Chez Saber Interactive, la boue on aime ça, et encore plus lorsqu’elle est foulée par d’énormes pneus crantés supportant des mastodontes de métal hors normes. On ne présente plus la saga des MudRunner, toujours en activité aujourd’hui grâce à son dernier et indétrônable représentant en date : SnowRunner. Loin des standards du marché en termes de jeux axés sur la mécanique, les titres mettent en avant l’art du franchissement en milieu inhospitalier, le convoyage de l’extrême avec des attelages toujours plus fous et massifs.
Plus récemment, les développeurs et Focus Entertainment, l’éditeur, ont décidé d’agrandir cet héritage familial en diversifiant l’approche proposée aux joueurs avec des jeux pensés comme étant de nouvelles expériences parallèles à SnowRunner. C’est ainsi qu’est né en février 2024 Expeditions, un titre totalement axé sur l’aspect exploration de zones sauvages vierges. Succès cependant mitigé en raison d’une approche jugée trop abrupte par de nombreux joueurs. Ce que les gens aiment et veulent, c’est explorer certes, mais prendre le contrôle de véhicules toujours plus imposants et uniques. Saber Interactive débarque alors avec une nouvelle proposition qui semble posséder tous les arguments pour attirer l’attention des férus du genre : faire ressurgir l’enfant qui passait des heures à jouer dans le jardin avec ses pelleteuses et autres camion- grue miniatures grâce à RoadCraft.

L’entrepreneur de l’extrême
Après une preview plutôt prometteuse de Roadcraft, il est désormais temps de se retrousser les manches et de tenter une immersion complète dans le monde des chantiers, mais de l'extrême bien sûr. Vous aurez pour mission de parcourir le monde, et tout particulièrement des régions touchées par de violentes catastrophes naturelles dévastatrices. Tremblements de terres, ouragans, tempêtes… autant d'évènements qui auront eu pour conséquence de vider de vastes terres de leurs habitants, rendues inhabitables et inexploitables, portant encore les stigmates des éléments déchaînés. Tout est alors à reconstruire. Mais cela ne se fait pas du jour au lendemain, imposant tout un minutieux processus.
A la sortie de RoadCraft, huit cartes, et donc autant d'environnements différents sont proposés (des DLC ne tarderont pas à pointer le bout de leur nez, on s’y attend déjà…). Des terres arides africaines aux plaines verdoyantes et boueuses d’Europe, en passant par les Etats-Unis et d’autres zones davantage urbaines comme en Europe de l’est… vous allez voyager, accompagnés par toute votre armée d’engins motorisés. Si les biomes, et donc les propositions visuelles, sont variés et de tailles conséquentes, tous se rejoignent sur un point commun : les structures industrielles. Vous ne serez pas pour autant jeté en pâture sans aucune indication.
Vos premières heures de jeu se feront via une longue phase tutorielle durant laquelle vous suivrez les instructions de Kelly, votre assistante. Cette dernière vous initiera avec les multiples mécaniques de base proposées par RoadCraft. Une étape longue et progressive, mais indispensable pour apprivoiser un jeu aux menus et indications bien souvent fouillis et peu clairs, un constat redondant aux titres de la lignée.

Roadcraft tient largement la route
En règle générale, la progression dans RoadCraft se fera via quelques axes principaux, à savoir explorer pour découvrir les environs et leur état, dégager des chemins d’accès puis reconstruire. Mais ce qui prend quelques secondes à écrire vous demandera au bas mot plusieurs heures de jeu, qui pourront facilement doubler si vous êtes en solo. Que vous soyez averti, jouer seul sera fastidieux et demandera beaucoup de patience. Car oui, plus que jamais auparavant, RoadCraft est un titre pensé avant tout pour la coopération, allant jusqu’à quatre. Toute une série d’objectifs principaux et variés liés à la carte en cours rythmeront votre avancée, tout en restant très similaires dans leur procédé d’exécution, le tout aux commandes d’engins de chantier parfois très exotiques (machines pour couper des arbres, détruire des souches, enterrer des câbles et j’en passe).
Vous apprendrez très rapidement à dégager des tronçons à l’aide de votre bulldozer, à déplacer des obstacles encombrants grâce à diverses grues de toutes tailles et, titre du jeu oblige, à construire de nouvelles routes flambant neuves. Le tout se voit même ponctué par des phases du type puzzle, nous sortant parfois de l’immersion du jeu. L’exemple parfait à donner pour illustrer ce propos concerne un bâtiment dans lequel des plateformes en bois sont à pousser avec notre voiture pour progresser au fil des étages… irréaliste, sans réel intérêt et presque hors de propos. En revanche proposer une vue “piéton” à la première personne aurait pu apporter une réelle plus-value à ce type de contenu.
Malgré ses cartes totalement ouvertes, RoadCraft ne vous laissera jamais une complète liberté et se montrera même assez dirigiste par ses objectifs donnés. Construire une route, par exemple, ne s'improvise pas. Toute une série d'étapes est à suivre : déblayer, aplanir avec du sable, puis déposer l'enrobé avant de le lisser. Il ne vous sera pas possible de procéder différemment, et c'est logique. Pour autant, le jeu ne revendique jamais un aspect simulation ultra poussée, misant avant tout sur l'expérience du maniement d'engins plus variés les uns que les autres (87 annoncés !). RoadCraft se montre accessible dans sa physique, bien plus permissive qu'un SnowRunner. Oubliez toute notion de gestion du carburant propre à chacun de vos véhicules, ou même de dégâts, tout simplement absents. Surprenant de prime abord, ce choix est néanmoins logique si l'on suit l'orientation voulue par RoadCraft.
De même, remplir de sable votre camion benne ne se fera pas manuellement, mais d'une simple pression de touche dès que vous serez au sein d'une large zone de ravitaillement. Des entorses à la règle pour certains qui auraient aimés avoir le choix de l'expérience la plus hardcore possible. Ce ne sera pas le cas, du moins pour le moment. Vous comprenez bien mieux en revanche ce penchant pour la coopération, où chacun aura un rôle précis permettant alors d'effectuer les tâches en coordination tel un ballet mécanique organisé.
Honnêtement, l'expérience est franchement jouissive en plus d'être terriblement fun et satisfaisante. Il est à noter que les joueurs solos ne sont pas pour autant totalement délaissés avec la possibilité de déléguer certaines tâches au jeu (comme la construction de routes), l’idéal pour se concentrer sur une autre mission tout en pouvant à tout moment reprendre le contrôle de la situation si désiré.

