N'espérez pas trop d'amis quand vous vous lancerez dans les ombres, tuant, volant ou espionnant, pour le compte d'une corporation ou d'une autre. Des ennemis, ça oui, plein. Mais les amis... ils finissent toujours par mourir ou vous trahir. Mais bon, on s'attache parfois un peu trop à un collègue en particulier. Ce vieux Sam Watts par exemple... mais comme je le disais, il est décédé. Pas une surprise pour lui apparemment, car un message automatique de Sam vous est transmis après son décès. Il vous engage pour retrouver son meurtrier. En route pour Seattle, où votre ancien partenaire de run vivait sa mauvaise vie avant de se faire geeker comme on dit. Il semble que ce soit l'oeuvre d'un tueur en série appelé L'éventreur. Mais vous pensez bien que l'affaire va se compliquer au-delà de vos pires cauchemars.

C'est tout droit !

Ce début de campagne m'a fait sourire, car le peu de fois que j'ai joué à Shadowrun en JDR (avec bons vieux dés), j'ai créé une sorte de professeur obnubilé par Jack L'Éventreur et fasciné par les armes blanches. Je n'ai jamais été un grand joueur de Shadowrun, donc ne comptez pas sur moi pour vous détailler l'univers cyberpunk/fantasy dans lequel vous évoluerez. Il est tellement complexe de toute façon ! Mais rassurez-vous, non seulement le scénario de Shadowrun Returns est de très bonne facture, bien qu'extrêmement dirigiste, mais en plus les développeurs vous transportent dans leur monde avec intelligence et talent. L'ambiance est fantastique, les dialogues en anglais sont impeccables, les personnages sont étoffés, l'immersion est totale. On sent des années d'expérience de Maître de Jeu et de rôliste derrière.

Cause toujours...

Dommage que la quinzaine d'heures de cette première campagne ne laisse pas plus de liberté : on ne fait que suivre le scénar, et les choix de réponse n'influent que sur quelques événements à peine. Lorsque vous développez votre personnage avec des points de karma gagnés régulièrement en cours de jeu, augmenter le charisme permet d'obtenir de nouvelles « étiquettes », c'est-à-dire une connaissance du langage et des règles d'un milieu : shadowrunner, corporation, sécurité, académique, etc. Vous en débloquerez deux, trois... plus si vous êtes un elfe. Ces « étiquettes » vous rajoutent des lignes de dialogue ici et là, pour contourner un combat, résoudre un problème rapidement, négocier plus d'argent (ou éviter d'en perdre trop). Mais au final, aucun embranchement important ne viendra complexifier l'histoire. Le prix à payer pour une aventure cohérente ? Le débat ne date pas d'aujourd'hui.

Shadowrunner sur mesure

Tout le reste du jeu tourne autour du combat. Parfois seul, parfois en équipe, jusqu'à quatre personnages, amis ou mercenaires bien payés (ça coûte bonbon d'engager une équipe complète pour une mission !), vous allez affronter des gardes mal payés, des shadowrunners concurrents, des monstres étranges, des gardes mieux entraînés, des dealers, des cultistes, des gardes d'élite, etc. Pour survivre, vous apprendrez à maîtriser différents types de combats (à votre manière ou selon une profession de base). Mettez des points en « corps » et vous aurez plus de vie tout en débloquant des améliorations dans le corps à corps (armé ou non) et le lancer de grenade. Rapidité influe sur les armes à distance (pistolet, fusil à pompe, mitrailleuse, fusil d'assaut) et l'esquive. L'intelligence sert au Decker, qui se projette dans la matrice pour récupérer des informations ou hacker de l'équipement (tourelles, ascenseurs, etc.), ainsi qu'au Rigger, qui se bat avec des drones. Le charisme permet aux Shamans d'améliorer leurs invocations et aux Mages de renforcer leurs conjurations.

Le cours de l'action

Perso j'ai joué un Decker maniant bien le fusil. Se spécialiser dans une compétence permet de débloquer des attaques spéciales, ou de maîtriser de meilleurs sorts. Malheureusement, les différents types d'arme manquent un peu de distinction pour que l'action nous pousse à passer d'un équipement à l'autre. Porter plusieurs armes se révèle surtout utile pour éviter de recharger au mauvais moment. Les munitions ne sont pas comptabilisées dans un inventaire, mais il faut quand même gérer la capacité de son flingue. De même les sorts ne demandent pas de mana, mais une fois lancés, ils peuvent ne plus être utilisés pendant 1, 2, 3 tours ou plus. Mais la statistique la plus importante, ce sont les points d'action. Vous en avez deux au départ, trois plus tard, et quelques magies vous permettent d'en gagner temporairement plus. Un déplacement égal un point. Une attaque de base coûte un point. Certaines compétences en dépensent 2 ou 3.

