Ce test comporte des spoilers sur la fin du premier Little Nightmares.

Petit rappel des faits. Little Nightmares premier du nom nous mettait donc dans la peau de Six, petite fille au ciré jaune, qui cherchait à s'extirper de l'Antre, véritable forteresse maritime. Tout au long de son échappée, la gamine est parvenue à se soustraire à la vigilance de ses résidents avant de finalement rejoindre la surface, non sans y laisser une partie de son humanité.

La Cité des enfants perdus

Plutôt que de nous offrir une suite directe à cet épisode, Tarsier Studios a opté pour un nouveau protagoniste, Mono, petit bonhomme à la casaque brune et qui dissimule son visage derrière un sac en papier kraft. Le jeu débute alors que le garçon se réveille dans une forêt inquiétante, plongée dans une brume permanente et parsemée de pièges en tous genres. Déjà, un premier élément détonne dans ce panorama : la présence de nombreux vieux téléviseurs, laissés à l'abandon. Un motif visuel qui reviendra régulièrement tout au long de l'aventure et qui ne prendra tout son sens que dans le dernier tiers du jeu.

Mono finit par faire la rencontre d'une fillette retenue captive, avec qui il finira par s'allier pour échapper au terrible Chasseur, premier vrai boss du jeu. Je ne reviens pas en détail sur cette séquence, déjà abordée dans mes deux premières impressions du jeu (ici et ), mais retenez simplement que cette jeune fille se révèlera bien être, on s'en doutait, l'héroïne du premier épisode. On ignore comment celle-ci a atterri là après s'être échappée de l'Antre mais qu'importe, les voilà désormais tous deux embarqués pour un périple qui les conduira à traverser une cité aux immeubles démesurés et qui semble plongée dans une léthargie généralisée.

Dans son approche globale, Little Nightmares 2 ne bouleverse pas les codes établis par le premier épisode. Il s'agit toujours d'un puzzle-platformer en 3D en cinq chapitres, bien que l'accomplissement de ces derniers ne soit pas explicite dans la progression du jeu (il faut en passer par l'écran-titre et la sélection des chapitres pour le constater). Sur le plan technique, le titre s'avère être un quasi sans-faute, avec quelques bugs de collision à signaler tout de même.

ICO

La campagne promotionnelle du jeu avait insisté là-dessus : ce Little Nightmares 2 allait permettre aux joueurs de parcourir l'aventure aux côtés d'un personnage contrôlé par l'IA, en l'occurrence Six. Dans les faits, Mono se retrouve en réalité bien souvent séparé de celle-ci, que ce soit pour un court moment (Mono doit lui ouvrir le passage) ou pour un temps bien plus long, ceci pour des raisons liées à des éléments sensibles de l'intrigue (et que je tairai donc). Lorsqu'ils font route ensemble, Six et Mono s'entraident, se tiennent la main même, à la manière d'une certaine Yorda et de son compagnon à cornes Ico. Hélas, si ces interactions sont un moyen pour le développeur suédois d'explorer les liens qui unissent les deux enfants égarés, elles se résument trop souvent à ce que Six fasse la courte-échelle à Mono ou à ce qu'elle lui tende la main avant un saut par-dessus un quelconque précipice. La plupart du temps, Mono (et donc le joueur) se contente de faire le sale boulot et Six de lui emboîter le pas.

En revanche, là où la gamine au ciré jaune n'avait à sa disposition qu'une lampe torche dans le premier Little Nightmares, Mono peut manier un bâton, une masse, une lampe et même une télécommande. Pas question d'inventaire évidemment, ces outils sont savamment disposés à travers les chapitres du jeu afin que nos deux mômes puissent progresser : le bâton pour déclencher les pièges à distance, la lampe pour figer sur place certaines créatures etc. Une fois quelques obstacles passés, Mono finit par perdre l'objet en question, qui ne lui sera plus d'aucune utilité pour la suite.

