Beaucoup considèrent Hideo Kojima comme un génie, un avant-gardiste et un artiste. Il est vrai qu’il est un peu de tout ça et la licence Death Stranding en est une belle synthèse d’ailleurs. Mais avant de se lancer dans la science-fiction post-apocalyptique, son nom était greffé à celui de l’espionnage, du thriller et du jeu d’infiltration avec Metal Gear Solid. Ce que les fans avaient peut-être oublié, c’est que la licence ne lui appartient pas et, après un divorce très compliqué avec Konami, c’est bien l'éditeur qui a obtenu la garde du bébé en se mettant le monde entier à dos au passage. C’est peut-être pour ça que Konami a attendu un peu que l’eau coule sous les ponts avant de s'attaquer au fruit défendu. Mais maintenant on y est, Metal Gear Solid Delta arrive et compte bien montrer de quoi il est capable.

On ne prend pas les mêmes, mais on recommence

Que ce soit dit d’entrée de jeu, Metal Gear Solid Delta ne réinvente pas la roue et il ne touche à presque rien du matériau d’origine. Il en garde toute l’essence, le contenu et même l’âme, quitte à garder quelques lourdeurs qui baignent dans leur jus. D’ailleurs, histoire de ne pas avoir de hashtag sur le dos, Konami ne prend aucun risque et commence par un disclaimer pour préciser que le jeu contient des expressions et des thèmes qui ne seraient peut-être plus utilisés aujourd’hui et que tout a été préservé pour garder intacte la vision originale de l’auteur. C’est à prendre ou à laisser. Metal Gear Solid 3 Snake Eater est assurément excellent, mais il est peut-être vrai que certaines choses seraient vues de travers de nos jours. Chacun pourra y aller de sa critique, toujours est-il que le jeu, sa narration, ses thèmes, ses forces et ses faiblesses restent inchangés et ce n’est pas plus mal dans un sens.

Metal Gear Solid Delta hérite donc du scénario prenant et bourré de rebondissements de l’opus originel sans en changer une ligne. Il est toujours question d’une mission de sauvetage qui dérape, sur fond de complot politique et militaire non loin de la Guerre Froide. Les dialogues sont identiques, la mise en scène n’a pas bougé non plus, et tant pis si elle fait parfois vieillotte ou poussive. Côté gameplay c'est pareil. Dans les grandes lignes on retrouve absolument tout ce qui faisait le charme du jeu à l'époque : son aspect survie, la gestion de la faim et des blessures, tous les petits détails concernant les interactions avec le monde, etc. Metal Gear Solid Delta est un remake à l’échelle 1:1 sans une once de prise de risque et ce jusque dans les moindres détails. Je dis bien TOUS les détails. Ça parlera sûrement aux fans.

Metal Gear Solid Delta test
Snake a eu le droit à un ravalement de façade. Toujours aussi charismatique, même s'il prend un coup de vieux ©KiKitoes pour Gameblog

Un remake pour les fans, mais pas que

Les changements, on les trouvera plutôt du côté du gameplay et des graphismes, mais aussi du contenu avec beaucoup de choses conçues pour satisfaire les fans de la première heure. Outre la campagne principale, le jeu embarque plusieurs modes de difficulté et une tonne de bonus à déverrouiller une fois la campagne bouclée. Difficile de bouder son plaisir, d’autant que si l'on est complétiste, Metal Gear Solid 3 Remake a comme un goût de reviens-y avec ses figurines à trouver dans l’environnement et ses secrets à déverrouiller en ayant là aussi terminé le jeu au moins une fois pour découvrir ce qu’il vous réserve. À cela s’ajoute un amusant mode de chasse aux singes d’Ape Escape avec Snake vs Monkey, toujours à prendre au second degré comme à l’époque.

Et oui, quelques surprises viendront chatouiller les fans les plus hardcore du jeu et même plus globalement de la licence. Là-dessus, Metal Gear Solid Delta fait un sans-faute. On voit clairement que Konami cherche à faire plaisir à une certaine frange de joueurs qui, pour beaucoup, guettent le jeu en embuscade. Et ce, quitte à mettre l’équipe en charge du remake au dernier plan pour honorer à plusieurs reprises les développeurs de l’originel. Chacun décidera si c’est une bonne chose ou non d’en faire autant. Personnellement, je trouve que c’est un poil trop et ça n’est peut-être pas aussi gratifiant que ça aurait pu l’être pour celles et ceux qui ont bossé sur ce nouveau jeu. C’est surtout le reste que j’ai réellement trouvé intéressant et qui a du sens pour honorer le jeu d’origine.

