Décembre 2021, Kamurochô. Le détective et ancien avocat Takayuki Yagami accompagné de son fidèle acolyte Masaharu Kaito sont sur une affaire. Un cas somme toute classique d’arnaque dont le but est de forcer une femme à se prostituer pour rembourser une dette artificiellement gonflée. Des histoires comme celle-là sont monnaie courante dans le quartier rouge de Tokyo. Pour Yagami, c’est presque une formalité. C’est après avoir bouclé cette affaire que les choses sérieuses vont commencer. Et le détective n’est pas au bout de ses surprises.

Deux de ses amis ont en effet décidé de s’éloigner de Tokyo pour s’installer à Yokohama et créer leur propre agence de détectives. Recrutés par un lycée privé pour enquêter sur des soupçons de harcèlement scolaire, le duo va appeler Yagami et Kaito à la rescousse. À peine arrivés sur place, l’ancien avocat et le yakuza repenti vont vite se rendre compte que ce cas n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les problèmes de l’établissement remontent bien plus loin. Et il apparaît rapidement qu’ils sont liés à une affaire bien plus grave.

Lycéenne triste dans Lost Judgment.

Le lycée des âmes brisées

Harcèlement scolaire, suicide, culture du silence, meurtre et vengeance ne sont que quelques unes des thématiques abordées ici. Voilà pour la base de l’intrigue principale de Lost Judgment. Le plaisir de la découverte étant ce qu’il est, nous n’irons volontairement pas plus loin. Il est cependant possible de préciser que, Ryu Ga Gotoku Studio oblige, les rebondissements sont nombreux. D’autant plus que les sphères impliquées sont loin de se limiter au milieu scolaire.

Certains éditeur revendiquent avec fierté/peur que leurs jeux ne sont « pas politiques. » Le Ryu Ga Gotoku Studio, avec l’aval de SEGA, fait tout l’inverse. Ici, plusieurs travers de la société japonaise comme la nécessité absolue de ne pas faire de vagues ou encore les parodies de justice sont clairement pointés du doigt. Et les frustrations ressenties par Yagami sont celles du joueur lorsque ce dernier est mis face à ces situations à l’injustice évidente.

L’intrigue principale de Lost Judgment captive dès son démarrage. Les mystères qu’elle soulève agrippent le joueur car les points d’identification sont multiples. Élève malmené, parent rendu fou par la douleur, administration volontairement impuissante ou encore témoin d’un méfait rongé par le regret ne sont que des exemples de personnages dont Yagami va faire la connaissance. Bien évidemment, le scénario est romancé et les choses vont parfois bien plus loin qu’elles ne le feraient dans la réalité. Mais il n’empêche que le drame humain au coeur de Lost Judgment interpelle encore plus que ne le faisait l’épisode original.

Lycéens en colère dans Lost Judgment.

21 Judge Street

Cette suite impressionne d’autant plus que les remarques ci-dessus ne concernent que son intrigue principale. Alors qu’il arpente les couloirs du lycée pour les besoins de son enquête, le détective va logiquement faire la connaissance de ses élèves. Rapidement, ces derniers vont révéler l’existence d’une autre affaire les touchant directement. Sans surprise, Yagami va mettre son grain de sel et chercher à révéler la vérité tout en venant en aide aux jeunes gens concernés.

Pour ce faire, il va devoir s’approcher des différents cercles d’élèves et tisser des liens avec ces derniers. Cela implique de rejoindre différents clubs et prendre part à leurs activités. Une membre de la troupe de danse est soupçonnées de se mettre en danger en utilisant ses charmes pour arnaquer des hommes dangereux ? Eh bien Yagami va aider le groupe avec ses chorégraphies. Le leader du club eSport du lycée est soupçonné d’avoir triché pendant un match avec l’aide d’un mystérieux criminel ? Qu’à cela ne tienne, le détective va se mettre à Virtua Fighter 5. La chose impressionne d’autant plus que là ne sont que deux exemples.

Au cours de ses enquêtes, Yagami va également devoir se mettre aux combats de robots, au skateboard, à la boxe, etc. Comme les développeurs n’avaient pas assez de pain sur la planche, toutes ces activités disposent de leur propre gameplay et d’un mini-jeu associé accessible librement.

