Cela fait onze ans que la franchise Ninja Gaiden, née en 1988, semblait s’être évanouie dans les ombres. Puis, en 2025, trois jeux sont sortis avec la violence d’un Lâcher d’Izuna : un remaster du deuxième volet en janvier ; Ragebound, un jeu d’action-plateforme en 2D délicieusement rétro en juillet ; et enfin Ninja Gaiden 4 ce 21 octobre 2025 sur PC, PS5, Xbox Series et le Game Pass. Sauf que ce tout nouvel épisode numéroté arrive avec une différence de taille : un partenariat entre Team Ninja, son studio historique, et Platinum Games (Bayonetta, Metal Gear Rising Revengeance, NieR Automata ou Vanquish, pour n’en citer que quelques-uns). Une collaboration réussie pour apporter du sang frais à cette légende du beat’em all exigent, gore et nerveux à souhait ? Voici notre avis à coups de katana et de shurikens sur sa version PC.
Après tant d’années d’absence, l’idée de retrouver avec Ninja Gaiden 4 un tout nouveau jeu numéroté de l’emblématique franchise avait forcément de quoi séduire. C’était aussi l’occasion de lui donner un coup de frais, notamment grâce à l’expertise de Platinum Games, dont le talent pour proposer un gameplay ultra fun et dynamique n’est plus à prouver aujourd’hui. Cela permet ainsi potentiellement de toucher un nouveau public n’ayant pas forcément connu les précédents jeux, qui ont mine de rien pas mal vieillis. Est-ce à dire que l’identité même de la série, avec ses combats exigeants, techniques et diablement jouissifs, s’en retrouve trop profondément altérée ? Autant vous rassurer tout de suite : il n’en est absolument rien, malgré un dépaysement évident, et ce d’entrée de jeu.
Ninja Gaiden 4 : une suite à la Croisée des Corbeaux
Car oui, contrairement aux trois précédents épisodes numérotés, Ninja Gaiden 4 ne nous met pas directement dans la peau du légendaire Ryu Hayabusa. En lieu et place, on incarne Yakumo, membre du clan des Corbeaux, dont la raison d’être est de tuer une bonne fois pour toute le Dragon Noir (et oui, encore lui). Pour cela, notre nouveau protagoniste va devoir purifier quatre sceaux et « ressusciter » la bête, afin de pouvoir débarrasser pour de bon le monde de cette effroyable engeance, véritable némésis de la série. Évidemment, on n’attend pas un Ninja Gaiden sur son scénario, qui est surtout là pour justifier de massacrer sans vergogne des montagnes d’ennemis et de boss.

Malgré un changement de protagoniste principal, Ninja Gaiden 4 ne déroge donc pas à la règle, et nous plonge d’entrée de jeu dans le cœur de l’action. C’est ainsi qu’on redécouvre le gameplay incroyablement jouissif propre à la franchise, mais à la sauce Platinum Games. Le talentueux studio nous avait déjà régalé d’un jeu de ninja psychédélique avec le détonnant Metal Gear Rising Revengeance, et j’ai tout de suite ressenti un lien de parenté certain entre les deux titres. Yakumo se déplace avec la même vivacité fulgurante, éviscère ses adversaires avec la même brutalité grisante, et fait tout ça avec une classe folle, teintée d’une attitude émo à souhait.

D’autant que la prise en main est immédiate, avec des contrôles simples et intuitifs (de préférence à la manette, car le combo clavier/souris est très peu adapté à ce style de jeu) : attaque normale, attaque lourde, esquive/parade, et une forme alternative aux coups de base avec une transformation infligeant plus de dégâts et permettant de contrer les attaques les plus dangereuses, en consommant une ressource que l’on gagne au fil des combats. En quelques minutes, on prend le pli, et avec ça un énorme plaisir à virevolter dans tous les sens et trucider du vilain à la pelle en provoquant d’improbables effusions de sang. Âmes sensibles définitivement s’abstenir, vous êtes prévenus. Ninja Gaiden 4 n’oublie pas non plus ses origines, avec la possibilité d’achever des adversaires « légèrement » démembrés via une mise en scène tout simplement jouissive. Il existe également un mode « berzerk », l’équivalent du Devil Trigger dans Devil May Cry et mécaniques équivalentes dans d’autres jeux du genre, qui permet avec certaines attaques de provoquer un « bain de sang » pour tuer en un coup une salle entière, une fois encore avec un sens du spectacle ébouriffant.

