Véritable succès commercial, la Nintendo Switch 2 doit encore faire ses preuves deux mois après sa sortie, elle qui n’a eu qu’un véritable jeu de lancement en guise de vitrine. Aussi bon soit-il, Mario Kart World a particulièrement clivé. La première exclusivité solo de la machine doit être celle qui met tout le monde d’accord, celle qui donne le ton pour le reste de la génération. C’est à Donkey Kong Bananza que revient cette lourde tâche, mais aussi larges soient les épaules du singe la pression est double. Cela fait en effet plus de 25 ans que le bananovore n’avait plus eu le droit à une nouvelle aventure 3D et 10 ans depuis qu’il n’a pas été la vedette de son propre jeu. Les enjeux autour de l’exclusivité estivale sont alors énormes, mais c’est qu’il est costaud ce gorille. Avec Donkey Kong Bananza la Switch 2 sort enfin les muscles.

Laissez-moi manger ma banane

banaza test

Donkey Kong coulait des jours heureux dans sa petite mine de l’île Lingot où il pouvait se délecter de bananes à volonté. Alors quand ces malfrats de VoidCo viennent mettre à mal sa petite vie idyllique, le singe, prêt à taper du poing, se lance à leur poursuite pour atteindre le centre de cet endroit mystérieux dans l'espoir de se voir exaucer son vœu ultime : une montagne de bananes. Chacun ses priorités dans la vie. Un point de départ prétexte qui permet rapidement de mettre en scène la rencontre du primate avec sa jeune acolyte Pauline, qui est dans la même panade : elle cherche à rejoindre la surface. Voilà donc ce duo nouvellement formé prêt à tout casser sur leur passage. Les inconditionnels du lore de l’univers Mario devraient se régaler autant que ce cher gorille avec ses précieuses bananes, même si on en attendait un peu plus côté histoire avec un tel tandem. Il y a de bonnes surprises, des clins d'œil à tout-va destinés à ceux qui ont attendu une décennie pour retrouver leur gorille favori et l’humour à la Nintendo porté par des animations et expressions faciales comiques siéent parfaitement à ce duo improbable qui fonctionne drôlement bien. 

C’est visiblement aux vieux singes qu’on apprend à faire la grimace puisque le primate vit désormais avec son temps et s’impose rapidement comme le digne héritier de Super Mario Odyssey. On y retrouve à peu de choses près tout ce qui a permis au jeu de se hisser au sommet de la plateforme Nintendo, à la différence que ce bon vieux Donkey Kong peut tout péter. Non content de casser des mâchoires comme pas deux, le gorille peut tout détruire sur son passage, forer le sol jusqu’au moindre centimètre (ou presque) et creuser des galeries entières à la seule force de ses poings, arracher, casser et creuser des murs avec ses grosses paluches. Donkey Kong Bananza offre une prise sur l’environnement encore jamais vue, chaque niveau peut être modelé à l’envi et il ne faut que quelques secondes pour que ça fasse son effet. La prise en main est d’une souplesse et d’une réactivité déconcertantes. C'est grisant, les coups ont de la patate, ça répond au doigt et à l'œil, et 1UP a tout mis en œuvre pour nous donner envie de taper, arracher et fracasser tout sur notre passage jusqu’à ce qu’on soit rassasié. 

Démolisseur de l'extrême

Ces décors destructibles sont en effet l’excuse parfaite pour y cacher des bananes dorées (qui remplacent les lunes d’Odyssey), des mini-jeux, des niveaux secrets, des fossiles et autres joyeusetés qu’on se plaira à chercher encore et encore jusqu’à ce que la strate dans laquelle on se trouve soit dépourvue du moindre caillou. Rien qu’en ça, Donkey Kong Bananza est immédiatement addictif, d’autant que le studio récompense et stimule davantage le joueur. Tous ces collectibles ont une utilité : les bananes servent de points de compétences, les fossiles de monnaie d’échange pour acheter et améliorer de l’équipement… Jamais on a l’impression de taper dans le vent, surtout que 1UP a eu la bonne idée d’ajouter aléatoirement des coffres qui se matérialisent à mesure que l’on casse tout. Et comme ils contiennent des objets ou des cartes révélant la position de précieux collectibles, notre temps passé à détruire le terrain n’est jamais perdu. On passe alors des sessions entières à tout péter, à chercher la moindre banane ou le niveau secret qui nous offrira quelques bonds dans le temps et des clins d'œil à l’histoire de la saga savamment amenés. Donkey Kong Bananza s’éloigne certes des carcans historiques de la licence, mais il n’en reste pas moins un hommage rondement mené, même si je trouve que les musiques sont moins accrocheuses que ce à quoi on a été habitué. 

