Cette grogne
récurrente ne semble pas inquiéter pour autant la filiale de Vivendi ni ses
dirigeants (Robert Kottick en premier lieu)  qui ne paraissent pas déroger à leur ligne
stratégique de recentrage de l'activité sur un nombre limité de licences à haut
revenu. Alors forcément, les joueurs se sentent floués, dépossédés de séries
mythiques qui leurs sont chères, et surtout pris pour des imbéciles par un
géant de l'édition dont le seul but ne semble être que le profit.Activision-Blizzard semble donc complètement déconnecté de ses consommateurs et
le fossé s'agrandit de trimestre en trimestre.

L'histoire économique a prouvé depuis les débuts de la
révolution industrielle qu'une entreprise qui ne contente plus ses
consommateurs est vouée à l'échec par l'assèchement progressif des débouchés
pour ses produits. Les exemples en sont nombreux et on pourra notamment citer
Kodak, dont les appareils photos argentiques ont vite été évincés par les
appareils numériques de la concurrence, provoquant la chute d'une entreprise
qui semblait jusque-là intouchable. L'industrie du jeu vidéo connaît également
son lot d'exemple malheureux : Sega, Infogrammes et consort ont tous raté
une évolution fondamentale du marché provoquant ainsi leur chute.

Pourtant, et malgré l'impression d'une rupture avec son
marché, Activision-Blizzard a publié la semaine dernière le meilleur
chiffre d'affaire de son histoire avec un exercice 2010 s'élevant à 4,45
milliards de dollars contre 4,28 en 2009 (soit une progression de près de 4%).
Les chiffres du résultat net de l'entreprise ne me sont pas disponibles, mais
on peut imaginer qu'ils suivent peu ou prou la même tendance.
Activision-Blizzard serait-elle donc l'exception à la règle économique de la
rencontre de l'offre et de la demande ou la rupture de l'éditeur avec son
public n'est-elle qu'une trompeuse illusion ? Il semble bien qu'il nous
faille choisir la deuxième réponse à cette question fondamentale.

Les ventes astronomiques d'un Call of Duty: Black Ops, qui tutoient
les 20 millions d'unités, prouve qu'il existe bien un marché de joueurs friands
d'expériences stéréotypées à grand spectacle, annuelles et mettant l'accent sur
l'expérience multi-joueurs. Que chaque nouveau Call of Duty batte des records
de ventes est une preuve que les consommateurs de jeu vidéo que nous sommes
sont prêt à débourser 70€ tous les ans pour profiter de cette expérience. Il
est donc tout à fait normal qu'Activision-Blizzard, qui avant d'être un éditeur
de contenu vidéoludique est une entreprise, et donc un acteur économique dont
la raison d'être est le profit, choisisse d'axer sa stratégie globale sur un
nombre limité d'IP, mais dont le succès économique est assuré. Agir autrement
serait une aberration économique qu'aucun dirigeant d'entreprise ne saurait
justifier. L'annulation définitive de la série des Guitar Hero et des True
Crime
n'est donc qu'une conséquence logique de cette stratégie, elle aussi
logique.

Alors bien sûr on pourra reprocher au géant de ne pas
réinvestir ses profits dans la création de nouvelles licences, de créer de
nouveaux studios, d'apporter de nouvelles idées à une industrie qui commencent
à épuiser tous ses poncifs.  Il est
indéniable que la plus grande partie de l'investissement créatif d'Activision
va vers le soutien de licences annuelles productives, dans le soutien de leur
développement accéléré et dans des campagnes marketing qui n'ont rien à envier aux
plus grands blockbusters hollywoodiens. Mais, pourquoi cette réticence à
investir dans la nouveauté. D'où vient cette risquophobie exacerbée qui tue peu
à peu la création vidéoludique ?

J'entends déjà toutes les voix des joueurs passionnés hurler
à tous vents que le risque est trop cher et qu'Activision préférera toujours le
profit certain à celui hypothétique d'une nouvelle licence. C'est sans aucun
doute une des raisons de cette aversion pour le risque d'Activision. Mais cette
aversion à une source, une cause profonde et cette cause c'est nous, les
joueurs, qui par notre comportement de consommateurs entretenons cette
situation.

 Les échecs
commerciaux de jeux novateurs comme Mirror's Edge, MadWorld ou Dead Spacepremier du nom sont la preuve que l'innovation n'est pas toujours récompensée
par le joueurs malgré un soutien de la presse et une volonté véritable de l'éditeur
de proposer des expériences nouvelles. L'année 2008 d'Electronic Arts a été
littéralement plombée par l'échec de deux jeux dans lesquels l'éditeur avait
beaucoup investis mais qui n'ont pas reçu le soutien escompté d'un public qui
réclame pourtant à corps et cris de la nouveauté. L'année d'après Call of Duty :
Modern Warfare 2
, suite réussie mais classique de Call of Duty 4: Modern
Warfare
, explosait tous les compteurs de l'industrie. Comment voulez-vous que
devant cet état de fait un éditeur soucieux de sa survie économique continue à
prendre des risques.

Alors, il est temps que les joueurs prennent leurs
responsabilités et qu'ils comprennent que l'acte d'achat est un acte militant.
Car il est clair que le jour où la série des Call of Duty ne sera plus la vache
à lait qu'elle est pour le moment, Activision n'hésitera pas une seule seconde
à l'arrêter elle aussi. Il est temps que les joueurs qui conspuent Activision
sur les forums la journée pour se retrouver sur les serveurs de Call of Duty :
Black Ops le soir même se remettent en cause et choisisse une attitude logique
avec leurs revendications. Il est temps que les joueurs sachent également
prendre le risque en achetant un jeu innovant plutôt que de tomber dans l'achat
rassurant d'une resucée éternelle de la même formule.

Les éditeurs ne sont pas des enfants de cœurs ni des œuvres de
charité.

Mais, très chers compagnons joueurs, il est grand temps de
prendre nos responsabilités.

Et moi le premier.  

Arthur

 

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