Metal Gear Solid Delta test Kikitoes pour Gameblog
Un face à face qui marquera l'histoire ©KiKiToes pour Gameblog

Un jeu à la carte qui plaira à tout le monde, vétérans comme nouveaux joueurs

Les développeurs ont eu l’excellente idée de proposer une expérience à la carte pour satisfaire absolument tout le monde (encore une fois). L’idée ici c’est qu’au lancement d’une partie, on peut choisir si l’on veut de la lancer avec un contrôle de la caméra comme à l’époque (plan parfois fixe, caméra surélevée) ou quelque chose de plus moderne avec une vue à l’épaule et une visée dans l’air du temps. On peut ensuite choisir son gameplay avec là encore un mappage de touches à l’ancienne (et c’est franchement rude) ou des touches modernes et clairement plus adaptées. Autant pour le premier choix, vous pouvez vous éclater et vous faire plaisir avec une expérience visuellement old school, autant pour les contrôles je vous recommande chaudement de laisser la place à la modernité. Metal Gear Solid 3 est peut-être un chef-d'œuvre, mais son ergonomie n’a jamais fait partie de ses points forts. Je prendrais même le risque de dire que c’est le cas pour presque toute la série de toute façon.

Toutefois, les contrôles modernes poseront leur lot de problèmes de temps en temps, surtout lorsqu’ils vont essayer de se mélanger aux fonctionnalités de l’époque, comme le fait de passer à la première personne lors de certaines phases, notamment sous l’eau. Ok c’est génial pour l’immersion et c’est respectueux du jeu de l’époque, sauf que certains passages sont en définitive toujours aussi brouillons, si ce n’est même plus. On pense par exemple au combat contre The Pain, le boss avec les frelons. Plonger et nager sous l’eau est une vraie purge, tout comme la sélection de l’équipement à l’ancienne qui fait perdre en réactivité. On pourra aussi pester sur quelques points comme la caméra parfois trop rapprochée lorsque l’on rampe, ou lorsqu’elle boude et ne veut tout simplement pas nous permettre de regarder dans un coin de mur. 

Certaines imprécisions sont aussi notables quand on veut se plaquer contre un arbre ou un mur un peu petit, puisque Snake semble plus glisser qu’autre chose et trouve même le moyen de ne simplement pas se coller aux parois. C’est dommage, parce qu'à part ces rares inconvénients, Metal Gear Solid Delta est très plaisant à vivre. Certains vieux de la vieille pesteront peut-être sur le fait qu’offrir une vue à la troisième personne aussi fluide et permissive, avec de nouveaux mouvements comme le fait de pouvoir ramper dans différentes positions, rend le jeu plus facile surtout lors des affrontements. À cela je répondrai qu’il suffira d’augmenter la difficulté d’un cran pour se rendre compte que Snake n’est pas Rambo, loin de là. Les gunfights ne sont pas spécialement recommandés et, au-delà du mode Normal, peuvent même être vraiment problématiques. De toute façon, les sensations globales de tir ne sont pas incroyables, et de toute manière, il n’y a vraiment que l’infiltration qui compte. Et là-dessus, le fait de pouvoir se mouvoir avec plus d’aisance, ou de viser de différentes façons, offre plus de possibilités. C’est donc une très bonne chose.

Metal Gear Solid Delta test Kikitoes pour Gameblog
Les cinématique n'ont pas bougé non plus ©KiKitoes pour Gameblog

Metal Gear Solid Delta est bien un jeu de 2025, ne vous inquiétez pas

Konami a visé juste en proposant tout ce qu’il faut pour satisfaire le plus grand nombre. Puisque oui, si Metal Gear Delta dégouline de fan service, il n’en reste pas moins un remake flambant neuf avec tout ce qu’il faut pour tenir tête aux productions actuelles, mais surtout séduire les néophytes. Si la licence est connue de nom, tout le monde n'a pas forcément eu la chance, ou le courage, de se plonger dans les anciens épisodes. Le dernier jeu en date, Metal Gear Solid 5, remonte à loin mine de rien et il ne représente qu’une infime partie de l’iceberg. Quant aux compilations, elles sont vraiment réservées aux fans ou aux joueurs prêts à faire de grosses concessions sur le gameplay old school. Metal Gear Solid Delta est alors actuellement la meilleure porte d’entrée dans la licence.

Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est bien évidemment son aspect graphique, entièrement retapé sous Unreal Engine 5 pour le meilleur, mais pas seulement. Si le design de tous les personnages du jeu a bien évidemment été repris, il gagne ici en maturité et en réalisme. Du moins, autant que le permet la licence. Snake est plus beau que jamais et captivera l’audience avec toujours autant de charisme. Certains trouveront certainement à redire concernant les nouveaux détails apportés, mais nul besoin de jouer les puristes. Un coup d'œil en arrière suffira à voir à quel point l’évolution est colossale tant tout était lisse à l’époque. Il y avait presque tout à refaire, et le travail est ici réussi. Tous les membres du commando Cobra, qui représentent le gros des ennemis principaux, sont eux aussi toujours au top de leur forme, même le vieux The End. Clairement, la modélisation et l’animation des personnages sont excellentes.

