Continuons tranquillement notre petit voyage musical au travers de l'univers de Bioshock Infinite. Je rappelle aux étourdis, que ce jeu est une véritable usine à arrangements de tubes. Après une chanson traditionnelle américaine, un hit des Clearwater Creedence Revival et une relecture de Cindy Lauper, c'est au tour des Tears for Fears d'avoir les honneurs d'un petit billet.

Des larmes et de la peur

Au delà du jeu de mot douteux sur la traduction du nom du groupe britanique de new wave (Tears for Fears), on peut se dire également que ce titre est adéquat pour les moments où la chanson apparaît dans le jeu. Un bref aperçu tout au début, puis un extrait bien plus long dans un moment où justement ce sont la peur et les larmes qui s'installent à Columbia.

Le groupe Tears fo Fears est tout d'abord formé du duo Roland Orzabal, Curt Smith qui s'adjoindra les services d'Ian Stanley et Manny Elias. Pour ce qui nous concerne, la chanson qui nous intéresse sera « Everybody Wants to Rule the World » (on va l'abréger EWtRtW). Sortie en 1985 sur l'album « Songs from the Big Chair » elle a une histoire un peu singulière puisqu'elle ne devait initialement même pas y figurer. C'est le producteur (Chris Hughes) qui finit par convaincre Orzabal de l'inclure.


qu'ils sont beaux...

Dernière chanson à être incluse sur l'album, elle est malgré tout une des premières à bénéficier d'un tout nouveau support musical révolutionnaire : Le Compact Disc. Arrivé après « Shout », EwtRtW profite de l'énorme succès du groupe au milieu des années 80. Au fait... Si le titre est très évocateur (tout le monde veut diriger le monde) arrêtons nous un instant sur le titre de l'album sur lequel il se trouve.

En anglais, « the big chair » fait référence à la façon dont une jeune femme schizophrène nomme le divan du psychanalyste, qu'elle fréquente dans une série des années 70 (Sybil). Les chansons de l'album seraient donc tirées de séances psychanalytiques ? Pour aller plus loin et faire des rapprochements à la Metal Gear, serait-il possible que ces problèmes de troubles de la personnalité et ces questions de dualité aient un rapport avec le scénario de Bioshock ? Puisqu'une fois encore je ne veux pas vous spoiler, je laisse à ceux qui l'ont terminé le soin de partir ou non dans ce délire.

Trêve de suppositions, voici la chanson originale.

Pour l'anecdote, le planeur que vous voyez en début de vidéo ressemble beaucoup à celui sur lequel j'ai fait mes premières armesde vol à voile (un A60).

Comment dominer le monde

Vous avez désormais compris le principe, nous allons revoir ensemble les paroles de la chanson et les mettre en perspective avec ce qui se passe dans le jeu. Cette fois, il m'est tout de même difficile de les commenter correctement sans spoiler le scénario, aussi certains passages seront cachés pour ceux qui ne l'on pas terminé. N'ayez donc pas le clic facile;) .

Welcome to your life
There's no turning back
Even while sleep
We will find you

Pas d'échappatoire, l'histoire a atteint un point de non retour. En effet la ville de Columbia étant très éloignée du reste du monde et isolée, Booker est obligé d'aller de l'avant. Où qu'il aille, quoi qu'il fasse il ne peut échapper à son destin et aux forces qui le poursuivent.

Acting on your best behaviour
Turn your back on mother nature
Everybody wants to rule the world

Ici, nous avons un indice sur la personne qui raconte / chante cette histoire. En effet, tout le monde cherche le pouvoir, tout le monde veut dominer le monde ou tout du moins son monde. Référence évidente est ici faite à Comstock et à son utopie qui tourne le dos à la nature en violant la loi de l'apesanteur avec ses bâtiments volants.

It's my own design
It's my own remorse
Help me to decide
Help make the most
Of freedom and of pleasure
Nothing ever lasts forever

Nous entrons ici dans le de domaine du spoil. Vous avez terminé Bioshock Infinite et vous savez donc que Comstock et Booker ne font qu'un. Cela rend ce passage extrêmement intéressant. Le narrateur assume sa création, le remord qui en découle et le paradoxe entre le plaisir de l'accès à une certaine liberté et les moyens coercitifs nécessaires à la réalisation de cette utopie. Rien n'est éternel, tout a une fin...

