Indéniablement, inFAMOUS est une série qui mûrit, s'étoffant à chaque épisode de nouveaux pouvoirs arguments convaincants, et Second Son ne déroge pas à la règle. Mais si c'est sur la technique que ce jeu next-gen est attendu, nous allons d'abord nous concentrer sur ce qui fait, à mon sens, grandir la série avec cet épisode : l'histoire et la narration.

Un indien dans la ville

De prime abord, Delsin est un cliché, un jeune paumé qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Avec son jeune âge et les attitudes cool qui vont avec, notre héros est un indien qui vit dans une réserve, en marge de la ville de Seattle. Artiste taggeur fanatique, ce délinquant juvénile est le cadet de Reggie, un bon flic qui a un peu honte de devoir régulièrement remettre le petit dernier de la famille dans le droit chemin. Finalement assez isolés, ces indiens sont tout de même au courant des actes perpétrés par Cole MacGrath il y a 7 ans, et du fait que ceux qu'on appelle les "porteurs" (de super-pouvoirs) ont tous été emprisonnés depuis. Le "DUP", unité spéciale qui les traque, parcourt d'ailleurs tous les Etats-Unis pour faire le ménage et éviter les dommages collatéraux réalisés par certains de ces "bio-terroristes", l'autre nom que leurs donnent les gens normaux, soulignant leurs difficultés à être acceptés dans la société moderne du jeu, aux relens de Big Brother. D'ailleurs, on le comprendra bien vite, être un porteur est lourd de conséquences d'un point de vue social... Second Son pose ainsi son contexte, propice à une histoire sans trop de surprises mais bien menée, avec un imbroglio politico-social à base de super-pouvoirs qui sert de théâtre, traitant au passage les problèmes de racisme, d'intégration et de sécurité nationale.

Un bon terreau pour un scénario un peu convenu, mais dont la narration est vraiment meilleure que dans les épisodes précédents et qui propulse la série dans une nouvelle dimension narrative qu'on accueille avec plaisir. Mais revenons à nos porteurs... Tout dérape lorsque lorsqu'un transport de prisonniers bio-terroristes passe par la réserve de Delsin. C'est là que l'incident se produit : trois d'entre eux s'échappent, occasionnant un accident qui attire l'attention de notre héros. La suite, vous la connaissez peut-être : Delsin va aider un porteur accidenté et récupérer son pouvoir (la Fumée), découvrant alors lui-même son don, celui de s'approprier les pouvoirs des autres porteurs qu'il touche. C'est à partir de là que sa petite vie tranquille sera à jamais chamboulée, de son statut dans la communauté à sa réputation dans la ville de Seattle, en passant par la considération de sa propre famille, incarnée par son frère Reggie. Sans rentrer dans les détails, ce scénario est plaisant, avec des scènes convaincantes, une narration de qualité et des dialogues savoureux. Il y a bien quelques impairs avec les doublages français (notez que l'on peut néanmoins passer en V.O anglaise quant on le souhaite), ou certains personnages intéressants malheureusement trop effacés, mais l'ensemble reste vraiment agréable, traitant de sujets sensibles par le biais d'un jeu bac à sable rendu jouissif grâce aux super-pouvoirs.

Il n'y a pas de fumée sans feu

Nous y voici enfin : la next-gen est là ! Après nous avoir promis monts et merveilles depuis son annonce, inFAMOUS : Second Son est dans la place et démontre toute la puissance de la PS4. Je pourrais vous décrire tous les détails techniques qui gorgent ce titre spectaculaire et généreux sur le plan visuel, mais ce serait inutile, le jeu est beau, très beau, extrêmement coloré et s'impose à mon sens comme le plus impressionnant des titres sur consoles nouvelle génération. Mention spéciale tout de même pour la pluie et les effets d'ombres et de lumières, superbes, qui impressionnent à différents moments de la journée, du matin au couché du soleil, la nuit, sous la pluie, dans la poussière d'un immeuble qui s'effondre, etc. Il est évident que le titre devient instantanément la vitrine technologique de la console de Sony. Précisons que les rues de Seattle sont raisonnablement fréquentées, avec un nombre de voitures et de passants tout à fait correct (mais pas dingue non plus), et que ces derniers fuient ou s'approchent de vous en fonction de vos actions (selon que vous choisissiez d'être violent ou d'aider la population), ce qui est toujours plaisant. L'ensemble tourne parfaitement bien malgré de très légers ralentissements, par exemple lorsque l'on commence à utiliser ses gros pouvoirs au milieu d'une vingtaine d'assaillants, accompagnés de civils, le tout au milieu de véhicules qui explosent à la chaine dans une grande artère de Seattle... C'est tolérable. Pour autant, certains détails étonnent. Si on peut interagir avec certaines structures ou éléments des décors, il n'est pas possible de détruire des immeubles entiers, de mettre le feu aux arbres ou encore de nager (dans l'eau, Delsin est téléporté sur un bord au hasard). Avec un rendu si splendide, un rien photo-réaliste, ces détails peuvent choquer et prouvent bien que même avec une grosse puissance de calcul, les jeux vidéo ont encore du chemin à faire pour proposer des univers réellement cohérents. Cela dit, ne boudons pas notre plaisir, puisqu'il s'agit de petits détails qui n'entachent en rien l'aventure principale et la pertinence de son action.

