Dans The Alters, vous incarnez Jan Dolski, un ouvrier spatial envoyé sur une planète lointaine et inhospitalière par la toute-puissante Ally Corp, dans le cadre d’une mission d’extraction minière. Mais à votre arrivée, un crash survient, endommageant gravement la base mobile et compromettant vos chances de survie... Dès les premières minutes, l’ambiance évoque les grandes références de la science-fiction, à commencer par Alien et sa célèbre Weyland-Yutani Corporation. On y retrouve le cynisme des grandes corporations, la solitude face à une technologie froide, et cette idée que la vie humaine compte peu face aux profits. Les influences de Soleil Vert et Moon se font aussi sentir, notamment sur la thématique des clones.

Car oui, on s’en rend très vite compte, il apparaît que sur cette planète lointaine, les humains recherchent une substance rare appelée le Rapidium. Ce matériau alimente une étrange machine, le Womb, couplée à un ordinateur quantique. Ensemble, ces deux éléments permettent de créer ce que le jeu appelle des Alters, des versions alternatives de votre personnage, semblables à des clones, mais chacune façonnée à partir d’une vie différente que vous auriez pu mener. Technicien, botaniste, ouvrier…

Ces doubles ne sortent pas de nulle part. Ils sont issus de simulations basées sur votre profil biométrique, mais aussi sur des choix de vie que vous auriez pu faire dans d’autres circonstances. Le jeu imagine donc une infinité de versions alternatives de votre personnage principal, chacune née d’un “et si ?”. Et ce n’est pas juste un concept abstrait, les Alters (les seuls PNJ du jeu) gardent le souvenir de cette vie hypothétique. Certains parlent de leur famille, de leurs expériences, comme si ces événements avaient vraiment eu lieu… pour eux. Ils seront à la fois des alliés, des membres d’équipage et des travailleurs tout au long du jeu.

C’est sur cette base que The Alters bâtit une expérience hybride, entre jeu de survie, aventure narrative et gestion de groupe. Mais si le jeu propose des mécaniques de survie et de gestion bien intégrées, c’est bien la narration qui reste au centre de l’expérience. L’exploration, la construction et l’organisation de votre base roulante viennent surtout enrichir cette trame principale, en soutenant les relations que vous développez avec vos Alters et en renforçant le poids de vos décisions.

The Alters

Une planète hostile et un danger qui guette

Dès vos premiers pas hors de la base, The Alters frappe fort. La planète sur laquelle vous vous réveillez n’a rien d’accueillant, mais elle fascine immédiatement. Pas d’extraterrestres hostiles ni de faune mystérieuse à affronter ici, seulement un environnement rocailleux, instable, parfois balayé par des tempêtes, parfois noyé sous une pluie fine, mais toujours dominé par une menace : le soleil. Il consume tout sur son passage. La seule façon de lui échapper, c’est de faire avancer votre base roulante pour rester dans la zone d’ombre, dans ce qui devient une nuit quasi permanente. Rester trop longtemps sur place, c’est s’exposer à une chaleur mortelle. On adore cette ambiance à la frontière entre un film de science-fiction façon Seul sur Mars et un pur film catastrophe.

The Alters

Une beauté pure

Pour couronner le tout, techniquement, le jeu est superbe. La direction artistique joue avec de forts contrastes, entre les zones écrasées de lumière et les régions plongées dans l’ombre. Les roches brisées, les poussières suspendues, les vents violents, tout donne vie à une planète à la fois majestueuse et écrasante. L’éclairage dynamique, notamment lors des phases d’exposition au soleil, sublime l’environnement et accentue cette tension permanente. Chaque sortie hors de la base devient un moment à la fois contemplatif et anxiogène. On explore, on collecte, on établit des connexions… tout en gardant un œil attentif sur la course du soleil.

Le moteur du jeu impressionne par le soin apporté aux détails. Les textures sont précises, les jeux de lumière subtils, et chaque animation, du moindre mouvement à la réaction du vent sur la combinaison, renforce l'immersion et donne une véritable impression de réalisme. C’est à la fois très propre, maîtrisé, et au service de l’ambiance. Le studio polonais n’a peut-être pas les moyens d’un AAA, mais il compense largement par une direction visuelle inspirée et une parfaite cohérence artistique.

