Certaines créations originales ont cette capacité particulière à marquer les esprits, laissant derrière elles un souvenir unique, et ce malgré le poids des années. Dying Light en fait partie. Et pour preuve, un peu plus d’une décénnie après sa sortie (une étérnité dans le monde du jeu vidéo !), le titre du studio Polonais Techland reste fréquenté et apprécié par une large communauté de fidèles d’un genre. Il faut dire qu’en 2015, Dying Light débarquait avec une proposition unique mêlant zombies, horreur et parkour dans un monde ouvert urbain, cohérent et magnifiquement adapté à l’exercice. Un concept qui sera poussé à son apogée avec le DLC The Following, qui introduira de nouveaux éléments dont la conduite de véhicules dans de vastes étendues plus champêtres.
Succéder à une telle réussite critique était évidemment une tâche particulièrement ardue, ce qui se confirmera en 2022 avec Dying Light 2 Stay Human. Jugé par beaucoup comme trop éloigné de sa direction artistique initiale et donc de son ADN de base, affublé de combats moins impactants et surtout gavé de problèmes techniques à son lancement, cette nouvelle incursion zombiesque aux commandes d’un protagoniste inattendu n’avait pas su répondre pleinement aux attentes des joueurs. Bon jeu au demeurant, surtout une fois ses multiples déboires corrigés, Techland se devait toutefois de réagir. La réponse du studio s’est présentée sous l’annonce d’un contenu additionnel, qui apporterait avec lui la promesse d’un retour aux origines de la saga, de son héros emblématique, d’un scénario et d’un design moins éparpillés. Mais rapidement, ce projet d’extension s’est retrouvé positivement dépassé par son ambition, poussant alors les développeurs à en faire un jeu à part entière, sans contraintes de contenu et surtout de temps. Dying Light The Beast est né.
Le retour tant attendu de Kyle Crane
On oublie Aiden et les Pèlerins, The Beast prend place avant les événements narrés dans le second opus. Alors que nous avions laissé Kyle Crane en bien mauvaise posture, nous apprenons qu’il a été capturé et torturé pendant 13 ans par celui que l’on surnomme “Le Baron”. Dernier descendant d’une lignée pharmaceutique, celui-ci est bien décidé à mener de sombres expériences tel un apprenti sorcier, convaincu de cette nécessité pour la survie de l’espèce. Inoculation de virus et modification de l’ADN justifient selon lui autant de sacrifices humains que nécessaire sur de pauvres captifs réduits à l’état de cobayes impuissants. Un scénario qui n’est pas sans rappeler une certaine Umbrella Corporation… Vous vous en doutez, quitter votre statut de rat de laboratoire marquera le début de votre aventure.

Ces longues années de captivité ont profondément marqué et littéralement transformé le héros de Harran. Celui qui aura pendant longtemps jonglé entre la vie et la mort, entre l’humanité et la monstruosité, est devenu une créature à part entière qu’il ignore encore, œuvre du Baron. Visage fermé, aux traits sombres et burinés par la souffrance et la mutation partielle que l’on distingue par le biais d’un œil droit inhumain, Kyle n’est plus celui que vous aviez incarné jadis. Et si vous en doutiez encore, alors sa voix vous le confirmera… Blague à part, le comédien de doublage de la version française de Dying Light The Beast a effectivement changé, ce qui avait suscité de nombreuses réactions houleuses lors de l’annonce. Pour être totalement transparent avec vous, j’avais pour ma part toujours eu beaucoup de mal à accrocher à la VF de 2015 et cette voix crispante qui ne collait pas au personnage. Question de point de vue très personnel. Pour le coup, un timbre de voix beaucoup plus dur, pour ne pas dire bestial, ne m’a pas du tout perturbé, bien que je comprenne que cela puisse être difficile à accepter. Finalement, cette doublure colle parfaitement à l’identité brute d’un nouveau Kyle Crane.
Don't stay human
Très rapidement, notre mi-protagoniste/antagoniste découvre qu’il n’est évidemment pas le seul mutant. D’autres créatures créées par la folie du même homme ont également été lâchées dans la nature dans le cadre d’expérimentations. Plus puissantes et redoutables que n'importe quelles autres monstruosités pourtant déjà nombreuses, les Chimères seront en quelque sorte des boss jalonnant votre aventure et votre progression. Toutes sont différentes, tant dans leur apparence que leurs capacités, mais je vous préserve le plaisir de la découverte. Chacun de ces affrontements en arène sont donc uniques et pour la plupart réussis et ô combien stressants ! Loin d'être anodins, ils permettent une fois vaincus d’assimiler leur ADN et d’améliorer nos capacités de bête par l'intermédiaire d'un arbre de compétences dédié. Principal ajout de ce Dying Light, ce “talent bestial” se limitera dans un premier temps à une simple phase de rage qui se libérera d'elle-même après avoir rempli une jauge tout ce qu'il y a de plus classique. L'enjeu sera donc d'apprendre à la contrôler pour y ajouter de nouvelles attaques, des mouvements améliorés et même récupérer de la vitalité.