C'est le métier qui rentre

À vous de gérer votre team avec ça. Quand c'est votre tour, vous pouvez manipuler vos persos dans l'ordre que vous souhaitez. Réfléchissez donc bien à l'enchaînement des actions. N'oubliez pas un bonus de précision avant de tirer par exemple. On peut se déplacer, tirer, puis se mettre à couvert. Ou tout consacrer à l'attaque. Ou encore toute autre permutation. Le terrain offre un certain nombre de couvertures qu'il faudra exploiter, ça aide à ne pas se faire défoncer. Si un membre de l'équipe met un genou à terre malgré tout, vous avez 3 tours pour utiliser un Trauma Kit sur lui afin de le raviver, sinon il est définitivement mort... Le système de combat dans son ensemble fait un peu penser à celui du XCOM : Enemy Unknown de 2K, en moins abouti. Il est assez agréable, mais il manque quelques options ici et là pour approfondir les tactiques.

Les MJ sont sympas

Mais surtout, l'IA en face et les situations proposées par le scénar manquent de pêche. Sur la fin, quelques affrontements se montrent tendus et prenants, mais la plupart du temps, c'est bien trop facile. Même lorsqu'un Decker s'en va dans la matrice et doit se coltiner de nombreux programmes de défense, pendant que ses alliés le protègent, ça reste du gâteau. Entre le mec qui se branche, les mages qui balancent des boules de feu et les samouraïs qui attaquent au sabre, l'ambiance est fantastique. Mais c'est trop facile. On n'a vraiment pas l'impression d'utiliser tout le potentiel du gameplay, qui est pourtant présent à peu de choses près.

Correcteur demandé !

Maintenant, ce n'est qu'un début. D'autres campagnes arrivent de chez Harebrained Schemes (la suite se passe à Berlin) ou d'ailleurs, vu que l'éditeur est fourni gracieusement. De nouveaux challenges plus coriaces ? Je l'espère ! Plus de matos, plus compétences ? Le système RPG semble prêt à être étoffé de toutes parts. Il faudra aussi corriger quelques vilains bugs (certains devraient déjà être effacés à la sortie du jeu, mais bon), et modifier la manière dont le tour à tour et le temps réel fonctionne. En effet, le combat se déclenche lorsqu'une cible est en vue : on passe alors en tour par tour. Mais souvent, une fois tout le monde éliminé, le jeu reste dans ce mode de déplacement jusqu'à la fin du niveau. C'est très désagréable. Le système de sauvegarde est lui aussi préoccupant. Il n'existe que des checkpoints en début de carte. Si vous commencez une mission, vous avez intérêt à la finir. Et ce n'est pas toujours court ! Alors je n'ai rien contre le style Iron Man, bien au contraire, mais faites-en un qui fonctionne correctement, par pitié.

Victor, nettoyeur

Pour ce qui est de la technique un peu plus terre-à-terre, on peut dire que le résultat général est convenable. L'interface n'est pas toujours bien pensée, mais on s'y fait. Un truc me chiffonne néanmoins : un jeu en 3D ISO comme Shadowrun Returns demande-t-il tant de mémoire qu'il faille faire disparaître les corps tombés au combat aussi rapidement (Un sujet déjà évoqué sur Gameblog) ? C'est quand même triste... Un peu comme les différents effets de sorts et d'attaques sur les ennemis, d'ailleurs. C'est tristounet. Ça manque carrément de gore à la Fallout pour les critiques. Entre l'évanouissement des cadavres et ce désert graphique, on n'a pas la sensation du "travail bien fait" à la fin d'un combat. C'est dommage, car les décors et les portraits sont très réussis, eux. Espérons des updates de ce côté là !

Ne boudons pas notre plaisir. Bien qu'un peu léger, Shadowrun Returns se ramène avec un gameplay suffisamment carré et honnête. Ce qui dérange surtout, c'est de ne pas pouvoir se mettre plus souvent en danger, d'être acculé aux tactiques les plus fourbes pour gagner. Le MJ, en plus d'être sacrément dirigiste, est bien trop sympa ! Faut-il vider quelques bières pendant la partie pour diminuer notre vigilance, comme au bon vieux temps ? Faut-il passer une demi-heure à vanner les PNJ avant d'énerver le MJ ? Bah, ça reste très agréable à jouer, avec un potentiel énorme. Et je n'évoque même pas la découverte, ou le retour pour les fans, à un univers fabuleux mêlant cyberpunk et fantasy. On a qu'une envie une fois la première campagne de Shadowrun Returns finie, c'est de sortir sa brouette de D6 et d'aller taquiner les ombres avec ses potes.

Shadowrun Returns n'est dispo que sur Steam pour PC et Mac pour l'instant (les versions iOS et Android arriveront dans quelques semaines). Il coûte 19 euros.