Ils m'ont proposé "un petit jeu de volley-ball à tester, ça te tente ?" J'ai longtemps pensé à pipeauter après avoir jeté un coup d'oeil au communiqué de presse et au CV des géniteurs de Spike Volleyball, avant de me rétracter et de me dire que ce sacrifice ne serait pas pire que celui consenti pour perdre mes nerfs sur Tennis World Tour, Handball 17 ou Rugby 18. Et puis, je gardais un souvenir ému de Beach Spikers, petite bombe de fraîcheur sortie sur Gamecube grâce à son gameplay jubilatoire et son enrobage léché. Une expérience beaucoup plus heureuse que celle projetée par les naïades de Dead or Alive, qui tenait plus à un jeu de vacances qu'à une simulation sportive digne de ce nom. Avec Spike Volleyball, Bigben Interactive abandonne la plage pour se recentrer sur ce qui constitue l'ADN du volley : un sport de salle et une discipline exigeante, beaucoup moins au ras du filet que sa consoeur, et qui demande des mécanismes bien précis.

Plaisir d'attaquer, joie de recevoir

L'éditeur français, qui souhaite monter en gamme, a souhaité rapprocher les fans de leur discipline favorite en demandant dans son cahier des charges une simulation réaliste qui pourrait retranscrire les sensations inhérentes à ce sport de salle. Ce spécialiste des causes perdues à petit budget a confié le projet au développeur parisien Black Sheep Studio avec la volonté de rendre ce titre accessible au commun des mortels. Ainsi, Spike Volleyball se veut facile d'accès avec une construction des attaques basiques, une disposition logique des touches et une balle qui reste le maximum possible dans l'aire de jeu. Pas question ici de restituer tous les gestes fous de la palette d'Earvin Ngapeth, le Zizou du volley, mais plutôt de conserver un rythme soutenu sans trop l'être, pour rester fun tout en réfléchissant à nos actions.

De fait, la mise en jeu (trois types de service) s'effectue à l'aide d'une jauge de puissance/précision qu'il faudra plus ou moins remplir pour gêner la réception du relanceur. On retrouve ce sens du timing lors des phases d'attaque, pendant lesquelles chaque coéquipier en bonne position pourra être sollicité à travers un bouton spécifique. Il faudra alors armer et trouer le bloc adverse, qui saute d'un seul homme lorsque l'on presse les touches supérieures de la manette. Si les grandes lignes reposent sur des automatismes logiques et défrichés dans d'autres sports (le tennis, notamment), une connaissance assez pointue des fondamentaux reste nécessaire pour se lancer et vite progresser.

A haute dose, Spike Volleyball réclamera beaucoup d'anticipation pour mettre hors de portée les adversaires et ramener la coupe à la maison. Car si au départ, on pourrait croire qu'il suffit de frapper comme un bourrin ou d'envoyer la balle là où le loup n'y est pas, l'aspect tactique demeure primordial pour gagner en niveau en variant les combinaisons.

Double faute pour le contenu

Au moins, Bigben semble avoir retenu la leçon des échecs précédents en sortant une simulation aboutie, certes un peu austère mais plaisante à jouer, et surtout qui respecte les fans de volley. On est par exemple loin de l'opportunisme d'un Tennis World Tour, sorti à la va-vite au moment de Roland-Garros (avec plein de mises à jour depuis, certes). Un constat qui s'applique en termes de réalisation, honnête grâce à l'Unreal Engine 4 sans atteindre l'excellence des maîtres du genre. Ceux qui sont tombés par hasard sur une retransmission sur l'Equipe 21 reconnaîtront les gestes élémentaires, la mise en scène sommaire et les commentaires sobres des deux experts de la chaîne, Xavier Richefort et Guillaume Degoulet. Les animations ne sont pas dingues mais elles ont pour mérite d'être déliées, fluides avec une mention "assez bien" pour l'inertie de la gonfle. Ça sent la petite production chère à Jean-Pierre Pernaut, surtout lorsqu'on observe les ralentis qui saccadent pleine balle avec un décalage main-ballon affreux.

Ce manque d'ambition peut agacer et nuit à l'immersion globale du titre. Cela se ressent au niveau du contenu, avec une absence de licences officielles et des modes de jeux d'un classicisme absolu (carrière, amical, multijoueurs). On aurait aimé un soupçon de fun supplémentaire, avec par exemple une alternative plus arcade, ou une diversité des profils des joueurs, qui ont une fâcheuse tendance à tous se ressembler (hormis la couleur de peau). Des éléments qui gâchent clairement l'expérience de jeu et pourraient être corrigés dans un second volet. En attendant de capitaliser sur celui-ci s'il réussit à trouver son public...