"Dragon Ball Z, le gentil Sangohan (sic), Dragon Ball Z, combat tous les méchants [...] Son père était un héros, le grand le vaillant Sangoku (re-sic)." Voilà comment la regrettée Ariane Carletti résumait vaguement le pitch de Dragon Ball Z au début de chaque épisode. Si vous venez lire ce test, il y a de fortes chances pour que vous connaissiez déjà par coeur l'histoire racontée dans DBZ. C'est justement en exploitant cette connaissance, et l'amour, des fans pour le scénario original que Bandai Namco et CyberConnect2 veulent vendre Dragon Ball Z : Kakarot. De l'arrivée de Raditz à la destruction finale de Majin Buu, cet Action-RPG permet de revivre l'intégralité de DBZ du point de vue de ses personnages principaux. Et il n'est pas ici question d'un simple enchaînement de combats. Les à-côtés de la vie des Guerriers Z sont également jouables. Si le concept avait déjà été vu dans la sympathique série des Legacy of Goku, il n'avait jamais été réalisé sur console de salon avec une envergure telle que celle dont bénéficie Dragon Ball Z : Kakarot.

Il y a DBZ, et le reste

Votre serviteur n'a jamais caché son goût pour les histoires inédites dans les jeux vidéo Dragon Ball, le scénario original étant, après tout, connu de tous depuis belle lurette et vu et revu dans les innombrables adaptations de la série sur consoles au fil du temps. Mais force est de constater que DBZ n'a jamais été aussi bien raconté dans un jeu vidéo que dans Dragon Ball Z : Kakarot. La qualité de la narration du jeu, ainsi que celle de l'histoire originale, ont par ailleurs pour effet pervers de souligner la relative faiblesse des scénarios inédits créés pour les jeux DB de ces dernières années. Mais, on s'éloigne de ce dont il est question ici. Les différentes scènes cultes vues dans Dragon Ball Z : Kakarot sont reproduites avec un tel talent qu'elles replongent dans l'intrigue comme lors de sa découverte initiale. Le joueur s'agace devant la naïveté de Goku face à Raditz, s'émeut des morts successives des Guerriers Z face à Nappa et vibre à nouveau lorsque Goku laisse exploser sa rage face à Freezer. Des sensations comme ça, on en redemande.

Niveau mise en scène, le jeu atteint par moment des sommets avec des cinématiques de toute beauté qui font vraiment honneur aux moments les plus marquants de Dragon Ball Z. Une fois n'est pas coutume, les doubleurs japonais originaux (pour ceux qui sont encore parmi nous) font un travail remarquable, peut-être encore plus motivé que ce qu'il a été possible d'entendre dans certains jeux de ces dernières années. Et le tout gagne en puissance via l'utilisation de certaines pistes issues de la bande-originale de la série. Les musiques composées pour la télévision par Shunsuke Kikuchi n'ont pas pris une ride et font véritablement monter l'impact du jeu d'un cran (les musiques de la série sont accompagnées de morceaux créés pour le jeu et ces dernières remplissent convenablement leur rôle). Le seul reproche qui peut être fait à la mise en scène vient du côté vieillot de certains dialogues moins importants. Ces derniers n'ont le droit qu'à des personnages peu animés et expressifs, avec des échanges uniquement proposés à l'écrit. Cela tranche avec ce que le jeu propose par ailleurs.

L'histoire originale, mais pas que

Si Dragon Ball Z : Kakarot s'était contenté de reproduire l'intrigue originale à la lettre, beaucoup s'en seraient certainement contentés. Le jeu de CyberConnect2 va cependant plus loin que ça en étoffant la mythologie officielle de la série. Des trous sont comblés et des éclairages inédits sont fournis au sujet de certaines scènes ou personnages connus. Via des scènes trouvées dans la campagne principale ou des quêtes annexes, le joueur peut par exemple comprendre pourquoi Chaozu a décidé de se faire exploser pendant le combat contre Nappa, il peut aussi découvrir de qui C-16 tient ses traits, ou encore apprendre la raison de la présence d'humains à l'apparence d'animaux dans le Dragon World. En plus de ça, des références aux ajouts récents, via des jeux vidéo, à "l'univers Dragon Ball étendu" sont également faites sans que cela ne dénature l'oeuvre originale. Et comme dit juste au-dessus, le jeu propose des quêtes annexes en parallèle de l'histoire principale. Celles-ci sont en grande quantité et mettent souvent en scène des personnages qui ont quasiment disparu de la circulation lorsque le Z a été rajouté après Dragon Ball.