Le tout tourne sous Unreal Engine, et il faut bien le dire, certains panoramas sont véritablement époustouflants. Si la planète donne souvent l’impression d’un désert minéral sec, le jeu surprend rapidement par la variété de ses biomes. Certaines zones arborent des terres rouges et craquelées, presque volcaniques, qui évoquent clairement la planète Mustafar dans Star Wars, tandis que d’autres laissent apparaître des vallées brumeuses, des reliefs plus sombres ou des zones balayées par des pluies. Une diversité qui renforce l’étrangeté du lieu, et évite toute lassitude.

The Alters

Une boucle qui fonctionne bien

Au-delà de sa direction artistique marquante et de ses indéniables qualités techniques, The Alters s’appuie sur une structure simple à appréhender, mais redoutablement efficace qui alterne en permanence entre deux grandes phases de gameplay. D’un côté, vous vous occupez de l’intérieur de votre base roulante, où la gestion des ressources, l’organisation des modules et les interactions avec les autres personnages occupent vos journées. De l’autre, vous devez enfiler votre combinaison spatiale pour explorer la surface de la planète, une activité tout aussi vitale.

Sortir n’est pas un choix, c’est une obligation. C’est à l’extérieur que se trouvent les matériaux nécessaires à la construction, les données permettant de faire avancer vos recherches, ou encore les objets personnels qui font progresser l’histoire. Chaque expédition demande une bonne dose d’énergie, qui oblige à établir un parcours cohérent, et s’accompagne toujours d’un certain danger. Car pendant ce temps, le soleil continue sa lente avancée, et rester immobile trop longtemps peut vous coûter cher. 

Ces sorties reposent sur une boucle exigeante mais bien pensée. En vue à la troisième personne, vous arpentez un relief souvent chaotique, en surveillant constamment votre jauge d’endurance. Chaque déplacement ou action puise dans cette réserve, nous obligeant à planifier les expéditions avec soin pour éviter de tomber à court au mauvais moment. C’est stressant, mais diablement jouissif. Avant de quitter la base, il faut réfléchir au trajet à emprunter, sélectionner les bons outils, du scanner au capteur énergétique, et hiérarchiser vos objectifs. Une fois sur place, vous installez des foreuses, collectez des échantillons, déployez des relais pour acheminer l’énergie, ou tentez de retrouver des modules oubliés ainsi que des éléments liés à l’histoire. 

The Alters

Une liberté de façade ?

Comment tout ceci se déroule ? C’est très simple, les déplacements ne sont pas totalement libres puisque la planète est découpée en grandes zones semi-ouvertes prédéfinies par le jeu. Vous progressez via des routes balisées accessibles uniquement par votre base roulante, et à chaque nouvelle étape un environnement spécifique se dévoile. Pas de génération procédurale ici, mais un level design travaillé avec des zones à explorer manuellement à pied. Certains éléments (objectifs, objets à récupérer, météo, événements contextuels...) peuvent changer selon vos choix scénaristiques. La plupart des missions, en dehors de la collecte de ressources nécessaires au fonctionnement et à l’évolution de la base, suivent un scénario précis et une trame principale. Pas question ici d’explorer librement comme dans un No Man's Sky, la progression reste encadrée et narrative. 

Un rythme particulier

Comme sa structure de gameplay, le rythme de The Alters se divise en deux temps bien distincts. À l’intérieur de la base, les séquences sont calmes, parfois lentes, centrées sur la gestion et les dialogues. À l’inverse, dès que l’on sort, tout change. Le jeu passe en mode contre-la-montre, où chaque détour, chaque hésitation peut coûter cher. L’énergie diminue, le soleil progresse, les problèmes surgissent.. Chaque expédition devient un casse-tête sous pression, et le simple fait de rentrer vivant avec des ressources crée un vrai soulagement. 

De plus, si il n’y a pas de vie extraterrestre, la surface est parsemée d’anomalies invisibles, des poches d’instabilité gravitationnelle ou énergétique qui perturbent vos déplacements. Inspirées de l’ambiance étrange de STALKER, elles vous forcent à rester sur vos gardes, à les détecter, les contourner… ou les désactiver. Pour cela, vous débloquez peu à peu des outils comme l’illuminator, qui permet de cibler leur cœur et de les dissoudre. D’autres types apparaissent plus tard, certaines suivent vos déplacements, d’autres changent de forme ou d’intensité, rendant chaque sortie différente.