Il rend cependant aussi hommage à ses illustres aînés pas forcément pour les bonnes raisons. Malgré un plein contrôle de la caméra, au lieu des plans fixes des précédents volets, celle-ci m’a parfois joué de vilains tours quand j’étais littéralement encerclé d’opposants. De même, la visibilité de l’action peut parfois en pâtir, et des attaques que je n'avais pas vu venir punir une petite erreur d’inattention. Ninja Gaiden 4 conserve en effet l'exigence propre à la licence. Rater une esquive ou une parade coûte vite très cher, même en difficulté normale, et nos adversaires sont aussi rapides et puissants que notre personnage. C’est d’autant plus vrai dans des combats de boss aussi spectaculaires qu’intimidants, qui risquent de vous casser les dents plusieurs fois avant d’en arriver à bout. Heureusement, il existe un mode facile avec diverses options d’accessibilité pour les non-initiés ; ou encore des consommables pour augmenter sa barre de vie, se soigner, renforcer l’attaque et la défense, ou éviter la mort si besoin. De plus, les choses s’améliorent grandement pour Yakumo au fur et à mesure que l’on progresse dans le jeu, même si forcément un bestiaire d’ennemis agréablement varié évolue aussi pour devenir de plus en plus redoutable.

Ninja des temps modernes
Au fil de l’histoire principale de Ninja Gaiden 4, Yakumo va en effet développer son arsenal : en plus des doubles lames de départ, on récupérera une rapière, un bâton et des outils de ninja. Lorsqu’il se transforme, elles prendront par ailleurs respectivement la forme d’une lance, d’un marteau et d’un exosquelette. Avec ces quatre armes, on a ainsi une belle panoplie d’options en fonction des ennemis à affronter. Le bâton sera par exemple excellent contre des groupes d’adversaires faibles, la rapière idéale contre des cibles isolées, et les outils de ninja bien pratiques face à des attaquants à distance.
En plus de cela, via un compagnon servant la même fonction que la forge de Muramasa dans les précédents épisodes, Yakumo pourra apprendre de nouvelles techniques générales en dépensant des « NinjaCoin ». Débloquer de nouveaux coups pour ses armes coûtera de son côté des « points d'armes ». On obtient ces deux monnaies naturellement en progressant dans le jeu. Là encore, Ninja Gaiden 4 se montre très intuitif, car on retrouve exactement le même schéma de touches pour toutes les armes, mais avec forcément des effets différents. Il est donc très facile de passer des doubles lames au bâton, à la rapière ou aux outils de ninja via les boutons directionnels, sans avoir à s’emmêler les pinceaux avec d’interminables listes de combos à apprendre par cœur. On peut enfin équiper son personnage d’accessoires pour gagner des attributs passifs comme une meilleure défense, de plus gros dégâts, et autres, pour apporter une touche « Light RPG » à l’expérience.

Outre un compagnon servant à débloquer de nouvelles techniques, on trouvera aussi au fil des niveaux des terminaux pour acheter avec les fameuses NinjaCoin des consommables, mais aussi obtenir des missions à accomplir, offrant de l’argent et divers objets ou accessoires en les terminant. Chaque chapitre de Ninja Gaiden 4 présente une structure « couloir » très classique, mais avec quelques chemins détournés cachant lesdits objectifs de mission ou du contenu annexe comme le Purgatoire. Celui-ci prend la forme d’une arène permettant de récupérer un certain nombre de ressources nécessaires à l’achat des consommables et techniques, en fonction du pourcentage de vie qu’on sacrifie. Plus on prend de risque, plus c’est rentable, mais attention à ne pas être trop gourmand, au risque d’en payer chèrement le prix, tant ces arènes sont ardues.

Pour varier un peu les plaisirs et nous faire souffler entre les phases de combats intenses, Ninja Gaiden 4 fait à s’y méprendre un clin d’œil aux jeux Sonic en 3D ou à Ghostrunner avec des phases de déplacement en grappin, sur rail, dans les airs ou en surf. Même si cette partie du gameplay est un brin anecdotique et ne brille pas autant que la composante castagne du titre, on y retrouve un sens certain d’une mise en scène stylée et d’une action frénétique, en plus d’un petit moment de pause bienvenu.

J’en profite aussi pour parler de l’aspect artistique et technique de Ninja Gaiden 4. Dans sa quête pour terrasser le Dragon Noir, Yakumo va voyager dans une version cyberpunk de Tokyo, un temple traditionnel japonais, ou encore une représentation aquatique psychédélique du monde des esprits. L’ensemble se montre cependant un brin « générique » et ne m’a pas franchement décroché la mâchoire. Ceci étant dit, le jeu est d’une fluidité impeccable, afin de pleinement profiter de son action endiablée, sans pratiquement aucun bug tout au long du test. Mention spéciale tout de même à une bande-son très typée électro/rock ultra nerveuse qui dépote dans les combats, surtout contre les boss ; et d’une vibe lo-fi entraînante dans les menus.

