À moins que vous n'ayez passé les dernières décennies loin d'un écran de télévision ou d'un pad, il y a donc de fortes chances pour que vous ayez déjà pris une carapace au coin de la tronche, et même plusieurs si vous avez tardé à vous remettre en piste. Je ne vous ferai donc pas l'affront suprême de vous présenter cette ô combien vénérée saga. Et pour ce qui est de l'épisode original, je vous renvoie même carrément au test de TigerSuplex, qui vous remettra si besoin les idées en place.

C'est bon, on y est ? Parfait. Donc, nous allons évidemment nous attarder sur ce qui fait la spécificité de cette version dite "Deluxe", qui n'a heureusement rien à voir avec une ancienne formule d'un insipide dealer de hamburgers. Au rang des ajouts anecdotiques, notons d'abord un roster légèrement enrichi, puisque six nouveaux personnages viennent rejoindre les rangs des pilotes de ce sport psychotique. Parmi eux, les Inklings de Splatoon viendront ravir les fans du TPS post-apo post-ado sorti en 2015, ou tout simplement les joueurs avides de dégainer une pose transpirant la classe au moment d'un boost en saut bien exécuté.

Luigi doit rester poli et s'taire

Mario Kart 8 Deluxe embarque également avec lui l'intégralité des DLC disponibles jusqu'alors, et ce sera donc sur pas moins de 48 circuits (oui Madame) que vous et vos futurs ex-amis pourrez vous tirer la bourre comme jamais. Entre les nouveaux tracés parfois issus des licences les plus récentes ou le melting pot de parcours rétro, difficile de faire la fine bouche quant au contenu gargantuesque qui vous attend ! Et si on voulait être vraiment pénible - ça tombe bien - on pourrait quand même pinailler sur l'absence totale de nouveauté dans ce domaine. 48 circuits, c'est évidemment remarquable, mais les mordus du volant les ayant d'ores et déjà retournés dans tous les sens (et donc aussi en mode Miroir, CQFD) n'auront malheureusement rien d'inédit pour satisfaire leur appétit d'asphalte.

Allez, consolez-vous : si vous avez l'âme d'un explorateur de salon, vous pourrez toujours relever les sympathiques améliorations graphiques qui viennent embellir chaque environnement. Non seulement Mario Kart 8 Deluxe est d'une fluidité et d'une finesse sans pareille, mais Nintendo a également pris le soin (et le temps) de peaufiner moult détails dans les différents décors du jeu. Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais ce souci de l'habillage lui confère un bonus d'âme non-négligeable : cette version fourmille de vie ! Que ce soit dans l'omniprésence des techniciens de la MKTV ou les innombrables panneaux et écrans qui parsèment le background, Mario Kart 8 Deluxe parvient à nous faire regarder ailleurs, un comble pour un jeu de course ou le moindre faux-pas est toujours fatal.

Notons également l'ajout assez anecdotique de deux items revenus d'entre les morts : la plume (non, l'autre, avec une minuscule) qui permettra aux plus agiles de sauter par-dessus un adversaire avec classe et décomplexion en mode battle, ou ce bon vieux fantôme qui, en plus de voler un item adverse, permettra un bref moment de répit en proposant quelques secondes d'invisibilité. On en sera pas à se taper le cul par terre, mais il fallait bien le souligner.

Ah, et sinon les doubles items sont de retour. Pour de vrai ? Pour de vrai ! Joie. Allégresse. Plénitude.

"Est-ce qu'ils flottent ?"

Mais la véritable nouveauté de ce Best-of est bien évidemment le retour de l'emblématique mode Battle. Puisqu'il semblait manquer à quelques extrémistes révolutionnaires dans sa version d'origine, Nintendo joue l'apaisement et balance direct cinq modes de jeux en arène, là où Mario Kart 8 tentait le pari complètement fou (et perdu) de faire s'affronter les joueurs sur les courses du mode Grand Prix...

Passons sur les modes "Bataille de ballons" et "Bataille de pièces" (qui, s'ils ne font pas preuve d'une originalité à se taper le cul par terre ont au moins le mérite d'être explicites dans leurs intitulés), pour nous intéresser aux nouvelles joyeusetés qu'embarque cette microscopique cartouche. Le mode "Traque sur la piste", tout d'abord, propose une sympathique chasse à l'homme en divisant les huit protagonistes en deux clans : l'un sera systématiquement armé de Plantes Piranha et n'aura de cesse de poursuivre l'autre, devenu une bande de proies en puissance. Chaque adversaire sauvagement dévoré finira tel Link chez les Gerudo, dans une cage aux dimensions d'un appartement parisien. Ses compagnons encore en vie n'auront alors de cesse de les délivrer de ce mitard en activant la clé situé juste en dessous. Ou ils pourront aussi vous faire un gros doigt et tenter la survie en solo, mais c'est une attitude que nous n'avons pas à juger.