Quelques soucis à noter

Le tout est soutenu par une interface sobre et globalement claire qui remplit bien son rôle en affichant les informations essentielles comme la progression du jour ou la jauge d’énergie. Mais si cette lisibilité fonctionne à l’échelle de l’exploration, elle se montre plus perfectible dès qu’il s’agit de gérer les Alters et les affectations. Les menus manquent parfois de clarté, notamment lorsqu’il faut organiser les tâches ou interagir avec les différents modules de la base. L’ergonomie devient alors un peu brouillonne, et l’on se surprend à chercher l’information ou l’option souhaitée dans une interface qui aurait gagné à être mieux hiérarchisée. Rien de rédhibitoire toutefois.

En outre, même avec des objectifs variés, la boucle de gameplay peut parfois donner une impression de répétition. L’alternance entre exploration, collecte, retour à la base et gestion est bien construite, mais elle peut s’essouffler lors de certaines phases intermédiaires où l’inertie du rythme se fait sentir. Cela tient aussi au fait que The Alters repose sur une progression linéaire et narrative.

Mais si la structure peut sembler un peu mécanique à certains moments, c’est dans les interactions humaines et la gestion de la base que le jeu retrouve toute sa richesse. Pour espérer survivre, il faut savoir s’appuyer sur les Alters. Des individus à part entière, dotés de personnalités bien distinctes, qu’il faudra apprivoiser, encadrer… et parfois confronter.

The Alters

Une histoire de gestion

Chaque Alter possède des compétences bien précises, qui influencent directement le bon fonctionnement de la base. Le technicien, par exemple, est capable de réparer les modules plus rapidement ou de construire des structures avancées. Le botaniste sait comment cultiver les plantes les plus exigeantes pour améliorer la qualité de la nourriture. Le mineur excelle dans l’extraction des ressources, tandis qu’un cuisinier préparera de meilleurs repas, essentiels pour maintenir le moral de l’équipe. D'autres Alters pourront se spécialiser dans la recherche, la fabrication d’outils ou encore la maintenance énergétique. Ces capacités ne sont pas accessoires, elles conditionnent la réussite de vos objectifs, et imposent de composer une équipe équilibrée et complémentaire.

Vous devez jongler avec les humeurs, apaiser les conflits, répondre aux demandes, parfois mentir ou trancher entre deux visions opposées. Chaque interaction façonne vos relations et peut avoir un impact concret sur l’efficacité du groupe. C’est là que The Alters se distingue, il transforme la gestion en une expérience profondément humaine, où les émotions pèsent aussi lourd que les ressources.

Des choix très importants dans une histoire sous tension

Ces tensions humaines prennent une autre dimension lorsque la corporation refait surface. Une fois les communications rétablies, les échanges avec le siège reprennent. Derrière une façade bienveillante, les questions deviennent de plus en plus insistantes : où en est l’extraction du Rapidium, en quelle quantité, à quelle vitesse ?

Le jeu introduit alors des choix de dialogue importants, sans jamais les surligner. Coopérer, cacher des informations, ou remettre en question cette autorité distante... À vous de décider. Et comme souvent chez 11 bit studios, ces décisions ont de vraies conséquences sur vos relations, votre gestion, et l’histoire elle-même.

Certains échanges, notamment avec les Alters, manquent parfois de finesse et tournent un peu en rond. On sent une écriture inégale par moments, mais dans l’ensemble, ces communications élargissent les enjeux. On ne joue plus seulement un survivant, mais un pion, ou un acteur, d’un système plus vaste. 

Évidemment, toutes ces décisions finissent par peser sur l’histoire. The Alters propose plusieurs fins, façonnées par vos choix, vos erreurs et vos silences. Rien n’est jamais clairement balisé. Un mot mal choisi ou un conflit laissé sans réponse peuvent, bien plus tard, faire basculer l’équilibre. L’objectif de Jan est simple en apparence : survivre et trouver un moyen de quitter la planète. Mais ce but évolue avec vos choix. Certains Alters vous poussent à vous affranchir de la corporation, d’autres à coopérer. La quête de liberté devient alors morale autant que physique, et le jeu vous laisse choisir votre voie

Une belle interprétation pour The Alters

Ce système fonctionne d’autant mieux grâce à l’interprétation d’Alex Jordan. Le comédien donne vie à onze versions différentes de Jan, chacune avec son ton, ses tics, son énergie. Tantôt cassant, tantôt jovial, parfois brisé ou amer, il donne une véritable identité à chacun des Alters. Ce système est non seulement bien écrit, mais aussi extrêmement impliquant sur le plan du jeu. Il vous donne l'impression d'être à la fois chef d'équipe, confident, médiateur et psychologue. Vous ne vous contentez pas d’affecter des rôles, vous construisez une dynamique de groupe, vous gérez des égos, vous faites face à des états d’âme.

