Sorti en 2023, RoboCop Rogue City avait surpris tout le monde. Derrière son apparence rétro et sa subtilité digne d’un bulldozer, le FPS signé Teyon s’était révélé plus qu’un simple hommage nostalgique : un jeu solide, respectueux du matériau d’origine, et parfois étonnamment malin dans son écriture. Deux ans plus tard, le studio revient avec Unfinished Business, une extension standalone qui promet encore plus de violence, de métal et de justice expéditive… sans forcément tout réinventer. Loin de là, même. Ce spin-off peut se jouer sans avoir terminé le jeu principal, mais il s’adresse clairement aux fans du premier volet. Il reprend la formule gagnante tout en resserrant l’action dans un seul lieu, quitte à laisser de côté certaines ambitions narratives .Alors, simple mission bonus ou véritable prolongement de l’expérience ? Verdict, entre balles perdues et souvenirs retrouvés. Ça va saigner !
Pour ceux qui l’auraient manqué, RoboCop Rogue City est un FPS solo à l’ancienne, ultra linéaire, où l’on incarne l’inoubliable Alex Murphy, transformé en flic-cyborg après avoir été laissé pour mort dans un Detroit dystopique rongé par la corruption. Entre fusillades sanglantes, enquêtes sommaires et dialogues satiriques, le jeu proposait une relecture efficace de l’univers de Paul Verhoeven, fidèle dans l’esthétique comme dans l’esprit.
Unfinished Business prend place peu après les événements du premier épisode. Le commissariat de RoboCop est attaqué, ses collègues sont massacrés, et un mystérieux commando met la main sur des technologies de contrôle de l’OCP. Direction l’OmniTower, une gigantesque tour-prison tenue par des mercenaires, où RoboCop doit remonter étage par étage pour rétablir l’ordre à coups de rafales bien senties. Cette structure verticale impose un rythme plus dense et maîtrisé. En resserrant l’action dans un environnement unique, le jeu évite les détours inutiles de Rogue City et enchaîne les séquences avec une efficacité bienvenue.
Moins bavard, plus direct, ce nouveau chapitre fait le choix de l’intensité. Une sorte de Dredd ou The Raid à la sauce RoboCop, où chaque salle réserve sa dose de violence, de surprises... et parfois même de réflexion. Car si le scénario reste assez classique, il se permet quelques nuances intéressantes en explorant davantage l’humanité d’Alex Murphy.
Il était une fois… RoboCop !
Guidé par une voix off intrigante qui le pousse à remettre en question sa programmation, notre héros de métal dévoile des failles, des souvenirs, et même des regrets. Sans atteindre des sommets d’écriture, cette introspection suffit à donner un peu de relief à l’aventure et à l’ancrer plus solidement dans le mythe RoboCop.
Ce n’est jamais lourd, ni surjoué. Juste assez subtil pour qu’on sente poindre, entre deux exécutions brutales, quelque chose de plus humain derrière la visière et ça fonctionne. Pas parce que l’écriture serait brillante, mais parce qu’elle s’inscrit bien dans l’univers de RoboCop. On retrouve cette ironie grinçante, ce mélange de satire et de tragédie froide, qui faisait la force du film de Verhoeven. On ne s’attendait pas forcément à ça dans une extension centrée sur l’action, et c’est justement ce qui rend ces moments un peu plus marquants que prévu.
Alors oui, tout n’est pas du même niveau. Les dialogues avec les personnages secondaires sont souvent plats, les quêtes annexes manquent d’impact, et les enjeux principaux restent très convenus. Mais malgré ça, Unfinished Business parvient, à sa manière, à redonner un peu d’âme à son colosse de métal.