De prime abord, j'avais peur que cette fonctionnalité dénature l'expérience Dying Light, en plus de la rendre trop accessible et bourrine. Mais il n'en est rien heureusement. Remplir la jauge prend du temps, ce qui limite la fréquence d'utilisation des compétences de bête qui, de plus, s'estompent rapidement. Cela apporte même une certaine profondeur au personnage de Crane et sa condition d'être vivant. Continuer à lutter pour rester humain, ou risquer de tout perdre en libérant toujours plus le monstre tapis dans l'ombre pour détruire le Baron et son organisation ? Le choix sera vite fait. Ne vous attendez pas pour autant à une écriture hors norme, la trame scénaristique du jeu reste très basique mais fidèle à ses origines et à son genre. Là aussi, cette volonté de se rapprocher de l’esprit du premier Dying Light se fait ressentir. On met de côté les différentes factions du second opus, qui imposaient des choix modifiant les alliances et impactant les affrontements en sus des aménagements dans la ville. L’histoire de Dying Light : The Beast va droit à l’essentiel en se concentrant sur la condition de Kyle et son acceptation du prix de la vengeance. Et cette narration passe également par la conception d’une aire de jeu dans la droite lignée d’Harran.
Bienvenue à Castor Woods pour des vacances inoubliables !
Loin de Harran et de Villedor, Dying Light The Beast vous fera explorer les terres de Castor Woods, une ancienne vallée touristique bordée de son parc national. Bien moins accueillante qu’autrefois, la cité n’en est pourtant pas moins fréquentée par des milliers de touristes décharnés, errants au milieu des rues et des espaces naturels. Le jeu se la joue malin en offrant un mix parfait entre ce qui était apprécié dans le premier opus, tout en utilisant la base technique du second mais aussi les limitations d’un moteur conçu pour les générations précédentes. The Beast est beau et fourmillant de détails, avec une mention toute particulière pour ses effets de pluie battante réussis. Mais on ne peut s’empêcher de ressentir ce côté “moteur ancien” poussé à son maximum grâce à la puissance et aux technologies des machines actuelles. Pour le coup, le titre se montre particulièrement bien optimisé, aucun crash n’étant venu entacher nos dizaines d’heures de jeu sur une version pourtant non définitive (comptez sur 20h pour la trame principale). Seule l’activation des options de ray tracing sur notre version PC auront provoqué quelques bugs d’affichage que l’on espère en toute logique corrigés pour la sortie. La map est vaste sans être inutilement trop grande, préférant mettre à profit sa densité de conception au lieu de la course aux kilomètres carrés. Exit les buildings surdimensionnés, la verticalité est ici revue à la baisse, influant directement sur le gameplay. Là où Stay Human proposait des déplacements entre grattes-ciel aux commandes d’un paravoile, The Beast se contente d’une expérience plus terre à terre, à l’aide de l'incontournable parkour, et surtout de l’iconique grappin (que vous obtiendrez d’ailleurs qu'après plusieurs heures de jeu).

Comme à l’accoutumée dans la série, vos capacités de déplacements s’amélioreront avec votre montée en niveau et l’obtention de nouvelles capacités fluidifiant le tout. Le jeu bénéficie de toute l'expérience acquise depuis 2015 en matière de gameplay. Que ce soit sur les déplacements libres ou les actions de combat, les enchaînements se succèdent avec aisance et fluidité, procurant une sensation grisante de liberté, poussée à son paroxysme dès lors que l’ensemble des capacités auront été déverrouillées. Sprint sur un toit suivi d’un saut vertigineux au-dessus du vide, réception amortie par une roulade avant de glisser sous un obstacle… Ce n’est là qu’une ébauche des possibilités d’une descendance que n’aurait pas renié la saga des Mirror’s Edge à sa grande époque. Les phases de baston conservent quant à elles les animations de Dying Light 2, à base de contres, esquives directionnelles et actions spéciales (sauter par dessus un ennemi, lui asséner un coup de pied plongeant ou l’achever au sol…). Les compétences sont nombreuses et progressives, contribuant là encore à cette montée en puissance du gameplay. Jeu censé être à la base une extension, c’est sans réelle surprise que l’on retrouve peu ou prou la même et excellente expérience de prise en main, la réelle nouveauté étant axée sur la particularité bestiale du personnage. Une condition physique particulière qui octroie toutefois quelques ajustements tels qu’une distance de saut et une tolérance de chute plus importantes que par le passé, et, la plus importante de toutes, l’absence de jauge d’endurance limitant artificiellement la grimpe (et uniquement la grimpe, l'endurance au combat étant toujours présente).

