C.O.M Together

Vous venez de vous offrir un Rogue-like. Alors ne soyez pas étonnés que les principes généraux du genre tels qu'énoncés il y a plus de 40 ans, soient bien tous présents dans Children of Morta (ou C.oM.). Oh absence de surprise !, son univers est donc assemblé de façon aléatoire à chaque descente dans les entrailles de la montagne, et chaque région consiste en un environnement subdivisé en 3 zones, la dernière d'entre-elles hébergeant le boss interdisant l'accès à la suite de l'aventure. On devra donc parcourir la totalité de ce level avec le même personnage et la même vie, et réussir le combat final afin d'avancer pour recommencer avec le monde suivant. J'imagine qu'à Pole Emploi, ce projet personnalisé serait sans-doute qualifié "d'idiot", mais également de "prometteur" avant de finir en dessous d'une grosse pile de documents similaires...

Démarrant l'aventure avec une attitude un rien sceptique, après m'être parfois barbé sur la plupart des jeux du même genre à la mode depuis 5 ans, j'ai pu constater après quelques échauffourées, que l'éventail des régions, des pièges, des décors et de la faune sont assez diversifiés pour offrir une expérience sensiblement différente quatre ou cinq fois de suite. Et je dis bien, cinq fois de suite, et pas 30 fois de suite, parce-que, ne rêvez pas, ça vaut 20 balles, et on n'est pas chez Blizzard. Mais après une heure de jeu, voici que cela devient plus intéressant : inutile de s'obstiner à jouer le même perso et de le leveler au maximum, de finir le jeu en 2 jours : changer régulièrement de Bergson va permettre de débloquer telle ou telle autre personne, qui sera susceptible de nous rejoindre au cours d'une mission, ou parfois de faire profiter le reste de la portée de nouveaux pouvoirs via des compétences familiales qui vont s'acquérir au fil de l'aventure.

Car le principe général de Children of Morta est d'obliger le joueur à changer le plus possible de personnages, et de les faire progresser alternativement par tous les moyens, y compris les plus vils. En effet, en s'acharnant à envoyer le même type déblayer les souterrains, on va fatiguer le pauvre bougre qui va vite engranger de nombreux malus l'obligeant à rentrer en congés-maladie et à rester le cul sur le canap à binger Netflix jusqu'à récupération ou épuisement du garde-manger. Traduit en termes de gameplay, cela signifie que le boss de fin de niveau qui bloque l'accès à la région suivante va voir défiler sur sa moquette toute la famille, du paternel jusqu'au grand frère un peu benêt, et va devoir leur refaire le visage à coups de pompe, les uns après les autres, et parfois plusieurs fois de suite, pour finir par se faire tuer par une gamine de 5 ans poussant des petits couinements hystériques et le brûlant au troisième degré à coup de boules de feu. Au fil du temps, il est donc essentiel d'étoffer l'ensemble des feuilles de persos qui contiennent des skilltrees variant grandement d'un Bergson à un autre, et qui multiplient l'intérêt de la progression synergétique de l'ensemble du cheptel familial. Ici, nous avons la grosse feature du jeu, et indéniablement, c'est une réussite, contrairement à la phrase précédente, imbitable, que je viens juste d'écrire .

Famille je te hais !

Avec l'argent et l'expérience amassée entre deux sorties, on pourra améliorer les stats de base de l'ensemble de la famille via l'atelier tenu par l'oncle Ben (que certains d'entre vous connaissent déjà au travers de son obscure activité de riziculteur), ou via la bibliothèque ésotérique de la grand-mère, que vous croiserez souvent dans les souterrains en train de fouiner dans les affaires des autres, et de ramasser toutes les saletés tombées au sol dans les endroits les plus improbables, ainsi qu'aiment souvent à le faire les personnes âgées. Rentrée dans la demeure familiale, elle passera l'essentiel de son temps libre à faire les poussières, et à vous envoyer à la mort en vous donnant des missions pour mieux vous prouver son attachement. Coté professions, il n'y a rien d'incroyable, mais rien de rien, car on revisite le player handbook d'AD&D cuvée 80's : on a une fille archer(e), un père guerrier, une magicienne pré-teen, un moine-pugiliste... Quant à Kevin, il est très efficace, et ultra pénible, avec sa fausse attitude nonchalante, avant qu'il ne se mette à sauter partout, à pousser des hurlements insensés et à griffer des gens au visage, mais, si vous avez des amis prénommés Kevin dans votre entourage, vous savez déjà de quoi ils sont capables à la moindre petite contrariété.

