Plus de 10 ans, c’est le temps que Sony Pictures aura mis pour accoucher du film Gran Turismo. À l’origine, le projet était développé par le talentueux réalisateur Joseph Kosinski (Oblivion, Top Gun Maverick), ainsi que Michael De Luca (L’Antre de la folie) et Dana Brunetti (Cinquante nuances de Grey) à la production. Malheureusement, cette version piétine et finit par être enterrée.

Puis en juin 2022, tout s’accélère, l’adaptation refait surface avec un synopsis et l’annonce d’une distribution à l’été 2023. Une sortie qui apparaît précipitée alors que les enjeux sont de taille pour Sony. On parle tout de même de porter sur grand écran la franchise PlayStation la plus lucrative de tous les temps. La longue gestation a-t-elle eu un impact négatif sur le film Gran Turismo ? Est-il à la hauteur des ténors du genre ?

L’histoire vraie de la GT Academy

Pour adapter le simulateur mythique de course au cinéma, le réalisateur Neill Blomkamp (District 9, Chappie) s’est appuyé sur une histoire vraie. Celle de Jann Mardenborough, un natif de Cardiff au pays de Galles, qui a été le troisième et le plus jeune vainqueur de la GT Academy. Un concours mis en place par Nissan, PlayStation et le studio Polyphony Digital qui a offert, pendant plusieurs années, l’opportunité aux meilleurs joueurs de Gran Turismo de passer du monde virtuel au monde réel. L’objectif du concours : sortir numéro n°1 de la compétition pour décrocher un contrat de pilote automobile professionnel. 

Un rêve éveillé pour Mardenborough, incarné à l’écran par Archie Madekwe (Midsommar, Teen Spirit), qui ne vit que pour sa franchise fétiche. Au grand dam de son père qui le pousse plutôt à devenir un « vrai » athlète, footballeur de préférence, pour perpétuer l’héritage familial sportif et éviter de gaspiller son temps à jouer à des jeux vidéo dans sa chambre. À deux doigts d’entendre les « JV rendent violent », un discours qu’on entend aujourd’hui malheureusement. Les premiers instants du film Gran Turismo nous ont fait craindre le pire.

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Crédits : Sony Pictures.

Si le très charismatique Djimon Hounsou est un atout pour faire un peu oublier ce rôle très cliché du paternel un peu archaïque, bien que l’acteur ne rayonne absolument pas malgré tout le talent qu’on lui connaît, on a eu du mal à accrocher à la prestation d’Archie Madekwe. Mais surtout, c’est la multiplication des poncifs qui nous a inquiété. Entre les dialogues à base de « Salut les gamers », la salle d’arcade où s’entraîne parfois le jeune homme et la course poursuite du début avec des effets vieillots, on avait l’impression d’être de retour dans les années 2000 voire 90 avec des longs-métrages comme Gamer avec notre Saïd Taghmaoui (La Haine) national. Il est triste de voir quelqu'un comme Blomkamp, qui est familier avec le monde vidéoludique et qui travaille d’ailleurs sur un jeu cyberpunk, tomber aussi facilement dans ce genre de travers. 

Et évidemment, très rapidement, on nous rappelle le pouvoir infini de l’amour Gran Turismo avec Danny Moore de Nissan, le marketeux par excellence campé par Orlando Bloom (Le Seigneur des Anneaux). Sa mission : convaincre les pontes de la marque nippone des bienfaits de la licence de Kazunori Yamauchi. La simulation automobile ultime, vendue à des dizaines de millions d’exemplaires (ndlr : plus de 90 millions), qui a cette faculté unique de faire s’intéresser les joueurs aux voitures comme aucun autre support. De nourrir en eux une véritable passion pour les bolides qui servira aussi les intérêts de Nissan. Car ces amoureux de belles cylindrées représentent également une manne d’acheteurs potentiels d’après Moore. Un plaidoyer pour un gigantesque placement de produit qui a pour but, dans le film, de faire naître la GT Academy. Ces moments étaient, hélas diront certains, totalement attendus, comme dans d’autres adaptations vidéoludiques récentes, et se concentrent principalement dans la première partie du film. 

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Crédits : Sony Pictures.

Gran Turismo : un film aussi étonnant que déroutant

C’est le jeu, et surtout, le long-métrage parvient à s’affranchir de cette publicité géante même s’il demeure dans le fond une opération marketing à grande échelle. Il est évident que le but poursuivi par Sony, à l’image de Nintendo avec Super Mario Bros. le film, est de faire grandir ses sagas au-delà du spectre du jeu vidéo pour engranger toujours plus d’argent auprès d’un autre public, tout en essayant d’inciter les spectateurs à se payer une console PlayStation et ses jeux. 