Fumée, Néons et compagnie

InFAMOUS : Second Son est donc un jeu bac à sable dans lequel le héros a des super-pouvoirs. Bien dans ses baskets, il virevolte dans Seattle tel un poisson dans l'eau. Il grimpe avec aisance, plane, passe dans des conduits d'aération pour atteindre les hauteurs à grande vitesse et replonger entre deux immeuble dans la foulée, histoire de claquer un bon gros coup de poing au sol, créant une superbe explosion, envoyant valdinguer les véhicules, les ennemis et les civils à plusieurs mètres, le tout dans un déluge pyrotechnique du plus bel effet... Là encore, le jeu réussi son pari : vous donner le sentiment d'être un homme surpuissant dans une ville gigantesque. Ainsi, Delsin passe du pouvoir de la Fumée à celui du Néon ou... Non, je n'en dirais pas plus, même s'il faut admettre que j'ai plus apprécié certains pouvoirs que d'autres, et je ne serai certainement pas le seul. Possédant tous un tronc commun, boules de feu/de lumière, déplacements particuliers, super-missiles, attaques ultimes, etc., les super-pouvoirs ont bien entendu des spécificités qui s'ajouteront à l'ensemble en récupérant des relais de noyaux disséminés en ville. Evidemment, le Karma - marque de fabrique de la saga - grandit au fil de l'aventure, en bien ou en mal, en fonction de vos actions (bonnes ou mauvaises) et de vos choix à certains moments clés (il y en a peu et ne sont finalement pas très significatifs), permettant de participer à une version légèrement différente de certaines missions. Là où le Karma est réellement important, c'est qu'il nous autorisa à récupérer certains pouvoirs maléfiques lorsqu'on a choisi la voie du bien, et inversement.

Notez que les joueurs qui joueront dans les extrêmes auront bien du mal à attraper les pouvoirs opposés dans leur template, alors que les plus modérés navigueront régulièrement entre le bien et le mal pour profiter au maximum du système. Une formule connue qui fait le sel d'inFAMOUS et qui change évidemment le gameplay, via des super-pouvoirs pratiques et agréables à utiliser, dont les différentes options donnent le vertige en termes de sensations et de plaisir. Cela dit, là encore il y a un petit bémol, qui nous vient du fait que les pouvoirs sont séparés les uns des autres. En effet, impossible de lancer des missiles de fumée et des rayons néon dans la foulée par exemple. Non, il faut repasser régulièrement par les sources de pouvoirs disséminées dans toute la ville (cheminées ou moteurs de voiture pour la fumée, enseignes lumineuses pour le Néon) afin de recharger la jauge du pouvoir correspondant, ou carrément en changer. Un choix de game design que certains contesteront sans doute et qui peut engendrer de la frustration, d'autant que certains pouvoirs sont bien plus kiffants que d'autres.

