N.B. : les photos d'écran illustrant ce test sont issues de la version PC.

Un peu de contexte pour les nombreux fans de consoles qui nous lisent : Battlefield 2 est depuis 2005 LA référence en matière de jeu de guerre moderne online sur PC. Proposer autant de véhicules, des cartes aussi grandes et lâcher une armée de joueurs au milieu, c'était du jamais vu, en tout cas avec un niveau de détails pareil et dans le cadre d'une guerre "réaliste". Quand le multijoueur de Battlefield : Bad Company 2 a débarqué (je passe pudiquement sur le solo), avec ses environnements destructibles qui changent complètement le gameplay, le succès a immédiatement été au rendez-vous. Et les amateurs du genre ont commencé à imaginer ce que pourrait être un Battlefield 3 avec toutes ces avancées...

Les vieux démons

Mais pour vendre un jeu de nos jours, surtout quand on veut en faire un blockbuster, il faut lui rajouter une partie solo. Et si ce solo peut se faire en co-op, c'est encore mieux. EA et DICE se sont donc pliés au marché et livrent avec ce BF3 une copie surprenante. Loin de la perfection, le solo offre pourtant 6 à 7 heures de grand spectacle, parfois complètement bluffant. Parfois complètement crispant. Scénarisé autour de l'interrogatoire d'un soldat américain, vous allez tour à tour rentrer dans la peau de différents personnages, qui ne profiteront pas tous d'une retraite tranquille... Grâce à cette astuce de narration (assez répandue dans le genre, tout de même), DICE peut facilement vous coller aux commandes d'un avion de chasse ou d'un tank, pour vous ramener à la dure réalité du troufion de base, ventre à terre dans la boue, la mission suivante. De Paris à la frontière Iran-Irak, la trame est plus intéressante que prévu et vous comprendrez assez tard pourquoi on vous en veut autant. Un bon point pour DICE.

Quand soudain, des QTE

Dès la scène d'intro, le joueur de FPS classique sera confronté avec, à mon sens, la pire invention de gameplay de ces dernières années : des QTE (Quick Time Event / Actions contextuelles). "Pour éviter de sauter avec cette bombe, devient John McClane et appuis sur [ESPACE] pour sauver la planète". Passionnant. Et si gratifiant en cas de victoire. Bref, trêve d'ironie, cette hérésie n'est heureusement jamais compliquée et sert surtout de prétexte pour vous coller des cinématiques vaguement interactives au milieu des phases de shoot classiques. Mais c'est là que ça coincera pour le FPS addict : ces phases de shoot sont souvent trop courtes et trop scriptées pour vraiment s'éclater. Surtout que si vous jouez les loups solitaires, il est assez facile de se retrouver dans des situations débiles. Exemple : sur une map un poil ouverte, vous décidez de ne pas suivre le soldat que le jeu vous indique comme étant le leader. Il peut vous arriver 2 choses pénibles : la première, en cas de vagues d'ennemis, c'est que ces vagues vont justement se révéler sans fin. Car le script a prévu de passer à la suite qu'après X mecs tués A CONDITION que vous soyez à côté du leader. Pire : si vous décidez de contourner largement certains ennemis, et que la carte contient des scripts à base de checkpoints (des points à franchir, quoi), vous allez voir vos potes avancer, passer à côté des ennemis et se battre contre d'autres soldats, plus loin. Vous dans tout ça ? Bah vous vous retrouverez au milieu, à devoir terminer le boulot tout seul...

Mais, et la note là ?

Des hérésies du genre dans le mode solo, il y en a beaucoup. Le top du top étant la mission de couverture d'une équipe au sol, dès le début du jeu, celle qui a fait l'objet d'un trailer très classe, où l'on déloge un sniper avec une roquette. Juste après, des alliés basés dans la rue évacuent un soldat blessé. Et ils sont attaqués de toutes parts. En testant la version PS3, plus concentré sur mon café que sur mon paddle, je me suis aperçu que le script continuait sans moi : on peut passer la mission haut la main en laissant faire ses potes et en tirant en l'air, genre "oui oui les mecs, je suis à fond avec vous, Houah !". Ah ça, on est loin d'un Dark Souls côté exigence de gameplay. Je vous rassure, la suite est loin d'être aussi facile, mais il restera un goût de "pas assez" chez la plupart des joueurs. Et je ne parle pas des corps (et armes, d'ailleurs) qui disparaissent, un truc que je pensais ne jamais revoir dans un FPS solo moderne, sur PC ou ailleurs...