Au milieu de toute cette publicité géante, le film Gran Turismo étonne par sa dimension dramatique et la place accordée au développement de ses personnages - excepté les secondaires qui sont trop souvent laissés de côté ou trop boiteux comme le rival du héros qui, heureusement, n’a pas beaucoup de temps à l’écran. Le cinéaste a certainement dû s’apercevoir de la faiblesse de ce protagoniste, et puis surtout, ça ne sert ni l’histoire ni l’objectif du jeune pilote. Ce n’est pas du grand cinéma - et ça ne cherche jamais à l’être d’ailleurs -, ce n’est pas fin pour un sou, mais Blomkamp sait rendre touchants ses personnages. Même Orlando Bloom, qui en fait des caisses dans son rôle de marketeux la majeure partie, arrive à avoir ses moments plus poignants.

Crédits : Sony Pictures.

Mais la vraie « révélation », c’est David Harbour, alias Jim Hopper dans la série Stranger Things de Netflix. C’est le seul qui apporte une nuance et qui soit le plus à même d’émouvoir. Ce vieux pilote qui a raccroché pour des raisons expliquées, qui accepte de coacher les apprentis pilotes, délivre une performance très solide en dépit d’un côté guimauve. C’est encore une fois cliché, mais ça fonctionne et Harbour permet à l’acteur de Jann Mardenborough d’être un peu plus attachant qu’au début. C’est bien entendu à des années lumière de la relation entre Harry et Cole dans Jours de Tonnerre, mais ça fait globalement le taf vu le long-métrage. Si l’on cite le film du regretté Tony Scott, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit d’une de nos madeleines de Proust. Non, c’est aussi parce que l’adaptation de Gran Turismo s’en inspire très clairement avec notamment un dialogue directement pompé et légèrement remanié. 

GT est également assez loin de productions similaires telles que Rush de Ron Howard ou Le Mans 66 de James Mangold (Indiana Jones 5). Et pas uniquement sur le plan dramatique ou vis-à-vis des acteurs. Gran Turismo est, à notre grand regret, décevant dans la mise en scène des courses, ce qui est forcément fâcheux. Attention, tout n’est pas à jeter et ce serait malhonnête de dire cela. À de très nombreuses reprises, le film est même une référence visuelle indéniable. La façon dont Blomkamp capture ces bolides avec des plans larges et aériens, qui rappellent les replays du jeu, ou plus serrés et ancrés dans le sol, est saisissante. Sony a de toute évidence mis le paquet pour fournir ce qu’il faut pour réaliser des séquences bluffantes, mais la photographie de Jacques Jouffret est à saluer. 

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Crédits : Sony Pictures.

La combinaison de tout cela offre donc un ensemble bluffant mais beaucoup trop inégal. Les scènes de pilotage sont trop souvent brouillées par cette volonté d’afficher en gros « Hey ! N’oubliez pas, c’est un jeu vidéo Gran Turismo ». Cette propension à hacher l’action pour révéler la position des pilotes avec un ralenti et un visuel disgracieux est (très) lourde. De même, le cinéaste ne cesse de nous montrer les regards des futurs professionnels, plutôt que de se concentrer sur les seules stars dans ces moments-là : les voitures. On a pas ressenti ce frisson comme dans les autres films cités plus haut. Aucun passage ne se démarque réellement et pire, certains à l’instar de cette partie sur le Nürburgring est survolée alors que l’on parle d’un des circuits les plus célèbres dans la franchise et dans le sport automobile. On nous a privé du spectacle qu’on était venu voir, ce qui n’a pas manqué de nous faire grincer des dents à plusieurs reprises. Et encore une fois, si on souligne cela avec une amère déception, c’est bien parce que le film Gran Turismo regorge de très beaux plans, voire magnifiques, durant les courses. Un goût d’inachevé pour un pari à moitié réussi.

Notre avis sur Gran Turismo : The Real Driving Simulator Movie ? 

Après Uncharted, qu'on a trouvé raté, on a été voir le film Gran Turismo avec une dose légitime d'appréhension. Mais aussi avec un espoir, celui de retrouver le réalisateur Neill Blomkamp à son meilleur. Bon, à ce niveau, ce ne sera pas le cas à notre grand regret. Néanmoins, le cinéaste met son savoir-faire au service d'un blockbuster lambda, mais d'une certaine efficacité, qui étonne par le traitement des personnages. Le long-métrage offre parmi les séquences de course les plus impressionnantes qu'on ait jamais vues, mais également les plus insipides. La faute à certaines séquences qui ne vont pas au bout des choses, qui ne procurent pas ce frisson et ce sentiment d'adrénaline attendus, alors même que Blomkamp est capable de proposer des visuels très léchés. Un divertissement honnête, mais qui aurait pu être plus que cela.