Grands pouvoirs, grandes responsabilités

Je vous le disais, les pouvoirs sont cloisonnés. On utilise la Fumée, le Néon ou le reste, mais sans jamais les mélanger. Rassurez-vous, ils ont chacun une panoplie d'actions spécifiques, mais lorsqu'on a la Fumée par exemple, on fait souvent la même chose, on joue toujours un peu de la même manière malgré la variété des ennemis. On passe ensuite au Néon, le gameplay est alors différent, mais on fait une fois encore souvent les mêmes actions spécifiques... C'est agaçant, même si l'on peut changer rapidement de pouvoir en trouvant une source d'énergie correspondante dans la ville (ou lors de combats de boss spécifiques). D'autre part, Delsin peut monter absolument sur tout, prendre appui sur les bords des fenêtres, grimper à des centaines de mètres du sol sur un énorme building, se projeter dans les airs, se transformer temporairement en fumée pour planer au-dessus de Seattle, longer les parois à la verticale et à toute vitesse pour s'envoler encore plus haut et atterrir délicatement sur le haut d'un réverbère à quelques mètres du sol avec la délicatesse d'un chat... ce qui est vraiment génial, mais la contrepartie vient des collisions un peu étranges que l'on constate lorsqu'il bute sur quelque chose, donnant l'impression de planer par petits à-coups sur la structure avant de s'y poser ou de s'y accrocher. Ce n'est pas méchant, on s'y fait très bien à la longue, mais dans un univers aussi dense et riche, ça pourra en choquer certains.

Heureusement une jouabilité impeccable et une caméra qui fait le boulot assurent un gameplay toujours spectaculaire et confortable à jouer. Néanmoins on s'étonne toujours de ne pas pouvoir détruire plus avec de tels super-pouvoirs. Impossible d'entamer les bâtiments, de brûler un arbre ou de faire exploser une tour. De toute façon, cela aurait été ingérable en termes de level design, et puis il reste les véhicules, les très petites structures, les ennemis et surtout les camps des DUP, de plus en plus grands et nombreux au fil du jeu et où c'est l'éclate absolue, car tout y est destructible. Tout ce qui est estampillé DUP peut-être saccagé, explosé, défoncé... et c'est jubilatoire ! On termine avec l'intelligence artificielle, autre grand chantier de la next-gen qui a manifestement encore du chemin à faire.. En effet, si les adversaires du DUP, les activistes et autres trafiquants de drogue, peuvent être très dangereux en nombre, ils ne sont pas franchement très malins. Certains se cachent, mais ils sont rares et les affrontements demeurent assez bourrins dans l'ensemble, sans pour autant être dénués d'intérêt. D'autant que le jeu peut s'avérer difficile, avec ses trois niveaux de difficulté (qu'on peut changer à la volée pendant la partie).

Seattle, me voilà

On terminera ce petit tour d'horizon d'inFAMOUS : Second Son en vous parlant de Seattle, la mégapole dans laquelle Delsin sévit. Occupée par les DUP qui traquent les porteurs en cavale, la ville est un vaste terrain de jeu permettant de profiter de la verticalité dans les combats, et dans laquelle il y a fort à faire. Delsin pourra donc accomplir une foule de quêtes annexes pour gagner des fragments de noyaux et faire grandir ses pouvoirs, bons ou mauvais. On y traquera les trafiquants de drogue, les agressions, des carnets audio, un congloméra révolutionnaire ; on y aidera des citoyens blessés (ou pas !) et on traitera avec des activistes anti-bio-terroristes. En parallèle, et pour faire progresser l'aventure et ses pouvoirs, Delsin va devoir virer les antennes DUP qui occupent des nombreux quartiers de la ville en taguant sur les murs, en détruisant les caméras de surveillance, les drones, les postes de scanner servant à contrôler les identités, les patrouilles DUP, les agents DUP cachés parmi les civils, les radars et enfin les bases DUP, qui permettent de défier, au cours d'un combat final pour la domination du quartier, les dernières forces ennemies. Pas mal de choses faire donc, même si, une fois encore, on fait finalement toujours un peu les mêmes actions durant cette aventure d'une douzaine d'heures (mais qui peut durer bien plus longtemps si l'on s'acharne sur les quêtes secondaires). Notons enfin que les actions de Delsin influenceront son Karma, ses pouvoirs et légèrement certaines missions, mais surtout les réactions des civils qui le croisent, donnant la touche de crédibilité finale à un titre qui se révèle vraiment savoureux.

Il y a beaucoup de choses à dire sur inFAMOUS : Second Son, mais à un moment il faut arrêter de tourner autour du pot ! Le jeu de Sucker Punch est indéniablement la vitrine technique et le vendeur de consoles que Sony attendait. C'est le jeu qui montre enfin ce que la PS4 a dans le ventre, nous faisant vraiment entrer dans l'ère de la next-gen... et surtout celui qui va enfin contenter les possesseurs de PS4 en manque d'exclus ! Cela dit, bien qu'il soit très bon et même indispensable sur PS4 aujourd'hui, il est parfois un peu répétitif dans son action, la faute à des pouvoirs cloisonnés. Bref, sans révolutionner le genre, il marque tout de même une étape pour la série et pour la PS4.