L’ensemble est absolument tentaculaire et ne représente pas qu’une saynète de cinq minutes. L’intrigue liée aux différents clubs du lycée représente de nombreuses heures de jeu qui viennent se greffer à l’histoire principale. Et les joueurs qui veulent tout faire ne sont pas au bout de leurs surprises. Viennent en effet s’ajouter à ça des dizaines de petites enquêtes destinées à développer le business de l’agence Yagami. Comme toujours, le ton de ces quêtes annexes est généralement bien plus léger/humoristique que celui de la trame principale (ce qui ne les empêche pas dans certains cas de faire passer des messages, sur le crunch dans le monde du jeu vidéo par exemple). Mener à terme la campagne principale, l’intrigue lycéenne et toutes les quêtes annexes demandera plusieurs dizaines d’heure. Et on ne va clairement pas s’en plaindre étant donné le soin apporté à l’ensemble.

Un salle Club SEGA dans Lost Judgment.

Plus fort que toi

Vous en voulez encore ? Ça tombe bien, car le jeu a encore d’autres choses en réserve. Nombres d’activités annexes déjà vues dans le premier Judgment et dans les Yakuza sont ici de retour. Jeux de hasard japonais et occidentaux, courses de drones, golf, baseball, mahjong ou encore jeux rétro sont là. À propos de ceux là, il est important de souligner que Lost Judgment fait plaisir aux fans de longue date de SEGA. Super Hang-On, Virtua Fighter 5 Final Showdown, Motor Raid ou Sonic The Fighters sont certains des jeux Arcade intégralement jouables ici.

Comme si cela ne suffisait toujours pas, SEGA a également ajouté une Master System in-game accessible à loisir. Cette dernière permet de jouer à des titres comme Alex Kidd in Miracle World, Penguin Land ou encore Fantasy Zone. SEGA a d’ores et déjà annoncé du contenu additionnel pour Lost Judgment. Mais il est clair que l’éditeur n’a pas mis du contenu de côté pour faire repasser les joueurs à la caisse plus tard. Lost Judgment est un exemple de générosité qui n’est pas sans faire penser au gargantuesque Yakuza 5. Et cela étant dit, il est d’ores et déjà possible de souhaiter bon courage aux complétionnistes. Ils n’ont clairement pas finir d’arpenter les rues avec Yagami.

Pour ce qui est de l’exploration, il est à nouveau question d’un titre proche d’un Yakuza. À la différence que Yagami peut désormais écouter certaines conversations dans le rue ou les réseaux sociaux pour trouver du travail. La map de Yokohama étant bien plus vaste que celle de Kamurochô, les développeurs ont donné un skateboard à Yagami. Pour ceux qui ne passent pas leur temps à faire des voyages en taxi, ce dernier permet d’explorer plus rapidement les environnements. Contrairement à Yakuza Like a Dragon qui permettait presque de jouer à Kamurochô « pour le principe, » Lost Judgment permet bel et bien de passer n’importe quand d’une ville à l’autre. De plus, la trame principale et les quêtes annexes obligent le joueur à passer d’un lieu à l’autre. Ce qui est clairement une bonne chose pour les joueurs qui ont fini par s’attacher à ce bon vieux Kamuro.

Phase d'infiltration dans Lost Judgment.

Guide du parfait détective

À l’instar de son prédécesseur, Lost Judgment demande au joueur de mener l’enquête. Et cela passe par des filatures discrètes, de la recherche d’indices (à l’aide de divers gadgets), d’interrogatoires ou encore de courses poursuites. En ce qui concerne les dialogues, il est toujours question de choix multiples. Faire de bons enchaînements de répliques ne donne plus de bonus d’expérience comme dans Judgment. Les filatures ont quant à elle été modifiées pour les rendre plus intéressantes à jouer. Le pourcentage de prudence de la personne suivie se remplit quand Yagami manque de discrétion et ne redescend pas. Afin de l’inciter à être plus prudent, il est limité en possibilités de se cacher. S’il fait trop semblant de faire quelque chose dans la rue quand il est repéré, sa jauge de duperie finit par être vide. Ses risques d’être démasqué sont alors décuplés.