Un back-tracking un peu Ryu Hayabusé ?
Avant le dénouement de la quête de Yakumo, dans des circonstances que je ne vais pas divulgâcher outre mesure, Ninja Gaiden 4 permet enfin de quitter un temps son nouveau protagoniste principal pour retrouver le héros iconique de la franchise : Ryu Hyabusa, le ninja légendaire en personne. Difficile de ne pas voir dans ce twist scénaristique un parallèle avec Devil May Cry 4 entre Nero et Dante. D’autant que, malheureusement pour Ryu, son arc lui fait assez maladroitement honneur, car implique une grosse part de recyclage de niveaux déjà parcourus dans la peau de Yakumo, et même d’affronter à nouveau les mêmes boss. Ce personnage si emblématique aurait probablement mérité mieux.

Contrairement à Dante dans DMC 4, incarner Ryu dans Ninja Gaiden 4 n’est par ailleurs pas très dépaysant par rapport au gameplay de Yakumo. On retrouve en effet exactement les mêmes schémas de contrôle intuitifs, ainsi qu’une forme alternative. Il troque cependant les quatre armes de son homologue du clan des Corbeaux pour ses iconiques Ninpo. On ne peut en revanche les lancer que quand il se « transforme », ce qui consomme une certaine quantité de ki à jauger pour d’autres attaques spéciales.

Malgré un gameplay quasiment identique au protagoniste principal de Ninja Gaiden 4, jouer Ryu reste jouissif à souhait. On le surnomme le « super ninja », et ce n’est clairement pas pour rien. Il dégage en effet un sentiment de puissance absolument grisant quand on massacre avec lui des hordes de démons, et les boss que j’avais tant galéré à terrasser avec Yakumo semblaient être une simple formalité aux commandes de ce héros légendaire.

Pour justifier tant que bien mal cette partie « recyclage », Ninja Gaiden 4 nous encourage à fouiller les niveaux pour débloquer des techniques exclusives à Ryu ou augmenter sa barre de vie. À l’instar de Yakumo, on peut enfin acheter des techniques pour son seul et unique katana via des « points d’arme». Il est hélas plutôt dommage de ne le retrouver qu’un instant assez court dans le cadre de l’histoire principale, et surtout avec un gros sentiment de réchauffé.
Ninja Gaiden 4 : Endgame
Pour arriver au bout de l’histoire principale de Ninja Gaiden 4, comptez une quinzaine d’heures dans le mode de difficulté normale, en essayant de faire un maximum de contenus annexes. C’est à la fois léger et suffisant pour ne pas rendre l’expérience trop « gavante ». Fort heureusement, le jeu a encore d’agréables surprises dans sa manche après les crédits. Tout d’abord, on débloque la dernière difficulté, baptisée Maître Ninja, à réserver aux plus acharnés, ainsi que le paramètre « Désir de mort ». En l’activant, il ne sera plus possible d’utiliser les consommables, et la barre de vie sera bloquée à celle qu’on a en commençant le jeu. À réserver, en combinaison avec le mode Maître Ninja, aux plus masochistes, ou qui recherchent la quintessence de ce que le jeu peut proposer de plus exigeant.
Il sera par ailleurs possible de lancer un New Game+, et donc refaire toute l’histoire dans la difficulté de son choix, mais avec l’ensemble des améliorations acquises. Il s’agit également d’un bon moyen d’accomplir certaines missions ratées la première fois. De plus, refaire la campagne s’accompagne de plusieurs nouveautés, dont de nouvelles quêtes annexes, mais aussi des accessoires inédits. Le New Game+ permet également d’essayer d’améliorer son scoring sur les différents chapitres du jeu, pour les amateurs de ce genre de fonctionnalité.

Enfin, un tout nouvel onglet va s’ouvrir dans le menu principal de Ninja Gaiden 4 : les Défis. Cela englobe la sélection des 19 chapitres de l’histoire ; la possibilité de refaire les Purgatoires débloqués, et enfin les Épreuves. Celles-ci proposent deux activités : refaire les combats de boss, ou faire des combats en arène avec des conditions spéciales comme un temps limité ou une vie qui descend au fur et à mesure. À noter que c’est seulement dans cette rubrique qu’on peut activer le mode Désir de Mort, et surtout qu’on peut incarner au choix Yakumo ou Ryu Hayabusa. Leurs deux inventaires, séparés dans la campagne, se retrouvent alors fusionnés. Il s’agit donc d’une alternative intéressante pour refaire l’intégralité de l’histoire exclusivement dans la peau du « super ninja ».

Même si l’histoire principale de Ninja Gaiden 4 se boucle relativement vite, il y a donc largement de quoi faire pour avoir sa dose d’action frénétique et d’hémoglobine grâce à ces nombreuses activités débloquées après coup. On a ainsi une durée de vie plutôt généreuse et le pinacle de la difficulté que peut proposer le jeu pour les plus téméraires.