Une invitation à une fête moins réjouissante que prévue, un kidnapping de princesse avec son château par un mystérieux énergumène, l'introduction de Paper Mario : The Origami King se plie indéniablement aux traditions. Idem pour cet univers a priori familier débordant de couleurs à l'image de Color Splash et globalement constitué de papier, quoique ses fibres soient ostensiblement moins visibles (contrairement à l'aliasing en mode portable). D'autres matériaux et techniques picturales viennent confectionner les décors de ce fantastique hommage aux Arts plastiques gratifié ainsi d'un rendu plus naturel, quitte à perdre en cohérence. Et pour cause, cette tendance à s'extraire des conventions s'inscrivant à l'évidence dans la démarche d'Intelligent Systems qui privilégie le fond sur la forme, sans la réduire au rôle de papier peint. Plutôt que de gribouiller une énième fresque sur la même toile en gommant ses précédents défauts, le studio s'appuie sur l'origami afin d'engendrer un surcroît de relief dans tous les aspects de cet épisode, à commencer par la mise en scène.

Mise en plis

La platitude des personnages se montre encore plus trompeuse que d'habitude, leurs différentes facettes révélant tantôt des dess(e)ins, tantôt des traits d'humour renversants, de quoi se retrouver régulièrement plié en quatre ! Dans l'absolu, le scénario ne s'avère pas des plus surprenants, néanmoins il se distingue par la myriade de clins d'oeil et son auto dérision assumée. Certaines péripéties de ce Paper Mario mériteraient carrément d'être encadrées parmi les moments d'anthologie du jeu vidéo, soutenues par une bande-son épatante. Une audace que souligne le parti pris de devoir se séparer de compagnons résolument attachants au fil, ou plus exactement aux serpentins de l'aventure. Son déroulement demeure donc un tantinet linéaire, nonobstant les situations aussi variées que savoureuses suscitées par divers moyens de locomotion, et de pseudo-donjons assortis d'énigmes simples mais bien conçues à la Zelda. D'ailleurs, exit le découpage en chapitres et les régions uniquement reliées par des lignes sur une carte aplatie, ce monde se déploie réellement tout autour de Toadville.

Carte à déplier

Les environnements d'Origami King s'étalent en profondeur et en verticalité, sans souci de caméra pour couronner le tout, jusqu'à rappeler parfois Super Mario 64 ou Odyssey. Mais si les phases de plate-forme et plus généralement d'action manquent littéralement de profondeur en comparaison, y compris par rapport à Super Paper Mario, cet opus se paye le luxe d'offrir une architecture interconnectée, et pas seulement via des tuyaux cependant bien pratiques pour voyager rapidement à travers ces lieux dépaysants. Les confettis ramassés - une réserve grandissante la plupart du temps anecdotique - permettent de réparer des passages en rebouchant les trous, tandis que les pouvoirs des bras "multi-pliés" aident à défroisser les nombreux Toads cachés un peu partout, détecteurs de mouvement et vibrations des Joy-Cons optionnellement à l'appui. Une cueillette de champignons amusante tant du point de vue narratif que ludique, puisque les plus notables d'entre eux développent l'activité florissante de ces contrées, telles que les échoppes, le musée ou moult occupations annexes.

Battle (g)round

Dans le sillage lointain de la Porte Millénaire, les habitants secourus servent en outre d'armada de supporters de plus en plus massive durant les combats. Ceux-ci débutent comme de coutume avec un avantage ou un désavantage en fonction de la manière dont sont abordés les ennemis, toujours visibles afin d'éviter éventuellement les confrontations, voire de les expédier une fois Mario devenu plus costaud. Le timing reste de mise lors des actions offensives et défensives, toutefois sa gestion se veut sensiblement moins exigeante, en dépit de l'inventivité des stratagèmes origuerriers. Car l'accent se porte ici sur le positionnement des troupes dans l'arène, matérialisé par des cercles concentriques sur lesquels s'effectuent des rotations et des translations. Des mouvements limités en termes de nombre et de délai de réflexion, qu'il s'agit de planifier selon la nature de l'adversité, son placement, et les armes par conséquent choisies. Par exemple les bottes se destinent théoriquement à sauter sur les rangées d'opposants, le marteau à ceux groupés.

Casque-tête de combat

Les modèles de base ne s'usent pas, contrairement aux déclinaisons plus puissantes ou dotées de propriétés additionnelles, sans oublier le florilège d'objets usuels de Mario, un chouïa secondaires dorénavant. Encore un côté jetable hérité des précédentes itérations qui traduit pourtant une fervente volonté de donner un surplus d'épaisseur aux batailles, malgré un tempo relativement moins soutenu. Ce principe de ring mobile va dans ce sens, initialement troublant, souvent simpliste ensuite, et finalement très malicieux, dans la mesure où chaque affrontement intègre une solution pour s'en sortir avec un minimum de dommages, assez copieux le cas échéant. Du vrai casse-tête en somme, a fortiori avec les Boss, face auxquels la situation s'inverse. Alors que les sbires encerclent Mario au cours des joutes récurrentes, notre héros doit élaborer un cheminement adéquat jusqu'à ces créatures, facétieuses à de multiples égards, suivant leurs faiblesses et la tournure des hostilités. Rien d'insurmontable cela dit, tant Paper Mario : The Origami King joue délibérément la légèreté en matière de difficulté.

Moustache RPG

Avec les montagnes de pièces généreusement déversées, il n'y a aucune raison de se priver des bonus octroyés par le public si besoin, ni des solides aptitudes permanentes que procurent les accessoires. En l'absence d'XP, l'évolutivité se restreint ainsi à l'augmentation discrète des caractéristiques et des points de vie de Mario grâce aux coeurs, une démarche décidément balisée pour cette longue promenade de santé aux allures de RPG voué aux néophytes. Surtout qu'Olivia, la soeur du roi de pacotille à l'origine de cette "OrigamiFest" stupéfiante, endosse le poste de guide par le biais de conseils contextuels prodigués à l'envi. Le principal défi réside dans la collecte de nos chers petits champignons et de la pléthore de mini-trésors dissimulés aux quatre coins du royaume, une excellente raison de revisiter l'ensemble de ces destinations, sans parler d'en compléter les pourcentages et d'améliorer ses scores dans certaines épreuves (entre autres). Ce Paper Mario s'impose donc comme le nouveau souverain d'un genre qui n'appartient qu'à lui, et dont il repousse encore royalement les frontières.