Si les changements sont clairement bien sentis, on regrettera simplement la longueur des séquences de course poursuite. Il aurait été intéressant de permettre aux joueurs qui se débrouillent bien d’attraper plus rapidement la personne pourchassée plutôt que de les obliger à passer plusieurs fois sur le même parcours. Et puisqu’il est question de parcours, le "Parkour" est une des nouveautés des phases d’enquête/exploration du jeu.

À certains moments du jeu, Yagami est amené à grimper sur les murs de Kamurochô et Yokohama pour atteindre des zones inaccessibles autrement. Il dispose d’une jauge d’adhérence et lâche évidemment prise quand cette dernière est vide. À l’instar des autres capacités du héros, ses compétences en matière d’escalade peuvent être améliorées en gagnant de l’expérience. Autre nouveauté, les séquences d’infiltration. Quand le détective doit aller quelque part sans se faire prendre, il peut se faufiler discrètement. Et si la situation s’y prête, il a la possibilité d’éliminer discrètement des ennemis ou détourner leur attention. Ces nouveautés ne sont pas utilisables n’importe quand mais ajoute encore plus de variété à l’aventure.

Selfie devant un Yoshinoya dans Lost Judgment.

Yôkoso Japan!

Du côté des combats, il est à nouveau question d’Action. Les deux styles de combat du premier épisode ont été repris. À ces derniers vient s’ajouter le style du serpent, plus défensif (Yagami peut aussi boxer via une des activités liées au lycée). De nouveaux coups, contres (liés au timing), animations et attaques spéciales ont été ajoutées pour rendre les combats encore plus classes qu’ils ne l’étaient dans Judgment. Sur consoles de nouvelle génération, le jeu tourne de plus en 60 fps et ça lui va bien. À l’instar de la version remasterisée du premier épisode, cette fluidité ne rend que plus agréable les mécaniques de combat utilisées ici.

Le seul petit bémol concernant les styles de combat réside au niveau de l’exploitation du nouveau style du Serpent. Présenté comme un moyen de calmer les ardeurs des lycéens avec une violence limitée, son utilisation se fait finalement à la discrétion du joueur. Un joueur qui désire exploser un gamin de 17 ans comme il défoncerait un yakuza chevronné peut totalement le faire. Bien sûr, cette situation ne nuit pas au plaisir de jeu.

Attaque spéciale à deux dans Lost Judgment.

Terrain connu

En ce qui concerne la réalisation dans son ensemble, Lost Judgment est très proche d'un Yakuza Like a Dragon ou de la version remasterisée de Judgment. Sur consoles nouvelle génération, le jeu de SEGA permet de prioriser le framerate ou les graphismes. Cette seconde option limitant le framerate à 30 fps, utiliser la première option est vivement recommandé. D'autant plus que le gap de résolution n'est pas immense. Mis à part un effet de clipping parfois visible, le jeu est visuellement totalement satisfaisant. Mention spéciale aux visages des personnages principaux qui ont une fois de plus bénéficié d'une modélisation très soignée.

Niveau sonore, le Ryu Ga Gotoku Studio a une fois de plus fait de l'excellent travail. La bande-originale du jeu est très variée (preuve en est, sa version CD tient sur quatre disques) avec des musiques qui s'adaptent aux situations. Le tout, dans des styles variés. En matière de performances des acteurs, là aussi, le studio de Toshihiro Nagoshi et compagnie a fait les choses bien. Les comédiens japonais occupant les rôles principaux sont convaincants et ne semblent jamais tomber dans la caricature. Takuya Kimura semble très à l'aise dans le rôle de Takayuki Yagami et on espère d'ores et déjà le retrouver dans de nouvelles enquêtes dans les années à venir.

On regrettera simplement la présence de quelques erreurs dans les sous-titres en français. Ces derniers rendent quelques échanges légèrement incohérents, avec par exemple des personnages qui alternent sans raison tutoiement et vouvoiement. Ce type d’erreur, moins présent dans le premier Judgment et Yakuza Like a Dragon, sont-ils une conséquence de la sortie mondiale du jeu et d’un temps accordé à la localisation plus limitée ? Impossible à dire de manière catégorique. Quoi qu’il en soit, ces coquilles sont suffisamment rares pour ne pas être trop pénalisantes.