Cela étant dit, et aussi sympathique que soit le fait de revoir Oolong ou Tao Paï Paï, ces quêtes ont la fâcheuse tendance d'être des quêtes Fedex, qui nécessitent souvent d'aller chercher des objets par-ci par-là et de les ramener au point de départ. Quand on sait ce qu'implique le passage d'une zone à une autre vis-à-vis des temps de chargement (voir plus bas), il aurait été appréciable que certaines quêtes soient un peu plus condensées. Il ne peut en tout cas pas être reproché au jeu de manquer de choses à voir et à faire. Histoire de vraiment chipoter, les fans de Dragon Ball qui apprécient TOUS les Guerriers Z pourront quant à eux regretter que le jeu ne permette pas d'incarner plus de héros (dans les Interludes par exemple) et que certains passages de l'intrigue ne donnent pas lieu à des séquences jouables. L'entraînement de Goku auprès de Kaïô, par exemple jouable dans le Dragon Ball Z : Goku Hishôden sorti sur Game Boy en 1994, aurait pu ici donner lieu à des mini-jeux amusants. Mais ces réflexions sont vraiment de l'ordre du détail. Finir l'aventure principale et la majorité de ses quêtes annexes demande plus de 40 heures. Les joueurs qui choisiront de terminer le jeu à 100% devront ajouter un certain nombre d'heures de jeu supplémentaires à ça.

Action-RPG accessible

Le gameplay de Dragon Ball Z : Kakarot est découpé en deux parties. La partie exploration, dont il est question plus bas, et la partie combat. Cette dernière ne devrait pas déstabiliser les joueurs habitués à des titres comme les Dragon Ball Xenoverse car sa prise en main ressemble fortement à celle de la série de Dimps. Les combats se déroulent dans des arènes en 3D et le joueur a accès à des actions basiques (frappes au corps à corps, boules de ki, téléportation, brise garde) ainsi qu'à des techniques spéciales (et pour certains personnages des transformations) activables en appuyant sur deux touches. Pendant certains combats, le joueur est accompagné d'un ou deux personnages de soutien qui se battent de manière autonome mais qui peuvent employer deux techniques à la demande et qui ont également la possibilité de réaliser des attaques combinées. Du côté des ennemis, la plupart des combats se déroulent de manière globalement classique. Les boss de chaque chapitre peuvent cependant déclencher des attaques spéciales qui altèrent temporairement le gameplay et qui demandent au joueur de trouver un moyen d'esquiver. Si les professionnels de ce type de gameplay parviendront à n'en point douter à effectuer de beaux enchaînements, les joueurs plus novices pourront s'en sortir en réalisant de puissantes attaques de ki à répétition. À condition d'avoir suffisamment fait progresser son héros.

Action-RPG oblige, à chaque personnage, gentil comme méchant, est associé un niveau et diverses statistiques. Du côté des personnages jouables et des personnages de soutien, diverses actions hors combat peuvent être effectuées pour faire grimper les différentes statistiques : consommer de la nourriture, créer des associations d'emblèmes de personnages sur les différents tableaux communautaires et "faire des cadeaux" à ces mêmes emblèmes. Si ces concepts peuvent sembler un peu opaques en lisant ces lignes, ils le sont également lors des premières heures passées sur le jeu. Les explications données à ce sujet en début de partie sont relativement vagues et les développeurs auraient certainement pu trouver un meilleur moyen d'expliciter la chose. Heureusement, tout fini par devenir clair et utile à force de pratique. Pour ce qui est du niveau d'expérience des ennemis, le joueur peut initialement craindre un écart de puissance important entre lui et ses adversaires. Mais s'il prend la peine de faire les quêtes annexes et les entraînements au fur et à mesure de son avancée dans l'histoire, son niveau de puissance évoluera de manière à permettre d'affronter les ennemis principaux sans avoir à grinder au préalable.

