Avec Dragon Quest Builders 2, c'est finalement assez simple : on prend les mêmes mécaniques, et on recommence. À quelques exceptions près, cette suite récolte surtout les fruits d'une première expérimentation fort charmante, mais qui nécessitait encore quelques ajustements pour ratisser au-delà des simples fans de la légendaire série ayant donné naissance au J-RPG. Les développeurs de Square Enix auront-ils semé leurs graines à temps ?

Coquillages et crustacés

Si le premier volet mettait en scène le Bâtisseur dans une dystopie du tout premier Dragon Quest, cette suite emprunte ainsi logiquement son intrigue et ses personnages à Dragon Quest II, sorti à l'origine sur Famicom en 1987. Mais que vous soyez ou non un fan acharné de la série ne change finalement pas grand chose à l'affaire, puisque le plaisir de la découverte reste intact pour les chefs de chantiers qui sommeillent en vous. Après avoir créé votre avatar genré au style toujours signé Toriyama (ou Bird Studio hein, on se comprend), vous voici aux prises avec un tutoriel fort long, et surtout très bavard, ce qui n'en fait pas une mise en bouche très accueillante, pour rester poli.

Mais passée l'exécution de quelques requêtes visant à vous faire comprendre les mécanismes de base qui n'ont finalement fait l'objet que d'ajustements plus que de réelles transformations, vous voici échoué(e) sur la plage abandonnée, et comme le veut l'expression : tout est à reconstruire. Mais cette fois, vous ne serez pas seul(e) à suer sang et eau pour bâtir les fondations d'une nouvelle civilisation, puisque le maléfique et au demeurant sympathique Malroth vous accompagnera tout du long, histoire de vous filer un coup de main contre quelques monstre retors, ou, malheureusement, tenir (et conserver) le crachoir.

Goodbye Despair

Dragon Quest Builders 2 opte peu ou prou pour le même découpage que le premier épisode, bien que votre progression se structure désormais autour d'une île centrale qui fera office de base naturelle pour votre fine équipe. Il vous faudra ainsi prendre la mer, et parcourir les nombreux atolls alentour, qui remplaceront les chapitres hermétiquement séparés de Dragon Quest Builders. Si chacun des îlots possède ses propres faunes, flores, et autochtones à évangéliser, il vous sera passé un certain point possible d'effectuer librement des aller-retours, grâce à Barbebrune le marin. Si l'opération s'avère plus longue que les portails du premier volet, elle s'accompagne en plus d'une sauvegarde obligatoire effaçant la précédente, et témoigne d'une drôle de gestion de la part de Square Enix.

Chacune de ces zones principales vous emmènera une nouvelle fois à la rencontre d'un ancien bled désormais dépeuplé, et il vous reviendra la charge de faire renaître l'espoir parmi les locaux, en reconstituant bloc par bloc la magnificence d'alors. Si la formule est déjà connue, il faut reconnaître que Dragon Quest Builders 2 propose des villages débordant de vie et fourmillant de détails : construisez des toilettes publiques, et vous verrez tous vos semblables faire la queue après avoir englouti votre récolte de choux, non sans manquer de s'exprimer verbalement une fois sur le trône la jarre. Et les exemples non-scatologiques ne manquent pas. Leur gratitude s'exprime cette fois sous formes de coeurs, lâchés après avoir bâti une nouvelle pièce ou mené à bien une des nombreuses missions du jeu. Une fois votre jauge d'amour suffisamment remplie, vous pourrez aller sonner une cloche laïque qui vous permettra de faire grimper le niveau général de votre bourg, remplaçant ainsi la jauge d'expérience de 2016.

C'est donc ça, le nouveau monde ?

N'allez pas croire pour autant que les nouveautés se limitent à cette seule gestion amoureuse. Soucieux de conserver l'équilibre de la formule originale, Square Enix aura pris le temps d'ajuster bon nombre de mécaniques, à commencer par la distinction entre vos armes et vos outils : désormais séparées, ces deux catégories d'items ne nécessitent plus de passer de l'une à l'autre. Vous n'aurez également plus à arbitrer entre les différents objets à emporter avec vous sur le terrain : après quelques petites heures de jeu, vous disposerez d'une sacoche aux capacités de stockage quasi-infinies, accessible à tout moment. Et parce que rien n'est trop beau pour rebâtir un nouveau monde sur les ruines de l'ancien, la limite de 99 unités ben pénible n'est plus : les portes de l'abondance s'offrent envie à vous, et ça change tout. En revanche, il aurait été judicieux de clairement séparer les pièces d'équipement, qui se perdent au milieu de votre inventaire de plus en plus fourni.

Le jeu opté également pour une échelle bien supérieure, qui ne dévoilera qu'au fur et à mesure de votre progression, alors qu'apparaissent progressivement différents moyens de transport qui permettent d'avaler rapidement les kilomètres, histoire d'explorer des zones facultatives. Ces dernières offrent d'ailleurs de nouvelles énigmes qui vous permettront de glaner les iconiques mini-médailles chères aux fans de Dragon Quest, et offrent ainsi une véritable raison de s'y coller. En revanche, les balades champêtres en dehors des sentiers battus sont aussi l'occasion de constater les véritables faiblesses du jeu en ce qui concerne sa technique. Loin d'être un foudre de guerre, Dragon Quest Builders 2 aurait plutôt tendance à voir son frame-rate vriller dès lors que l'écran se remplit d'ennemis ou d'éléments de décor, à plus forte raison sur Switch, qui sur-ventile plus que de raison en mode nomade. L'arrivée d'une vue à la première personne n'y changera d'ailleurs pour ainsi dire rien.

Eh, j'te kolkhoze !

Mais parce que tout le monde n'aura pas forcément l'envie spontanée d'aller voir sur la colline si j'y suis, la populace ne manquera pas de faire de votre avatar le réceptacle de leurs desideratum aussi divers que variés, histoire de vous envoyer parcourir les quatre coins de la carte. Si ces missives vous permettront une fois de plus de récolter de nouveaux matériaux et d'occire un paquets de créatures bien connues des fans de la série, l'avalanche de textes qui précède, accompagne et conclut chaque quête donne rapidement l'envie de pousser quelques soupirs d'agacement. Ou d'insulter des génitrices, au choix. C'est à croire que la diarrhée verbale est une maladie qui se répand à la vitesse de l'éclair, et le fléau n'épargnera personne : même en combat, Malroth ne manquera pas de vous faire part de ses innombrables commentaires sur le moindre objet, même le plus évident, frôlant parfois les trésors de casse-couillage de Fey dans Skyward Sword. C'est dire. Les affrontements restent toujours aussi superficiels que dans Dragon Quest Builders premier du nom, même si l'on saluera la disparition des fortifications obligatoires avant d'affronter un des boss en puissance.

Heureusement, l'exploration reste toujours aussi plaisante, notamment grâce aux mélodies intemporelles de Koichi Sugiyama, qui auraient tout de même mérité d'élargir un tant soit peu leur sélection, dans la mesure où l'on retrouve dans Dragon Quest Builders 2 une bonne partie de la sélection du premier épisode. Bon, il y a quand même un peu de Dragon Quest IV, alors tout va bien. Cette suite en profite évidemment pour remettre sur le devant de la scène la bande son de Dragon Quest II, qui reste encore aujourd'hui tapie dans l'ombre des autres opus. C'est toujours ça de pris. Au pire, vous pourrez toujours partir à l'aventure en espérant tomber sur un joli paysage à immortaliser grâce au tout nouveau mode photo, car telle semble être la destinée de tous les jeux de ce siècle naissant.