Toujours aussi jouissif
Sur le plan du gameplay, RoboCop Unfinished Business ne cherche pas à réinventer la formule de Rogue City. Et franchement, tant mieux. Le cœur du jeu reste ce qui faisait déjà sa force. Chaque pas de RoboCop résonne comme un avertissement, chaque tir de son Auto-9 est une sentence. Et une fois manette en main, la magie opère toujours.
La sensation de puissance est immédiate. L’Auto-9, toujours aussi jouissif à manier, peut être amélioré via des circuits à insérer dans une sorte de mini-casse-tête électronique. Ces puzzles prennent la forme de plaques à courant, où il faut diriger l’énergie vers des nœuds colorés en connectant correctement les points. Ce n’est jamais très compliqué, mais cela demande un minimum de logique visuelle, et surtout un temps d’arrêt qui casse un peu le rythme, surtout quand on veut juste retourner exploser du mercenaire.

Même pas peur
Les meilleures améliorations se trouvent en fouillant l’OmniTower ou en accomplissant des missions secondaires. Rapidement, on débloque des tirs automatiques, des balles perforantes ou des circuits qui suppriment le besoin de recharger. Résultat : RoboCop devient une mitrailleuse vivante. L’Auto-9 reste l’arme star, reléguant fusils d’assaut, gatlings ou lance-missiles au rang de simples figurants. Ils font le job, mais aucun n’égale son feeling.
Parmi les autres nouveautés, on note l’arrivée du Cryo Cannon, un jouet aussi démesuré qu’efficace qui gèle les ennemis sur place avant de les réduire en miettes. Le plaisir est instantané, et l’effet visuel est franchement réussi. Autre bonne idée : les séquences où l’on incarne Alex Murphy, simple flic humain avec une arme standard, ou encore ED-209, gigantesque machine de guerre capable de faire exploser des murs à coups de missiles. Ces moments offrent une bouffée d’air frais, brève mais bienvenue, dans un rythme global très orienté vers le shoot pur. Les affrontements contre les boss, autrefois un des points faibles de Rogue City, s’en sortent également mieux ici. Moins brouillons, plus lisibles, ils misent davantage sur la mise en scène et les patterns clairs que sur la simple accumulation d’ennemis. Certains d’entre eux, sans être révolutionnaires, parviennent à marquer l’esprit grâce à une bonne exploitation de l’univers ou un twist scénaristique bien amené.
Évidemment, les limites du personnage sont toujours là. RoboCop ne saute pas, ne court pas, ne se met pas à couvert. Il avance, lentement, implacablement, et encaisse. C’est une mécanique assumée, fidèle au personnage, mais qui pourra paraître rigide aux amateurs de FPS plus dynamiques.
Heureusement, l’architecture en étages joue en sa faveur. Chaque niveau devient une mini-arène à aborder différemment, avec ses couloirs, ses embuscades, et ses pièges. Le level design encourage une lecture tactique : bien gérer les angles, les priorités de tir, ou l’ordre d’élimination devient crucial pour avancer sans se faire submerger.

Quid de la difficulté ?
La difficulté, elle aussi, monte en puissance de façon assez subtile. Les ennemis deviennent plus coriaces sans virer à la frustration, et le jeu varie suffisamment les situations pour maintenir une pression constante. Certains étages demandent de bien exploiter le décor, d’autres imposent une vraie rigueur tactique. Mais jamais cela ne brise le fantasme de toute-puissance qui fait tout le sel du personnage.
Et malgré ses maladresses, ça marche. L’ensemble manque parfois de finesse, mais procure une vraie satisfaction immédiate. On avance dans ce décor de béton brut comme un bulldozer chargé de justice, et même quand le gameplay devient un peu répétitif, l’impact des tirs, les cris caricaturaux, les démembrements absurdes et le grain VHS de la visière suffisent à nous replonger dans cette brutalité rétro à laquelle on s’attache. Oui, on fait souvent la même chose. Mais quand la chose en question consiste à faire voler des corps dans des couloirs en criant "Freeze", difficile de bouder son plaisir.