Même si le feeling est généralement bon dans les déplacements, certains joueurs pourront tiquer sur la lourdeur du personnage et sur celle du maniement de la masse. Notre bambin, frêle comme un clou, rencontre en effet des difficultés quand il s'agît de soulever la chose ; au joueur alors d'anticiper les mouvements des ennemis avant de commencer à frapper. De manière générale, tout est fait pour que le joueur ressente la vulnérabilité des personnages.

Shadow of the Colossus

A commencer par le travail effectué sur les différentes échelles de grandeur. Mono et Six sont amenés à traverser tour à tour des conduits exigus, des pièces disproportionnées et les vastes et désertiques rues de la cité. Little Nightmares 2 use à profusion de ces jeux de caméra, qui viendra tantôt se centrer sur nos personnages ou au contraire s'éloigner considérablement afin que le joueur puisse prendre la mesure de l'ampleur des endroits traversés ; mention spéciale à la découverte de la cité entre le chapitre 1 et 2, qui saura à coup sûr hérisser quelques poils. Plus encore que dans le premier volet, qui se restreignait à l'exploration de lieux clos, le décalage entre nos petits personnages et l'immensité de ce qui les entoure est saisissant.

Au-delà de ces effets de travelling, la caméra s'autorise même quelques excentricités avec par exemple un cadrage en biais pour souligner l'équilibre fragile des plates-formes. Même si la caméra sera systématiquement centrée sur Mono, le joueur est autorisé à la décaler légèrement afin de mieux appréhender l'environnement.

Bien souvent, on pourra explorer certaines zones dans la profondeur pour constater qu'il n'y a rien à récupérer et que tout ceci n'est qu'un moyen d'accroître le sentiment d'isolement des personnages et de rendre compte du climat de mort qui hante les lieux. L'ambiance visuelle et sonore du titre atteint avec cet épisode des sommets : les environnements sont variés, les boss plus colossaux et terrifiants que jamais et les bruitages de très grande qualité. Sans parler du thème principal du jeu, berceuse à la fois inquiétante et mélancolique qui accompagne le périple de nos chérubins jusqu'au dénouement final.

The Last Guardian

Corollaire de cette attention portée sur le cadrage, la thématique de l'observation, déjà prégnante dans le premier épisode avec ce fameux oeil omniprésent, revient ici en force par l'intermédiaire de la Tour de l'Emetteur et de son terrifiant gardien. Devenant vite l'objectif du joueur car située au coeur de cette cité lovecraftienne, la tour semble contrôler tous ses habitants grâce au pouvoir hypnotique des téléviseurs. Sans entrer dans le détail de l'intrigue, le jeu se permet une jolie réflexion sur l'aliénation par les écrans (ironique), qui consumeraient l'humanité des personnes au même titre que la faim pour Six dans l'épisode de 2017.

Celui-ci nous laissait un peu dessus justement là où Little Nightmares 2 dispose d'une vraie conclusion cette fois, qui apporte des réponses aux nombreuses questions que l'on peut se poser tout au long de ce périple. Le rythme est également parfaitement maîtrisé et si les développeurs s'emballent un peu en évoquant une durée de vie doublée par rapport au premier épisode, comptez tout de même six (!) heures de jeu pour arriver au bout. Les énigmes sont variées dans l'ensemble mais s'avèrent assez simples, d'autant que les jeux de caméra et certains éléments visuels (traces de frottement au sol, entrebâillements de portes) sont là pour aiguiller le joueur.

Histoire de diversifier un peu l'expérience, le jeu dispose tout de même de quelques éléments accessoires à retrouver dans chaque chapitre : les dépouilles corrompues d'abord, sortes d'ombres d'enfants dont l'âme a déjà été altérée ; puis les douze couvre-chefs du jeu, qui permettent à Mono de troquer son éternel sac en papier kraft pour un chapeau de trappeur ou une casquette de policier. Il faut avoir l'oeil pour les dénicher dans cette cité plongée dans des ténèbres constantes.