ou de pièces détachées, Warfighter préfère des kits d'équipements complets organisés selon un principe de nations : débloquer le Franc-Tireur de l'armée Polonaise vous donnera accès à un nouveau fusil, une nouvelle lunette et un nouveau type de chargeur, par exemple. Vous serez alors en mesure d'utiliser le set tel quel ou d'intégrer certains de ses éléments à votre Franc-Tireur Canadien (le jeu introduit des différences de vitesse ou d'agilité entre les forces armées de chaque pays). De la crosse jusqu'au vernis en passant par le viseur ou les équipements annexes : il y a de quoi se bricoler une pétoire si personnalisée qu'il ne lui manquera qu'un petit nom. Si c'est votre truc, j'veux dire. Pour la vitesse d'unlock, a priori pas de mouron à se faire : tout le roster de "warfighters internationaux" devrait se débloquer sans que y passiez trouzemille heures. Après tout, l'un des arguments de vente de Warfighter est de proposer un multi où les chauvins peuvent se tirer la bourre et porter bien haut les couleurs de leurs forces armées. Tutututut, oubliez direct vos fantasmes de cagoules bleues : notre GIGN national n'est pas de la fête. Et ce n'est peut-être pas plus mal... Non parce qu'il faut que je vous demande : je ne suis pas le seul à trouver tout cela légèrement malsain, mhhh ?

Enfin, comment ne pas terminer ce petit tour des possibilités online du titre sans déplorer une utilisation bien superficielle des possibilités du moteur : faire l'impasse sur les environnements destructibles, quand on sait à quel point Frostbite 2 fait ça bien, c'est presque sacrilège.

A défaut d'innover, le multijoueur de Medal of Honor Warfighter emprunte les recettes qui marchent et les adapte avec plus de succès que n'avait sû le faire son aîné. L'angle d'attaque est malin, mais toujours pas suffisamment pour se faire la place tant convoitée entre les deux tenors, vu de nos fenêtres. En ce qui concerne la campagne solo du titre, je savais l'échéance inévitable, mais je ne pensais pas qu'elle arriverait si vite : du tutorial sous forme de camp d'entraînement d'Al-Qaeda jusqu'aux premières notes du générique, le ton de cette campagne m'a gonflé comme jamais un FPS (pas même Homefront) n'avait su le faire. Le propos cradingue taillé pour faire allonger les billets à une certaine clientèle outre-Atlantique, ça serait peut-être passé dans le cas d'un rollercoaster irréprochable d'amusement. Mais c'est loin d'être le cas. Et il faut que ça s'arrête. Je vous jure, je suis même prêt à rebouffer des FPS avec des nazis et tout. Juste, stop.