Un peu de douceur dans ce monde de brutes
Dès les premiers étages de l’OmniTower, des civils apparaissent, terrés dans des zones plus calmes, souvent à proximité de boutiques improvisées ou de halls semi-détruits. Ces PNJ, aux dialogues inégaux, permettent de lancer de petites quêtes annexes. Retrouver un proche, pirater une console, résoudre un mini-crime... La plupart de ces objectifs sont simples, parfois absurdes, mais contribuent à renforcer le côté "satire sociale" de l’univers. On y croise même un fan hardcore de RoboCop qui se transforme en quiz vivant sur les films, ou un vieillard dopé aux pilules de jouvence cherchant désespérément sa femme. C’est idiot, mais ça fonctionne, justement parce que ça ne se prend pas trop au sérieux.
Ces quêtes restent cependant très dispensables. La majorité d’entre elles peuvent être ignorées sans conséquences, ce qui est un avantage pour ceux qui veulent aller droit au but, mais un défaut pour ceux qui auraient espéré un impact plus concret sur la progression ou l’histoire. Reste que certaines récompenses valent le détour, notamment en matière d’améliorations d’armes ou de circuits spéciaux à débloquer.
Autre bon point : quelques séquences plus calmes offrent des mini-enquêtes, à base de scan de scène de crime ou d’analyse d’indices avec la vision augmentée de RoboCop. Rien de très poussé, mais là encore, c’est suffisant pour casser le rythme, et rappeler que notre héros n’est pas seulement un tueur, mais aussi un ancien flic, avec un reste d’humanité sous la plaque métallique.
Avec tout ça, Unfinished Business réussit à créer une vraie atmosphère. Un peu répétitive sur la durée, certes, mais avec assez de petites touches pour qu’on ait envie d’explorer. Et même si on devine vite que l’aventure restera en terrain balisé, elle donne suffisamment de raisons d’aller voir ce qui se cache au prochain étage.
Comptez entre huit et dix heures pour boucler l’histoire, un peu plus si vous vous attardez sur les quêtes secondaires. Pour une extension standalone vendue à ce prix, le contenu reste généreux. Ce n’est pas un simple add-on jetable : Unfinished Business tient debout tout seul, avec assez de matière pour satisfaire les fans de la première heure comme les curieux en manque d’action rétro .Et si l’on prend autant de plaisir à y revenir, c’est aussi grâce à sa mise en scène visuelle, soignée malgré un moteur vieillissant.

Une immersion efficace malgré les accrocs de RoboCop
Sur PC, le jeu tourne globalement bien, avec des temps de chargement courts et une stabilité correcte dans les moments les plus chargés. Loin d’être un étalon technique, Unfinished Business mise plutôt sur son ambiance visuelle qui donne ce sentiment d’être plongé dans une suite non-officielle du film de 1987. C’est daté, parfois kitsch, mais ça fonctionne parfaitement avec l’univers.
En revanche, tout n’est pas au niveau. Il suffit de quelques minutes pour croiser un bug d’animation, un PNJ figé ou une cinématique qui se déclenche sans textures. Les finishers, censés être spectaculaires, buggent parfois au point de faire disparaître l’ennemi en plein mouvement. Les visages des PNJ secondaires sont souvent figés, les doublages tombent parfois à côté, et certains enchaînements manquent clairement de fluidité. Rien de bloquant, mais assez pour casser un peu l’immersion, surtout quand l’ambiance visuelle est par ailleurs aussi soignée.
C’est d’autant plus frustrant que le jeu réussit à créer une vraie cohérence esthétique. Les bruitages mécaniques, les impacts bien sales, la musique synthétique dissonante, la visière granuleuse… tout fonctionne ensemble pour recréer un univers dense et immédiatement identifiable. Et bien sûr, le retour de Peter Weller dans le rôle principal continue de faire la différence. On y est. On sent la rouille, l’huile, le désespoir urbain.
Mais à force de bugs récurrents et de petites baisses de finition, Unfinished Business finit par trahir son propre décor. Le jeu nous plonge dans un monde décrépit, certes, mais il ne faudrait pas que son moteur le soit tout autant. Et même si on accepte le côté "jeu modeste au gros cœur", difficile de ne pas se dire que quelques semaines de polish supplémentaires auraient fait beaucoup de bien. Ça ne gâche pas complètement l’expérience, mais ça vient clairement l’écorner.