Et pourtant, j'ai passé 6 heures fantastiques. Parce que malgré les écueils énumérés, Battlefield 3 est la plus grosse claque technique de ces dernières années. Certes, j'ai terminé le solo sur PC, mais les versions consoles sont également très impressionnantes (pensez à installer le pack HD sur 360, si vous disposez de place sur votre disque dur). Cela dit, le PC est la plate-forme de référence de DICE et ça se sent. Le moteur graphique Frostbite 2 permet des séquences à couper le souffle. Et même si fatalement les avis divergeront sur l'impact de certaines scènes, je sais que je n'ai pas été le seul à avoir des frissons et un sourire niais sur le visage pendant toute la phase sur le porte-avion. Rien que cette séquence sauve pour moi les errances de DICE sur le reste.

DICElicious

Tout chez DICE explose la concurrence : les bruitages fabuleux (utilisez le mode audio "Archives" dans les options !), les animations criantes de vérité, les paysages qui donnent envie de sortir l'appareil photo. Alors oui, ça n'efface pas tous les défauts, mais si on rentre dans le trip film d'action, on profite d'une expérience qui, au global, va nécessiter des agrafes pour faire tenir votre mâchoire en place. Avec un look qui navigue entre CNN et Hollywood, jamais la guerre n'aura été aussi belle sur nos machines. À titre personnel, détailler ainsi les bugs et manquements de ce mode solo me chagrine. J'ai terminé le jeu avec un grand plaisir, même si j'ai pesté comme il se doit sur chaque QTE. Avec le recul, je vois bien tous les défauts et je me dois de les pointer du doigt. Mais c'est presque dommage. Profitez de l'ambiance, de la réalisation ! Je suis pourtant un client difficile, mais j'imagine que la partie geek de mon cerveau a fait taire ma partie critique. En tout cas, chapeau bas aux équipes techniques de DICE !

Le bonheur est ailleurs

Mais pourquoi tartiner autant de signes sur le solo alors que finalement, contrairement à tant de titres, il est là pour meubler ? Car il ne faut pas se leurrer : la force de la série des Battlefield a toujours été le jeu en ligne. Et ce n'est pas BF3 qui fera honte à la famille ! Avec pour le moment 9 cartes dont certaines prévues pour 64 joueurs sur PC (24 max sur consoles), on est ici en face de ce qui se fait de plus massif dans le genre. Impossible de visiter complètement certaines maps dès vos premières parties. Repérer les subtilités, les endroits à détruire pour se créer de nouveaux passages, les pièges à éviter, tout ça prend du temps... Vous allez mourir sans savoir où étaient vos ennemis. Souvent. Il va falloir apprendre, monter en grade, débloquer vos armes, et redécouvrir que la patience peut payer. Et qu'un FPS sait aussi varier les plaisirs ! Entre les 4 classes différentes (Assaut, Ingénieur, Soutien, Éclaireur) et les véhicules à piloter, du chasseur au tank en passant par les DCA mobiles et autres hélicos (transport ou combat), il y en a pour tous les goûts, pour toutes les envies. Du reste, ces classes sont largement remaniées par rapport à Bad Company 2. Ne cherchez pas le toubib, c'est la classe Assaut qui récupère ses fonctions par exemple. Le plus simple pour les curieux : lire cette page du site officiel (non parce qu'en plus, signalons qu'il n'y a rien d'autre dans les boîtes qu'un pauvre liflet de 4 pages d'avertissement sur l'épilepsie, hein, pas de manuel).

Le seul, l'unique

Non seulement le multi garde tous les atouts du solo côté réalisation, mais il offre une expérience de jeu introuvable ailleurs. Dans quel autre titre a-t-on l'occasion de passer des combats de snipe, au pétage de murs pour déloger des campeurs, au dogfights en avion de chasse, et le tout en moins de 10 minutes de jeu ? Aucun. Tout bêtement. Dans les cinq modes de jeux distincts, on sait déjà que Ruée et Conquête resteront les stars incontestables alors que Team Deathmatch, TDM par escouade et Ruée en escouade feront de la figuration. Battlefield 3 brille dans sa gestion des combats avec véhicules, sur des maps gigantesques, avec le plus de joueurs de possible (sur PC tout du moins). Certes, le pilotage des véhicules est optimisé pour le fun et il est inutile d'y chercher une once de simulation. Mais honnêtement : on s'en fout.