Une gestion de base assez complète

Créer des Alters ne suffit pas à faire tourner la machine. Pour survivre, il faut penser à tout : avec une production, une organisation, un confort… et une anticipation. The Alters propose pour cela un système de construction modulaire, à la fois intuitif et dense, qui structure l’évolution de votre base roulante.

Celle-ci prend la forme d’une immense roue compartimentée, que vous étendez progressivement en ajoutant des modules selon vos besoins. Chaque compartiment peut accueillir une installation, cuisine, atelier, dortoir, salle commune…, que vous placez librement. Il est possible de déplacer, remplacer ou améliorer ces modules à tout moment, dans une logique de gestion souple mais exigeante. Ce principe rappelle fortement Fallout Shelter, avec cette même vue latérale et cette idée de micro-société que l’on bâtit et réorganise pièce par pièce. Mais ici, la dimension narrative et humaine prend une toute autre ampleur.

Chaque nouvelle salle impacte l’équilibre global de votre base. Elle n’est pas qu’un simple ajout fonctionnel, elle influence les trajets, les affectations, les interactions entre Alters. Très vite, vous devez installer les éléments essentiels tout en gérant les ressources limitées. On voit les lieux prendre vie, les Alters cuisinent, jouent, discutent, regardent des films en live action ou expriment leurs désaccords. Et ils ne se privent pas de vous le faire remarquer : pourquoi construire une salle de jeux quand la nourriture manque ?

L’art de bien choisir

La croissance de la base ne doit rien au hasard. Chaque décision d’aménagement devient stratégique car elle détermine l’efficacité du groupe autant que son moral. Placer deux modules complémentaires côte à côte permet d’optimiser les déplacements. À l’inverse, une mauvaise disposition peut créer des tensions. La base devient un véritable puzzle en mouvement, où il faut composer avec des êtres humains, pas de simples variables.

Pour explorer la base, le jeu vous permet de vous déplacer librement à l’intérieur de la base en vue latérale à la troisième personne. Jan y apparaît de profil, évoluant en temps réel dans les couloirs. Cette navigation fluide renforce l’attachement à l’espace. On ne se contente pas de cliquer sur une carte, on vit dans cette base, on s’y déplace, on y croise ses Alters. L’ambiance en devient plus organique, plus intime.

Une amélioration constante

À mesure que vous progressez, la gestion gagne en densité. Chaque module consomme de l’énergie, demande un entretien régulier, voire une affectation spécifique. Un Alter épuisé ou contrarié sera moins efficace, voire inutile. Il faut donc répartir les tâches avec soin, en tenant compte des compétences, mais aussi de l’humeur ou de l’état physique de chacun.

Certains modules peuvent être améliorés grâce à des plans ou à des recherches spécifiques. Le jeu intègre un véritable (mais petit) arbre de recherche, qui permet de débloquer progressivement des améliorations pour vos installations, vos outils et votre base. Cela permet d’augmenter leur rendement, de débloquer de nouvelles fonctions ou de renforcer leur robustesse. La base elle-même peut évoluer, que ce soit en termes de mobilité, de résistance aux tempêtes solaires ou d’autonomie énergétique. Mais chaque amélioration a un coût, et nécessite des ressources parfois rares. Il faut donc prioriser vos recherches, choisir, arbitrer.

Le gameplay ne cherche pas la complexité pour la complexité. Il repose plutôt sur une gestion fine des priorités, où chaque décision peut avoir des répercussions concrètes. À cela s’ajoute la gestion du temps : certaines actions ne sont possibles qu’à certains moments de la journée, d’autres demandent la présence simultanée de plusieurs Alters, et certains événements contextuels viennent bouleverser vos plans.

C’est ce fragile équilibre entre organisation rationnelle et imprévu émotionnel qui donne tout son charme à The Alters.. Et une erreur de jugement peut en gripper tous les rouages. Un jeu dans la droite lignée de ce que sait faire 11 bit studios…