Sorti à l'origine sur iOS en septembre 2015, le premier jeu du studio allemand Pixel Maniacs fait le pari de (très) largement s'inspirer, sans rougir, du surprenant titre de Valve pour tenter de proposer une autre forme de puzzle-game à la première personne, entre hommage respectueux et libertés assumées. Et si la connaissance pointue de la première aventure pas si cloisonnée de Chell n'est cependant pas nécessaire pour profiter de ChromaGun, les clins d'oeil et emprunts sont tellement nombreux que la comparaison finit à la longue par clairement desservir le jeu, qui ne manque pourtant pas de bonnes idées.

Une Valve à trois temps

ChromaGun tente naïvement de se différencier un tant soi peu de son illustre modèle dès ses premières minutes, mais la mise en place ne trompera pour ainsi dire personne : si Chell entamait son échappée telle un cobaye de laboratoire, c'est très spontanément que le héros de Pixel Maniacs franchit les portes de l'entreprise ChromaTec. À mi-chemin entre Aperture Science et Abstergo, l'entreprise modèle aux murs d'un gris aussi triste que contemporain vous félicite d'abord d'avoir répondu à son annonce pour servir de sujet-test (surtout quand la rémunération plafonne à $10), avant de rapidement vous remettre l'arme éponyme qui structure le gameplay du jeu.

Si l'entrée en matière fait de gros efforts pour paraître sarcastique et tenter de reproduire la subtile critique du monde l'entreprise offerte à l'époque par Valve, le ton manque malheureusement sa cible et la mayonnaise ne prend pas vraiment. Non pas que l'écriture soit particulièrement mauvaise, mais il y a déjà eu tellement mieux en la matière que la comparaison ne joue pas franchement en faveur de ChromaGun. La narration tentera jusqu'au bout de générer un semblant de suspens, mais ce n'est clairement pas pour son jeu d'acteur ou ses enjeux que l'on vous conseillera de venir repeindre les murs.

Rainbow Frag

Car c'est bel et bien de peinture dont il sera finalement question tout au long de la grosse cinquantaine de salles, constituant autant d'énigmes à résoudre à grands coups de pigments primaires. D'abord équipé d'une seule et unique teinte - celle des cocus - le bien-nommé ChromaGun permet de repeindre la plupart des surfaces en bleu, rouge ou jaune, et de les mélanger entre elles pour obtenir les mélanges secondaires désirées. Et si l'on se donne la peine d'autant repeindre les murs, ce n'est pas parce que l'ancienne propriétaire avait des goûts plus que discutables, mais parce que les robots présents vont automatiquement réagir aux couleurs exposées.

Baptisés WorkerDroids, ces objets rondouillards et plus ou moins agressifs sont en effet automatiquement attirés vers les cloisons recouverts de la même couleur qu'eux. Il faudra ainsi s'aider des contours de chaque pièce pour les déplacer sur les interrupteurs au sol qui permettront de passer à la salle suivante, le tout sans jamais directement les toucher. Et si l'on toise de haut les premières énigmes d'un sourire narquois, ChromaGun propose dès son troisième chapitre un challenge très stimulant qui nécessite observation, réflexion et planification. En effet, certaines salles tentaculaires prennent un malin plaisir à vous troller au moment même où vous pensez en voir le bout, ce qui oblige ainsi à les recommencer en intégrant le pot-aux-roses.

T'es trop jeune mon gars, pose ton ChromaGun

Et si vous pourrez au départ repeindre à l'envi les murs comme les WorkerDroids, ChromaGun pimente régulièrement les règles du jeu en ajoutant assez de contraintes et de nouveautés pour ne pas en faire qu'une bouchée. Les surfaces grillagées, que ce soit aux murs ou sur les droïdes, par exemple, ne sauraient être modifiées, ce qui oblige à composer avec des contraintes plutôt intéressantes. Mais si les nouveautés sont ajoutées régulièrement jusqu'au bout de l'aventure, Pixel Maniacs donne néanmoins l'impression d'avoir quelque peu rushé le gros oeuvre, puisque l'on se découvrira bien vite des super pouvoirs de speedrunner, dans la mesure où beaucoup de salles affichent des failles béantes qui ne demande qu'à être exploitées.

Il n'est du coup pas toujours évident de voir la difficulté véritablement progresser d'une salle à l'autre, puisqu'on se retrouve souvent à enchaîner une énigme retorse et au long cours avec des mécaniques monstrueusement simplettes. Autant être franc, ce déséquilibre assez voyant ne joue pas en la faveur de ChromaGun, qui nécessite de passer outre son côté brouillon pour mieux apprécier ce qu'il offre par moment d'original. Ce n'est pas pour son scénario pompé jusqu'à la moelle sur Portal ou encore son dénouement plus-générique-tu-meurs que l'on se plongera dans cette copie décomplexée, mais bien pour les quelques énigmes vraiment ingénieuses qu'il propose dès lors qu'il s'éloigne, justement, de son modèle.