Exemple d'une partie rapide, hier soir : après quelques assauts infructueux sur un point à conquérir, je réussis à prendre les commandes d'un F18. Décollage, virage serré à droite (la vue bouge pour bien vous faire comprendre que vous vous tassez dans le siège, votre respiration se fait plus difficile), je mitraille un hélico qui tente de faire plein de trous dans la peau de mes potes au sol et qui fait ça en restant stationnaire, le fou. Boom l'hélico ! Pas le temps de se réjouir, le beep beep dans mon cockpit est très clair, je viens de me faire un nouveau copain un peu collant dans les airs. Esquive, petit dogfight à base de figures improbables dans les airs. Là, il est temps de faire un constat : ce mec pilote mieux que moi. OK, soyons fous : je plonge direct vers un grand hangar dont les portes ont été bien élargies par un combat de tank récent. Tel l'enfant illégitime de Luke Skywalker et Maverick (Top Gun, rappelez-vous), je m'engouffre dans l'ouverture, avec le pénible collé aux baskets. Et là, c'est le kiffe ultime : mon adversaire à mal évalué son virage et explose contre le bâtiment. J'exulte. D'autant plus que le hangar est abîmé de l'autre côté aussi et que je peux sortir sans problème. Pendant 2 secondes, je suis le pilote le plus fort du monde. Deux secondes, c'est ce qui me sépare de la grue qui était juste à droite de ma sortie. Je vous laisse deviner de quel côté j'ai tourné sans vraiment regarder...

À l'Origin du problème

Sur PC, le jeu oblige à passer par Origin, le magasin dématérialisé d'Electronic Arts. Pas de Steam en vue, et c'est bien dommage. Malgré tout, Origin fonctionne plutôt bien. Le problème, c'est la confusion avec les fonctions d'une autre couche online de BF3 sur PC, qui sert aussi sur console : le BattleLog. BattleLog est en fait une page Web qui regroupe la gestion de votre profil, vos trophées, la gestion de vos escouades et 1000 autres choses. Sur PC, elle sert aussi à gérer sa liste d'amis, à lancer le jeu, à dialoguer en direct, à monter ses escouades, etc. Et c'est là que ça devient le bordel. Car Origin a aussi une liste d'amis. On peut importer cette dernière dans BattleLog mais sur le long terme ça oblige à gérer des listes différentes selon les jeux ? Débile. Et pas du tout ergonomique. Pour lancer le solo ça donne : lancer Origin, cliquer sur BF3 > Battlelog (chargement de votre navigateur) > Menu, clic sur campagne > Lancer la campagne. Ah, et ça ne fonctionnera pas si BattleLog est offline. Merci EA.

On s'y fait, mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y avait 1000 fois plus simple à faire. Et surtout, à faire DANS LE JEU. Sur console en revanche, il faut noter qu'il est très rapide de trouver une partie multi et de profiter du titre. J'ai trouvé ça plus efficace qu'un Killzone 3 par exemple. Évidemment, on peut regretter que les joueurs console soient limités à 24 soldats sur une même partie, mais avec des maps adaptées, ce n'est pas non plus catastrophique, loin de là. Ça reste toujours mieux que du 9 contre 9...

Si on bloque sur les défauts du titre, on peut facilement descendre en flamme ce Battlefield 3. Les argument existent, je viens d'en tartiner des pages. Pourtant, moi j'en retiens une expérience bluffante côté solo et surtout le mode multi le plus accrocheur du moment dans cette catégorie. À tel point qu'avec les fans de geekzone.fr, nous avons déjà loué un serveur privé à 64 slots pour l'année, avec une cotisation pourtant relativement chère. Il reste du boulot pour tout débugger du côté de chez DICE, mais (malheureusement) quel titre sort de nos jours sans nécessiter une vague de patchs ? Dans les faits, je sais que je vais y passer mes soirées (malgré un ratio de kill / death souvent largement négatif) et qu'il sera largement responsable de mon manque de sommeil à venir. Vu ma liste d'amis online, je ne vais pas être le seul, et ça, c'est la marque des bons jeux.