Où qu'elle est ma thune ?

Essentiellement orienté action, le gameplay de Children of Morta, même s'il offre un keymapping identique pour tous les persos, change radicalement lorsqu'on saute de l'un à l'autre. Des fois, un Bergson attaque en se déplaçant avec des armes à distance ou un tir indirect, un autre aime se glisser invisible derrière un ennemi pour le poignarder dans le dos telle la pourriture de base, et untel préférera sauter au milieu d'un groupe d'ennemis pour potentialiser toutes ses attaques et commettre un meurtre massif et rapide.

Parfois, il nous faudra l'espace de quelques salles afin de reprendre en main correctement celui ou celle qu'on a délaissé depuis quelques heures, tant les stratégies à adopter sont différentes. Dans certains environnements, certains membres de la famille sont plus appropriés que d'autres, et parfois, pour finir un niveau, un perso d'un niveau notablement inférieur au reste de la fratrie, (généralement celui qu'on déteste jouer), sera la solution inespérée qui débloquera toute le reste de l'aventure. Mais on ne va pas se mentir : tout Children of Morta n'est qu'une immense partie de hack and slash, avec une luxation de l'index à la clé. Du coup, on ne s'étonnera pas de retrouver l'éventail complet, et le minimum syndical du monstre de biotope d'heroic-fantasy, à savoir des hordes de magiciens, des serpents, de l'assassin, du squelette, du renard-garou (alors, ouais, là dessus, je ne suis pas ultra-sûr de mon coup, mais les petites oreilles triangulaires sont en général un indice fort de renarditude), du golem, du blob, et je vous en passe une bonne douzaine.

Au fil des salles, en plus de ramasser les sempiternelles pièces tombées au sol, et les fioles de santé, on pourra trouver des runes qui agissent sur les skills de la classe, des totems, et des reliques qu'on pourra par la suite empiler sur soi, voire en broches, comme une vieille bigote de province. Alors ouais, on n'est clairement pas au niveau d'une production à la Diablo, et les types de drops sont malheureusement circonscrits aux power-ups, et les différents types d'armes et armures (s'il y en a), seront généralement acquis via les skills, mais la variété des gameplay, et la progression des persos fait quand même bien illusion, Mais, s'il y a ici un réel boulot fait par les développeurs, et tout spécifiquement en comparant CoM avec la majorité des productions du même genre en termes de monster-bashing, on regrette le coté un peu fauché des récompenses, façon Donjon de l'austérité.

Au bonheur du Pixart

Les environnements et l'esthétique pixart sont tout simplement bluffants. Au lieu d'être juste un cache-misère à un manque de talent d'un graphiste recalé à six mois de la fin d'une prépa Beaux-arts, l'esthétique de Children of Morta est cohérente, avec des décors peints à la main avec des vrais pinceaux à pixels rectangulaires. Les anims des persos sont d'une bonne qualité (spécialement celle de la gamine et de Kevin), y compris lors des cut-scenes. En sus, le moteur de rendu est bien loin d'être le truc fade et juste constitué de gros aplats de couleurs unis comme dans d'autres productions du même acabit, mais il bénéficie d'effets, de plein de scrolling différentiels, et d'éclairages plutôt travaillés (le plupart du temps dans les souterrains). Le style général est un parti-pris entre l'Art-Nouveau, et les motifs traditionnels Yakoutes (un peuple nomade des steppes, qui élève des rennes et se nourrit essentiellement de lait pourri), et c'est sûr que ça change un poil de FTL et de Binding of Isaac.