Les “convois” par IA, un mot et deux syllabes qui résument bien la situation : envoyer des c… arpenter des voies
Libre à vous de faire de simples tracés ou de transformer des portions complètes de map en véritables autoroutes (si vous en avez la patience !). L'investissement en temps sera toujours récompensé en facilitant vos déplacements d'une part, mais surtout ceux des convois que vous mettrez en place. Car oui, RoadCraft introduit une part de gestion plutôt bienvenue. Des usines de fabrication de pièces indispensables aux multiples rénovations sont disséminées au gré des environnements, nécessitant d'être approvisionnées en matériaux. Pour ce faire, deux solutions : récupérer vous-même au sol les innombrables déchets ou débris correspondants, ou faire appel à des convois gérés par une IA. A vous alors de planifier un itinéraire sûr, en prenant garde d’éviter tout obstacle ou secteur à risque.
Le "i" d’intelligence artificielle est parfois difficile à distinguer avec des véhicules fonçant tête baissée, incapables de prendre la moindre initiative pour contourner un obstacle (vous y compris) ou s’adapter à leur environnement. N’attendez pas pour autant de laisser le jeu gérer à votre place, une surveillance et un entretien sont indispensables. Les passages répétés des véhicules pourront provoquer la formations d’ornières et donc la dégradation d’un terrain pourtant accueillant quelques heures plus tôt. Une rénovation de la voirie par vos soins est alors obligatoire. Ajoutez à cela l’impact des intempéries, qui auront un véritable effet sur les sols (zones qui s’inondent, devenant difficiles d’accès). Bien souvent, la planification d'itinéraires sera reléguée au plan des missions secondaires, totalement optionnelles, mais facilitant votre progression principale, en plus de vous apporter des gains d'XP et d'argent.

Roadcraft impressionne sur PC et PS5 Pro
Sans grande surprise, RoadCraft utilise le même moteur graphique que ses prédécesseurs. Jusque là rien d’alarmant, loin de là. Sur PC, avec des paramètres graphiques au maximum, le jeu propose des visuels impressionnants avec des environnements fourmillants de détails. Les textures sont travaillées et agréablement mises en valeur par une gestion des éclairages convaincante, offrant régulièrement de magnifiques panoramas sublimés par une belle distance d’affichage. La multitude d’éléments jonchant les sols sont soumis à une physique réaliste, réagissant à nos passages et nos intéractions. Un quasi sans faute, si l’on met de côté le conducteur invisible en vue à la première personne et sans animation en vue extérieure. La version PS5 Pro s’en sort elle aussi très bien avec un rendu très flatteur à l'œil, et ce même en “performance”. Le popping reste toutefois très présent, mais difficile d’y remédier au vu de la quantité faramineuse d’éléments à l’écran.

Un chantier inachevé sur PS5 "fat"
Malheureusement nous ne pouvons pas en dire autant en ce qui concerne les versions console. Sur PS5 “fat” et en mode performance à 60fps, RoadCraft frôle la catastrophe avec un rendu totalement dépassé et même incompréhensible. Les textures sont pauvres et baveuses, l’aliasing et le popping des divers éléments environnants sont outrageusement présents… Nous avons clairement le sentiment d'être face à un jeu d’une ancienne génération. Le mode qualité améliore légèrement la donne, sans pour autant être rédempteur et au prix d’un framerate toussotant. Peut-être, et on l'espère, que des correctifs pourront rapidement rectifier le tir, mais impossible en l’état de fermer les yeux sur une telle inégalité technique, d’autant plus surprenante venant d’un moteur ayant déjà fait ses preuves par le passé.