Vacances à Kame House

Depuis l'annonce de Dragon Ball Z : Kakarot, Bandai Namco a souvent insisté sur le fait que son titre n'est pas un jeu en monde ouvert. Mais dans les faits, il n'en est vraiment pas loin dans les moments de l'aventure durant lesquels les déplacements sont libres. La map de DBZK est constituée de plusieurs zones, chacune d'entre elle correspondant à un petit monde ouvert reprenant les célèbres décors du Dragon World (pied de la Tour Karin, Satan City, montagnes de la région de la maison de Goku, lieu de l'affrontement entre Goku et Vegeta, etc.). Et le jeu ne demande pas au joueur de survoler des lieux vides. En fonction du type d'environnement, les régions sont plus ou moins peuplées (les grandes villes grouillent d'habitants tandis que les étendues désertiques sont... désertes ou presque) et disposent de leur propre faune. S'il est possible de survoler ces différents lieux à toute vitesse, le joueur a également la possibilité, s'il le souhaite de tout parcourir à pied ou à bord d'un véhicule (les véhicules arrivent dans la seconde moitié de l'aventure), de plonger dans la mer pour fouiller les fonds marins, d'aller parler avec des PNJ, dont certains bien connus, ou encore de chasser et pêcher. De nombreuses références et autres clins d'oeil plus ou moins discrets étant disséminés aux quatre coins du monde, il y a fort à parier que les fans de Dragon Ball n'ont pas fini de partager des captures d'écran de leurs trouvailles dans le jeu.

À noter également que dans Dragon Ball Z : Kakarot, le fan-service se manifeste également via l'encyclopédie in-game. En atteignant certaines étapes de l'histoire, en rencontrant des personnages spécifiques, en trouvant certains objets ou encore en menant à terme des quêtes annexes, le joueur peut compléter cet ouvrage virtuel. Et ce dernier recèle d'une grande quantité d'informations à propos de nombreux éléments vus dans le jeu et dans Dragon Ball Z d'une manière générale. En plus d'un dictionnaire des protagonistes (qui se remplit d'informations cachées en terminant certaines quêtes annexes et en progressant dans l'aventure principale), il est ici possible d'écouter à loisir les musiques du jeu, revoir ses cinématiques, observer les images de Dragon Ball trouvées sur la map, consulter des diagrammes expliquant les liens des personnages entre eux, etc. Les fans de Dragon Ball ne manqueront certainement pas d'apprécier cet ajout.

Presque comme l'anime

Depuis la sortie du magnifique Dragon Ball FighterZ, un nouveau problème se pose pour les jeux Dragon Ball sortant sur console de salon. En effet, leur réalisation est immédiatement comparée à celle du jeu de combat d'Arc System Works. Et Dragon Ball Z : Kakarot ne déroge pas à cette récente règle. La modélisation des personnages n'atteint pas ici le niveau de qualité vu dans FighterZ et certains visages ont parfois un petit truc qui cloche (comme Trunks adulte par exemple). Mais l'écart visuel est bien plus réduit entre FighterZ et Kakarot qu'il ne l'est par exemple entre FighterZ et Xenoverse 2. Pour une adaptation de Dragon Ball proposant des combats dans des arènes en 3D et de vastes environnements ouvert et animés, Dragon Ball Z : Kakarot propose les graphismes les plus beaux vus jusqu'à présent. La modélisation, les couleurs et le rendu des environnements et des personnages replongent totalement dans l'anime (d'autant plus que les développeurs ont fait l'effort de modéliser la grande majorité des tenues vues, même brièvement, dans la série) et se paient le luxe d'être sublimés par de magnifiques effets de lumières lors des attaques spéciales. La patte de CyberConnect2 est clairement visible ici, est c'est une très bonne chose.