On n’en dit pas plus pour ne rien gâcher, mais le  système est redoutable d’efficacité avec une jauge qui se remplit facilement en cassant tout et un changement d’un pouvoir à la volée qui permettra aux speedrunners de faire de sacrées dingueries. Comme on est aussi gourmand que ce cher DK on en aurait aimé peut-être un peu plus, mais celles présentes permettent déjà de varier les plaisirs. La mécanique sera davantage mise à l’épreuve lors des combats de boss en-deçà de ce qu’on serait en droit d’attendre d’un Donkey Kong compte-tenu du passif de la licence, mais dont les mises en scène et l’ingéniosité générales compensent un manque de difficulté flagrant jusqu’au dernier tiers où le jeu nous poussera davantage à mettre en pratique tout ce que l’on a appris. Toute la partie combat est finalement assez anecdotique dans l’ensemble, mais il y a surtout de l’action lors de gros affrontements dont on viendra rapidement à bout. La difficulté se trouvera davantage dans les mini-jeux et défis annexes qui regorgent d’instances et d’excellentes idées, dont certaines feront baver les plus masos. Certains m’ont fait cracher tous les jurons qu’on peut espérer d’un jeu Donkey Kong, mais le défi se trouvera dans le contenu secondaire.

Bananza test

Il y a une force que l’on doit reconnaître à ce Donkey Kong Bananza , c’est qu’il sait s’adapter à tous les profils de joueurs et l’arbre des compétences y est pour beaucoup. Nintendo n’est pas coutumier d’une telle fonctionnalité, mais il l’a rendue diablement efficace puisqu’elle permet de faire progresser les compétences à son rythme et selon ce qui nous intéresse le plus dans le jeu. Si l’exploration et la chasse à la banane est une drogue pour vous, alors il y a des upgrades pour looter toujours plus de cartes, pour atteindre le fruit de toutes les convoitises plus facilement, casser toujours plus sur de plus grandes surfaces. Si vous voulez un coup de main pendant les combats, il y a des compétences pour être plus agressif et faire plus de dégâts, quand quelques bonus sont également là pour ceux qui ont plus de mal, comme la possibilité d'avoir plus de vie, d’emporter plus d'objets de soin sur soi etc. Donkey Kong Bananza se rend intelligemment accessible en laissant les joueurs avoir une expérience à la carte. Et c’est finalement ça la vraie force de l’exclusivité Nintendo Switch 2 : ce ne sont pas les muscles saillants du gorille, mais cette liberté qu’il offre constamment qui nous happe sans nous laisser de répit.

Buffet à volonté

C’est un jeu d’aventure à part entière qui se présente comme la genèse d’un savoir faire dont Nintendo a le secret. Si on pourrait déplorer des niveaux finalement pas si grands que ça, certains clairement moins inspirés que d’autres (et qu'on prend plus plaisir à déglinguer forcément), Donkey Kong Bananza compense avec le sentiment de liberté incommensurable et omniprésent qu’il procure. Si chaque zone à étages est donc à aborder comme un amas de puzzles géants, le jeu nous laisse une liberté d’action incroyable pour les résoudre. Le moteur physique, assez impressionnant au demeurant, y est pour beaucoup, lui qui s’appuie également sur les différentes matières et textures de l'environnement. DK glisse avec ses grosses paluches sur le métal, trébuche sur la glace, ralentit dans la boue, mais ce qui est un inconvénient dans certains cas peut devenir un outil de fortune. Un bloc de sable ou de boue pourra se coller aux matières plus solides pour créer des points d’appuis ou des ponts par exemple. Tous les moyens sont bons pour cueillir ces bananes qui nous narguent dès qu’elles sont dans notre radar et Donkey Kong Bananza laisse une place à l’expérimentation pas aussi balèze que son protagoniste, mais presque. Un sentiment porté par un level design ingénieux et jouant beaucoup sur la verticalité dont on sent toute la réflexion à mesure que l’on démolit ce qui a brillamment été construit et dont on entrevoit les innombrables possibilités quand on y retourne. 

Les boulimiques de la récompense et de la découverte seront servis pour peu qu’ils explorent, car Donkey Kong Bananza perd tout son intérêt en ligne droite, qui demande au grand maximum une quinzaine d’heures sans trop papillonner. Une durée de vie doublée voire quadruplée en prenant le temps de découvrir au maximum ce que le jeu à offrir. Et c’est quand on revient sur une zone qu’on pensait avoir bien passé au peigne fin qu’on se rend compte de toute la démesure du contenu, des défis où il nous manque une banane et sur lesquels on va se buter jusqu’à y parvenir. Le plaisir de la redécouverte est instantané et le temps passé sur le jeu gonfle autant que les pectoraux de ce bon vieux DK. Donkey Kong Bananza éveille constamment notre curiosité, c’est un concentré de dopamine qui ne nous laisse pas trente secondes avant de livrer un nouveau mini-jeu, un indice sur une banane ou autres collectibles. Il est toujours possible de chipoter, sur un manque de défi flagrant pendant la plupart de l’aventure, sur une caméra volatile dans les tunnels trop exigus, des strates inégales par moments, des pouvoirs qu’on aurait aimé plus nombreux, ou sur les quelques saccades éphémères, notamment en nomade, d’un jeu qui maintenant ses sacro-saints 60 fps 95% du temps. Ce serait minimiser tout le fun que procure Donkey Kong Bananza à un rythme mené tambour battant.