Everybody wants to rule the world
There's a room where the light won't find you
Holding hands while the walls come tumbling down
When they do I'll be right behind you
So glad we've almost made it
So sad they had fade it

Les chanceux qui ont dévoilé le spoil du paragraphe précédent liront maintenant ce commentaire d'une façon un peu différente. Dans ce passage, il est question de gens qui conspirent dans le dos du narrateur et qui détruisent un rêve alors que le but était quasiment atteint. Nous sommes donc toujours avec Comstock alors que Booker et Elisabeth contribuent à détruire sa ville en marge d'évènements qui auraient de toute manière menés Columbia à sa perte.

Everybody wants to rule the world
I can't stand this indecision
Married with a lack of vision
Everybody wants to rule the world

Ici encore, deux niveaux de lecture. Comstock, malgré ses capacités visionnaires a manqué de clairvoyance. Il n'a pas su pendre la bonne décision.

Vous aurez noté que l'indécision citée ici mine en fait Booker / Comstock pendant tout le jeu. Quel est le bon chemin ? Où est la voie de la rédemption ? Comment se faire pardonner ?

Say that you'll never never never need it
One headline why believe it ?
Everybody wants to rule the world
All for freedom and for pleasure
Nothing ever lasts forever
Everybody wants to rule the world

Rien n'est éternel, c'est une évidence. C'est d'ailleurs une des constantes des utopies. Elles s'écroulent un jour ou l'autre... Mais une ligne est très intéressante. « One headline why believe it ? ». Traduire cela dans le contexte de Bioshock donne un tout autre sens à ces mots. Au départ, on pourrait partir sur un gros titre de journal (littéralement). Mais avec Bioshock, on parle d'une histoire principale. Oui, pourquoi une seule histoire ? N'y en aurait-il pas plusieurs ? Qui pourrait le croire ? Une fois de plus les initiés me liront avec un sourire en coin.

Oui. Encore. Une chanson qu'on croirait écrite pour Infinite.

L'interprète de la version Bioshock

La personne qui nous offre cette version si originale d'EWtRtW s'appelle Scott Bradlee. Et croyez moi, ce pianiste auteur, compositeur et chanteur, mérite qu'on lui consacre un chapitre entier. C'est un des plaisirs que j'ai à partager avec vous ces découvertes via Bioshock. J'y découvre des artistes comme Scott Bradlee.

J'ai simplement passé la soirée à écouter cet homme, véritable virtuose sur son piano. Non seulement son habileté toute aérienne m'enchante (je n'ai pas les compétences techniques pour en juger, je fais confiance à mes oreilles), mais on sent clairement une joie de jouer et « d'offrir » sa musique aux autres (et puis il ne fait pas mal aux yeux les filles hein ?;) ). En témoignent ses nombreux mashups seul ou avec des amis.

D'ailleurs je comprend très bien les gens d'Irrational Games s'ils se sont amusés à chercher des gens pour faire des musiques sur Bioshock. Dans un style très souvent jazzy, Scott (tu permets que je t'appelle Scott?) a repris bon nombre de thèmes de jeux vidéo. On trouve notamment deux Super Mario et Tetris. Super Mario accompagné aux claquettes et Tetris façon « Ragtime ». Un must selon moi. On trouve même Angry Birds mélangé à du Nelly Furtado... Birds. Le plus souvent c'est de l'impro. Du génie, je vous dis.

Les autres mashups valent également le détour. J'ai notamment particulièrement apprécié Avril Lavigne façon Motown, « Somebody that I Use to Know » façon bœuf en cuisine, ou encore un mashup de génie entre « Bohemian Rhapsody » et Gershwin. Oui, vous avez bien lu. Faites un tour sur sa chaine Youtube et passez une bonne soirée...

N'oubliez pas de terminer avec sa version si réussie de « Everybody wants to Rule the World »;-) .