Tout n'est cependant pas parfait dans la réalisation de Dragon Ball Z : Kakarot. Outre les quelques visages un peu en deçà des autres, le jeu souffre de quelques problèmes d'optimisation, y compris sur PS4 Pro. Lors des phases d'exploration par exemple, il arrive que le framerate baisse sensiblement pendant un instant ou que des PNJ n'apparaissent pas complètement. Des freezes de quelques seconde peuvent aussi être subis pendant une sauvegarde automatiques. Tout cela se remarque, mais il est possible de faire avec sans que cela ne soit trop pénible. Le défaut technique le plus déplaisant est incontestablement la fréquence et la durée des temps de chargement. Alors que le joueur doit passer d'une zone à une autre pour trouver les Dragon Balls ou pour compléter une quête annexe, ou lorsque les scènes cinématiques s'enchaînent, se retrouver face à de longs temps de chargement à répétition agace véritablement et coupe le rythme du jeu. Le joueur en vient d'ailleurs à planifier ses déplacements pour essayer d'esquiver au maximum les temps de chargement ("en allant là, je peux d'une pierre deux coups déclencher une quête annexe, acheter des objets de soin, et récupérer une Dragon Ball"). Dommage.

Zéro pour sang

Entre la fin de la diffusion de Dragon Ball Z au Japon en 1996 et 2020, il s'est passé quelque chose qui s'est révélé être à la fois une bénédiction et une malédiction pour la licence : l'explosion en popularité de DBZ en Amérique du Nord. Cette dernière a eu pour effet bénéfique de totalement relancer la machine commerciale Dragon Ball et a permis aux fans de la première heure, dont les Français font clairement partie, d'avoir le droit à de nouveaux jeux vidéo tirés de la série. Le deuxième effet Kiss Cool, provoqué par l'ultra sensibilité américaine vis-à-vis de certains types de contenus, réside dans la censure de contenus perçus comme choquants dans DBZ. Si les joueurs n'ont ici heureusement pas le droit à un Mr Popo devenu bleu (oui oui, ils l'ont fait), ils sont tout de même mis face à la censure d'un certain nombre d'éléments.

Transpercés par le Makankosappo de Piccolo, Goku et Raditz ne saignent pas (le sang est tout simplement absent du jeu). Après s'être transformé en Oozaru contre Vegeta, le petit Gohan reçoit un pantalon comme par magie. La scène au cours de laquelle C-17 décapite le Dr Gero n'est tout simplement pas montrée. Même chose pour Cell qui écrase la tête de C-16. Et là ne sont que quelques exemples. Cette censure n'empêche pas d'apprécier le jeu, mais pour un titre qui se veut hommage fidèle à l'oeuvre originale, cela fait un peu tâche (mais pas de sang pour le coup). Pourquoi ne pas avoir proposé une option "adulte" dans les options ?

La Légende Saien

Un autre couac du jeu réside dans ses sous-titres en français. Certains ironiseront peut-être sur le fait que la traduction dans la langue de Molière donne involontairement un côté nostalgique supplémentaire au jeu auprès de ceux qui ont connu les « traductions » françaises des jeux Dragon Ball durant les années 90. Mais il n'empêche que les sous-titres en français de Dragon Ball Z : Kakarot sont symptomatiques de la manière de faire de Bandai Namco Entertainment en matière de traduction. Il est évident que les traducteurs français ont traduit directement les dialogues anglais du jeu et qu'ils ont fait leur travail à partir de textes, autrement dit sans voir ce qui se passe à l'écran à ce moment là.

Les pauvres traducteurs ont donc traduit littéralement des expressions idiomatiques américaines à l'aveugle, ce qui donne dans le jeu final des dialogues en français qui n'ont parfois aucun sens. En être là en 2020, c'est un peu limite. C'est ce petit manque de soin qui empêche toujours Bandai Namco Entertainment de faire du haut de gamme pour ses jeux à licences. Lors de notre première prise en main du jeu lors de l'E3 de juin dernier, il nous était de plus apparu que la façon de parler des personnages ne correspondait pas toujours à l'oeuvre originale et la période à laquelle elle a été écrite. Et cela peut se ressentir à certains moments dans le jeu final. Là encore, ces constatations ne gâchent pas le plaisir de jeu mais elles font tilter les fans les plus pointilleux.