The Legend of Zelda

On reconnaît parfois l'importance d'une œuvre, entre autres choses, au fait que son aura s'avère tellement grande qu'émettre ne serait-ce que quelques réserves à son encontre, est suffisant pour susciter l'ire et l'incompréhension des gens qui l'admirent de manière absolue (je le sais bien, c'est mon cas avec Watchmen de Moore, Gibbons et Higgins).

Il en est ainsi pour The Legend of Zelda, un monument du jeu vidéo, une série que l'on dit frappée du sceau de l'excellence et qui pourtant, si l'on essaie un instant de faire abstraction de tout ce qu'elle a apportée dans le passé au médium, tourne un peu aujourd'hui, pour le dire gentiment, en rond.

Quel est le problème ?

Si The Legend of Zelda : A Link to the Past et The Legend of Zelda : Ocarina of Time se sont imposés comme des classiques instantanés, que restera-t-il de The Legend of Zelda : Skyward Sword, le dernier épisode en date de la série, un bon jeu au demeurant, dans dix ans ? Aujourd'hui les deux jeux Super Nintendo et Nintendo 64 susnommés, sortis respectivement il y a vingt et quinze ans (!), trustent toujours la tête des classements réguliers de "meilleurs jeux vidéo de l'histoire" alors que Skyward Sword, qui a vu le jour en 2011, semble déjà oublié de tous...

Si par de nombreux aspects, Ocarina of Time se situe dans la droite lignée de Zelda 3, le succès du jeu SNES ne s'est pas fait par hasard. Rappelez-vous de la grande carte du monde d'Hyrule que l'on pouvait mulitplier par deux dès lors que l'on découvrait son "côté obscur". A Link to The Past, de par l'ampleur de son monde, n'était-il pas d'une certaine manière et toutes proportions gardées, un Skyrim de l'époque sur console ? Le jeu tenait en tout cas sur une cartouche de 1 Mo, le double d'une cartouche classique SNES, proposait des graphismes fins et colorés et des aspects de sa représentation en mode 7, constituaient une véritable démonstration technique. Cet épisode Super NES a aussi imposé les codes fondamentaux de la série, certains existant bien entendu déjà avec ses prédécesseurs.

Mais aujourd'hui, comme pétrifié par le poids de l'héritage de Zelda 3, la saga n'avance pas. Critiquable sur de nombreux points, Zelda II : The Adventure of Link a pourtant démontré que les mécanismes et le style de la série ne sont pas immuables...

Un morceau de la carte du monde de The Legend of Zelda : A Link to the Past.

Et si...

Oui, et Eiji Aonuma l'a même déclaré avec une franchise déconcertante dans le dernier Nintendo Direct en date, il faut sortir du cycle des donjons, inhérent à la série. Et pourquoi pas, dans ce même mouvement, complètement réinventer la forme de la quête de la Triforce, en proposant par exemple, un vrai monde ouvert, encore une fois, à la Elder Scrolls ?

D'autres chemins peuvent évidemment être envisagés pour la série créée par Shigeru Miyamoto (M. Aonuma a d'ailleurs laissé entendre que l'on ne jouerait plus forcément seul dans le prochain Zelda déjà en préparation sur Wii U) mais la myhologie d'Hyrule n'est-elle pas assez riche pour proposer un univers foisonnant, partagé entre les terres Goron, Zora, Kokiri et j'en passe, que l'on explorerait sur le dos d'Épona ? Il ne s'agit pas d'ailleurs de donner un aspect plus "mature" à la saga mais bien d'ouvrir ses perspectives, de lui redonner de l'ambition, de retrouver les sensations de l'aventure avec un grand "A", face à une routine qui s'est installée au fil des schémas similaires des derniers jeux de l'elfe en vert. Une quête principale épique, pour de vrai, qui fait de nouveau vibrer et plein de petites quêtes inhérentes à la série, dans des environnements dépaysants, à visiter librement, avec peut-être toujours un gros donjon dans chaque contrée, voilà de quoi faire rêver. Avec les ingrédients déjà présents dans l'ADN de la série, il semble juste nécessaire de prendre un plat et un four assez grands pour cuisiner le tout ! En celà, la Wii U est une console qui semble avoir un potentiel technologique suffisant. Non ?

À ceux qui ont peur d'imaginer Nintendo se lancer dans un défi qui les dépasse avec ce genre d'idées, rappelez-vous l'ampleur de The Legend of Zelda : A Link to the Past ! Depuis quand BigN n'a t-il rien proposé d'aussi ambitieux pour sa plus grande licence après Mario ? S'il n'a pas été un succès commercial au regard des ventes que l'on attend de la série Zelda (est-ce là le véritable problème ?) The Legend of Zelda : Majora'S Mask a eu le mérite de proposer une expérience différente, très chère à beaucoup de joueurs encore aujourd'hui. La saga de Link doit de nouveau compter et ne plus être une simple somme de fantasmes que l'on attend à l'E3, pour un résultat qui, il faut l'avouer, peut décevoir.

Le bouleversement s'opérera t-il avec Retro Studios dont la rumeur a bien souvent ramené le nom concernant le futur de Zelda ? L'avenir nous le dira mais une chose est sûre, pour conserver sa superbe, et en cela le dernier jeu sur Wii était un signal, la légende de Zelda doit se réinventer.

Skyrim, un mod (moche) de Zelda. Mais imaginez-vous parcourir librement les terres volcaniques des Gorons ou explorer les mystérieuses forêts Kokiri...