En dépit d'une dernière version quelque peu en retrait sur portable, le temps ne semble pas avoir d'emprise sur le canevas de Xenoblade Chronicles, plus grandiose que jamais sur Switch. L'épée Monado, axe central de cette épopée, fend la ligne d'horizon, de la même manière que l'oeuvre de Tetsuya Takahashi avait profondément entaillé les traditions du RPG nippon afin de s'ouvrir aux aspirations modernes. Il suffit de (re)voir le splendide prologue pour s'en convaincre, porté par la symphonie frénétique de Yuko Shimomura. Ce morceau d'anthologie, né dans la fureur, n'a d'ailleurs pas requis de réorchestration, alors que les compositions vouées aux batailles et à l'exploration profitent de nouvelles interprétations. Hormis quelques variations rythmiques, celles-ci se distinguent essentiellement par l'usage de véritables instruments à la place des synthétiques. D'où un surcroît d'ampleur en parfaite harmonie avec cet univers massif, tandis que les sonorités électroniques font toujours l'écho de sa facette cybernétique, grâce à la possibilité de revenir aux musiques originales à tout moment. Idem pour les doublages anglais ou japonais dorénavant, via les menus judicieusement réorganisés.

Xenolift

Les évolutions se traduisent également en termes visuels, à commencer par un affichage en 720p avec la station d'accueil, le rendu sur l'écran de la console se montrant sensiblement plus flou. Toute la beauté de Xenoblade Chronicles s'étale enfin, quoique l'aspect rudimentaire de certaines textures et la distance d'apparition guère lointaine des composantes de l'environnement trahissent son âge. Cette Édition Définitive ne se limite pourtant pas à une simple transposition graphique, le décor présente de subtils détails supplémentaires tels que la végétation plus diversifiée ou les retouches architecturales. Évidemment, la principale différence réside dans l'aspect des personnages, aux visages redessinés pour se rapprocher du look plus cartoon du second épisode. D'aucuns y verront la volonté d'édulcorer la série, une impression renforcée par l'intégration de nombreuses aides comme le signalement interactif des Arts les plus appropriés et le mode Facile. Cependant l'ajout des modes Expert (pour attribuer manuellement une partie de l'expérience collectée) et de défis Contre-la-montre suggère une dimension plus sérieuse, malgré l'allure plutôt décontractée des tenues à gagner.

Xenofuture

Une lecture à double tranchant caractéristique de la saga qui définit aussi Un Avenir Commun, l'épilogue inédit accessible d'emblée. S'y lancer sans connaître toute l'histoire au préalable serait terriblement dommageable, au point de presque regretter que le (re)visionnage des cinématiques ne se déverrouille qu'au fil de l'avancée (à l'image de Xenoblade Chronicles 2). Car le sens et l'implication émotionnelle des évènements proviennent fondamentalement du vécu avec Shulk et Melia, qu'un duo de Nopons rejoignent rapidement. Dans le cas contraire, le classicisme de l'intrigue et l'outrageuse mièvrerie de ces compagnons risquent d'occulter la quintessence du propos, jusqu'à ce que chapitre d'une dizaine d'heures paraisse simpliste. L'absence de choix lors des conversations, renommées "apartés" au lieu des "tête-à-tête" renforce encore cette thèse. D'autant que si l'aventure débute avec des personnages au niveau logiquement élevé, la disparition des compétences et du pouvoir emblématique de Monado tend à restreindre les perspectives tactiques des affrontements. Et pour cause, la particularité majeure du système de combat reposant ici sur les Nopons, ou plus exactement les Ponspecteurs recrutés.

Xenopons

Ces Nopons d'élite apportent des techniques spéciales selon leur couleur, et une fois sous tension maximale, ils permettent de déclencher un assaut surpuissant appelé "opera-pon", éventuellement suivis d'un "tour en rab". Faute d'enchaînements de groupe, supprimés, la mécanique s'avère d'une redoutable efficacité, et motive encore davantage à arpenter l'épaule de Bionis dans ses moindres recoins pour retrouver nos valeureux explorateurs, assujettis chacun à une quête. La plupart de ces missions manquent certes de substance narrative, à l'instar de celles que confient les autochtones, mais la découverte de ces lieux habilement structurés en millefeuille n'en reste pas moins exaltante. Un magnifique théâtre à la mesure de cette conclusion qui creuse le passé des protagonistes tout en esquissant leur avenir, de fait moins ouvert que le laissait imaginer la fin sur Wii et 3DS. Et bien que le mode Collection et autres bonus amiibo de ce dernier aient disparu, les éléments obtenus à l'issue de cette itération Switch (quant aux Arts notoirement) constituent un endgame plus stimulant, ne serait-ce que pour vaincre fièrement les ultimes Boss, sans verser dans l'excès, ni le superflu.