Metal Gear Solid Delta test Kikitoes pour Gameblog
Certaines séquences changent un peu d'ambiance, mais ce n'est pas si mal ©KiKitoes pour Gameblog

Nouvelle ambiance et parfum de nostalgie

Les retouches graphiques ne s'arrêtent bien évidemment pas là puisque s’il y a bien une chose qui a fait beaucoup parler lors de la première présentation du jeu, c’est bien les tons plus froids et réalistes des couleurs. Mais devinez quoi, là encore il est possible d’afficher un filtre pour jouer avec la même température des couleurs que l’époque, et ça fonctionne du tonnerre. Mais avec ou sans le filtre, l’ambiance est toujours aussi prenante, pour ne pas dire incroyable. De la jungle aux montagnes en passant par les bases secrètes et les souterrains, c’est un vrai plaisir que de retrouver l’univers de Metal Gear Solid 3. En revanche, Unreal Engine 5 ou pas, tout n’est pas rose pour autant. La modélisation de certains éléments du décor est clairement trop brute de décoffrage et manque cruellement de finesse. Certaines textures, de sol ou de roche notamment, font également peine à voir. Pourtant, les détails ne manquent pas et les décors sont très proches de l’original. 

Même son de cloche pour le level design qui aurait certainement gagné à être fluidifié, puisque se farcir des écrans noirs de transition entre deux secteurs, c’est pas ce qu’il y a de mieux en 2025. On aurait tout à fait pu imaginer de nouvelles petites zones pour rattacher les secteurs principaux comme a pu le faire Dead Space Remake par exemple. Ça n'aurait rien enlevé au rythme ni au jeu en lui-même, si ce n’est le rendre plus complet et agréable à parcourir. D’autant que tout est à l’identique, encore une fois.

Certaines choses ont un peu mal vieilli, notamment l’IA

Ça soufflera donc le chaud et le froid puisque ce qui pouvait être une révolution ou de bonnes idées à l’époque semble avoir très mal vieilli. On pense notamment à certaines interactions avec l’environnement, bien trop lentes désormais, ou au fait de pouvoir faire parler les ennemis pour avoir des informations… digne d’un tutoriel bien souvent. Mais une fonctionnalité importante et primordiale a elle aussi pris du plomb dans l’aile, certainement pas aidée par la refonte graphique bien trop réussie et donc trop nette et détaillée : les camouflages. Jongler entre les différentes tenues furtives, désormais possible en temps réel, est toujours une excellente idée.

Devoir gérer son pourcentage de camouflage pour disparaître aux yeux de l'ennemi fait toujours son petit effet. Le problème étant que l’IA n’est plus de cette époque, loin de là, et que camouflages ou pas… on n’est pas si furtif que ça à l'œil. Un Snake allongé au sol ou accroupi à quelques mètres d’un soldat peut passer totalement inaperçu tant que son camouflage est efficace, et ce même si on le voit pourtant très très bien. En l’état, le système est amusant, mais on a du mal à imaginer comment il pourra être efficace dans le prochain mode multijoueur inédit. On peut peut-être se moquer d’une IA bête à manger du foin, mais personne ne trompera un joueur humain avec ça, clairement.

©KiKiToes pour Gameblog

Là-dessus, un effort aurait pu être fait, en mettant par exemple des textures sur les tenues, pour rendre la chose vraiment crédible et cohérente avec l’idée de moderniser le jeu entier pour le faire coller aux standards sans le dénaturer. Au lieu de ça, on s’amusera de certaines situations absurdes où l’on ne sera pas repéré, même en étant visible, juste parce que ce sont les statistiques qui parlent. Par contre, si l’IA a les yeux qui déconnent, ses oreilles fonctionnent parfaitement. Il est quasiment impossible d’arriver dans le dos d’un adversaire sans se faire entendre, et remuer les fesses dans l’herbe peut alerter une base complète si on a le malheur de ramper trop près d’un ennemi. Pourtant, des bestioles qui rampent dans les fougères, ce n’est pas ce qui manque dans la jungle. Alors qu’un mec en orange tapissé contre un arbre, c’est plus rare. Mais bon, si on nous dit qu’on est à 90 % invisible, alors tout va bien.

Enfin, c’est certainement les lenteurs et l'imprécision de certaines interactions qui vont rendre les joueurs complètement fous. Porter un corps ou prendre un ennemi en otage ressemble à s’y méprendre à une manœuvre de poids lourd. Ça prend une plombe et on ne peut même pas couper court à l’animation si l’on veut réagir dans l’urgence. Utiliser un élément de l’environnement, comme pousser un baril, grimper un arbre, faire le funambule ou ramper contre un mur, tout ça est bien trop mou. On ne parlera pas non plus de combats au corps à corps, le fameux CQC, qui est clairement pas ergonomique et imprécis, malgré sa modernisation discrète. Là dessus, on fait un bond en arrière, et on sera quelque part nostalgique, mais pas pour les bonnes raisons.

Metal Gear Solid Delta test Kikitoes pour Gameblog
©KiKitoes pour Gameblog