Particulièrement frustrante dans le second opus, mais compréhensible de par la hauteur des constructions, cette gestion d’endurance simplifiée rend nos escapades bien plus plaisantes. Et ça tombe bien, car vous aurez toujours quelque chose à découvrir à Castor Woods. Un slogan qui aurait pu convenir autrefois, et toujours d’actualité après la prise de pouvoir des morts vivants. Aller d’un point A à un point B finit toujours par nous faire visiter d’autres lettres de l’alphabet tant la carte regorge de points d’intérêts. Très souvent totalement facultatifs, ils attireront facilement les plus curieux et quête de loot et d’exploration. Outre les habituels abris à sécuriser, convois militaires échoués à fouiller et embuscades aléatoires avec les hommes du Baron, se faufiler dans les bâtisses sera souvent possible et même fortement recommandé. Récolter des matériaux utiles au craft de soins, armes et autres améliorations sera toujours utile pour faciliter votre avancée. Mais vous vous en doutez, qui dit batiments dit aussi nids à embrouilles. Gérer les zones d’ombres et de lumière, suivre le cycle du jour et de la nuit fait partie de toute expérience Dying Light… Gambader en plein soleil entre des zombies amorphes sera bien souvent un jeu d’enfant. Mais s’infiltrer dans la pénombre d’un lieu isolé et infesté de créatures en attente de la lune façon “Je suis une Légende” sera une toute autre paire de manches. Le meilleur loot a un prix, à vous d’en accepter ou non le risque. Et je vous laisse imaginer le stress incroyable de la nuit tombante qui libère avec elles les pires atrocités mais qui vide leurs cachettes. Si vous avez déjà joué à un Dying Light, alors vous savez de quoi je veux parler… Fuir pour votre survie, vous cacher ou vous battre seront vos seules options.

Une ambiance musicale de haute volée
Techland a une nouvelle fois fourni un travail remarquable sur l’ambiance sonore de son titre, un impératif pour une immersion totale. Râles, cris lugubres et autres bruits incessants des créatures rôdant autour de vous n'auront de cesse de vous maintenir dans un état de stress constant. Plus que jamais, le jeu revêt un habit de survival horror dans ses phases nocturnes. Pour vous dire la vérité, il m’est même arrivé de rester cloîtré plusieurs minutes dans un abri en attendant le lever du soleil tant mes possibilités d’évasion, ou tout simplement de survie, étaient nulles. Et que dire de la magnifique partition musicale orchestrée une fois encore par le talentueux Olivier Derivière. Inspirée de manière évidente par le travail de John Murphy sur les films 28 jours et 28 semaines plus tard, la BO instaure un climat de tension et d’immersion maximale dans les moments les plus angoissants. Et paradoxalement, entendre le thème principal et sa construction sur quatre notes entêtantes provoque un certain plaisir au milieu de toute cette horreur. D’autres passages, plus contemplatifs, ou même à bords de véhicules sont eux aussi sublimés par la musique.

Car oui, les voitures sont de retour dans Dying Light The Beast. Cependant je dois avouer être assez mitigé sur leur intégration. Nous sommes dans un contexte de fin du monde, dans lequel les épaves de véhicules jonchent les routes. Et pourtant, les seules voitures fonctionnelles du jeu se limitent à un seul et unique modèle de 4x4. C’est un détail certes, mais pourquoi ne pas avoir proposé d’autres alternatives ? Une voiture ne sera pas unique comme pouvait l’être votre buggy dans The Following. On monte dedans, on se déplace, on la répare ou y ajoute un complément d’essence et on la jette lorsque l’on n’en a plus l’utilité, ou lorsqu' elle est détruite et hors service. Car oui, se frayer un chemin au milieu des morts vivants transformera très vite votre monture rutilante en épave, mais quel plaisir d’éparpiller du zombie !
Un menu à déconseiller aux végétariens
Dying Light The Beast est gore, vous êtes prévenus ! Si vous pestiez sur le manque d’impact lors des combats à l’arme blanche sur le second opus, alors vous serez certainement surpris. Armes tranchantes, contondantes ou à feu (avec une limite de munitions plutôt stricte et tant mieux), le détail des coups sur les corps se montrent dans un premier temps dérangeants tant ils sont réalistes. Mâchoires démantelées, peau lacérée et pendante sous les coups de lames, os brisés et apparents… Nous sommes bel et bien dans le thème. Le jeu n’est pas non plus avare en hémoglobine, qui viendra tapisser les murs à coups d’hectolitres. Bien évidemment, tout cet aspect visuel apporte une toute autre dimension aux combats, bien plus viscéraux si je puis dire, et plus percutants. Côté arsenal, nous retrouvons là aussi du classique avec une dominance des armes de mêlée à une ou deux mains, réparties par niveaux d’efficacité. Toutes ont une durée de vie limitée, mais sont réparables à quelques reprises. Trouver des plans et les améliorer permettra de les upgrader en leur associant des dégâts élémentaires tels que le feu et l'électricité. Petit détail amusant, lancer un cocktail molotov sous la pluie aura un effet moindre, tandis que les dégâts d’une arme électrique seront amplifiés.

Que diriez-vous du meilleur pour la fin ? Dying Light The Beast est jouable en coopération jusqu’à quatre, de quoi donner une autre profondeur à vos parties et surtout démembrer du zombiak dans la bonne humeur et la rigolade. Et cerise sur le gâteau, le jeu est disponible gratuitement pour toutes celles et ceux ayant acheté la version Ultimate de Dying Light 2. Techland s’était engagé à l’époque à sortir un dlc intégré à cette édition sans surcoût. Le projet étant devenu stand alone, le studio a tenu néanmoins à respecter sa parole. C’est beau, c’est rare, merci Techland !