"You're my Sex bob-ombs"

Le mode "Bob-ombs à gogo" (ou "C'était pas ma guerre", comme on l'appelle déjà chez moi) reprend la très classique lutte pour faire péter les ballons d'autrui, mais avec un twist savoureux : tous les items disponibles (et je dis bien TOUS) seront des... Bob-oms. Bravo. On comprend du coup bien vite pourquoi vous vous retrouvez crédité de cinq vessies de baudruches numériques au lieu de trois : c'est la putain de guerre, mon gars ! Cumulables jusqu'à dix, les bombes ne laissent aucun répit aux pauvres conscrits enrôlés de force dans ce massacre, symbole de la folie humaine. On apprendra bien vite à doser la force avec laquelle on enverra l'une de ces saloperies explosives sur l'adversaire, quitte à en dropper quelques-unes sur sa route, on n'est jamais trop prudent par les temps qui courent.

Enfin, la "Capture de soleil" ressuscite ledit collectible de Mario Sunshine et lui attribue le rôle de l'Anneau : objet de toutes les convoitises et prétexte aux traîtrises les plus viles, ce mode obligera l'esthète du kart à conserver ce précieux sésame vingt secondes durant pour fanfaronner et cracher sur ses adversaires. Bien entendu, les fameux adversaires n'auront de cesse de se liguer avec malice contre le détenteur de l'Anneau, pour qui les secondes en question paraîtront durer une poignée de siècles. Fort heureusement, les quelques instants chèrement grappillés seront conservés sur un compte épargne déblocable sans imposition à votre majorité. Concrètement, il ne faudra pas systématiquement se retaper l'interminable compteur dans son intégralité, sans quoi la moindre partie entamée après le dîner pourrait vous conduire jusqu'aux premiers rayons de l'aurore...

Somewhere over the Rainbow Road

Switch oblige, cette version Deluxe s'emporte évidemment partout, et on en viendrait presque à se demander si Mario Kart 8 n'était en effet pas sorti trop tôt. Remarquable de stabilité et de fluidité à deux sur le même écran, il obligera les potes nomades à investir dans quelques Pads Pro, tant les Joy-Con s'avèrent crispants pour un jeu qui met aussi souvent les nerfs à rude épreuve. Qu'à cela ne tienne, on lui pardonnera bien cet écart, sachant qu'il propose une utilisation très agréable du moqué Rumble HD : que l'on ramasse une simple pièce ou que l'on roule un patin inattendu à un mur de briques, les sensations manette en main sont remarquablement bien rendues et offrent un véritable complément d'information bienvenu, surtout lorsqu'il faut lutter contre les sarcasmes de vos amis, ou de la Terre entière.

Car Mario Kart 8 Deluxe vous enverra également au firmament lors de ses joutes en local, que ce soit lors de ces bonnes vieilles courses ou des nouveaux modes Battle, à vous les nuits blanches et les partiels ratés ! Et cette fois-ci, il n'y a plus d'excuse pour louper le coche : à plusieurs sur le même écran (en "tolérant" un frame rate à 30 fps au lieu de 60 dès que l'on passe à trois ou quatre joueurs), en regroupant plusieurs consoles en local (jusqu'à deux joueurs par machine, huit belligérants au total quelle que soit la configuration), Nintendo a mis les petits plats dans les grands.

Même tonton Albert pourra venir taunter comme un PGM grâce au mode conduite assistée (attention à le désactiver cependant, puisque la console vous considère au démarrage comme un gros noob des familles). Personne ne ressortira frustré de l'expérience, puisque tous les modes et toutes les configurations seront d'emblée disponibles : il suffira de créer un lobby pour voir tous vos amis débarquer les uns après les autres, quitte à ce que la multiplication des Mii toute droite sortie d'un épisode de Naruto ne rende l'un de vos amis mégalo. Comme sur le mode en ligne de la version Wii U, chacun (ou chaque paire de joueurs si vous partagez une même Switch) choisira un circuit ou une arène avant de croiser les doigts devant le jeté de dés qui décidera de la scène du futur pugilat. Quel que soit le niveau de la course ou les règles du mode Battle, tout se change en un clin d'oeil sans mettre fin à la session en cours. Les temps de chargement éclairs ne laissent place qu'à peut d'intimidation verbale avant de partir en trombe sur la ligne de départ. On a connu plus retors !

En ligne de mire

Le mode online demeurant désespérément vide à l'heure où nos publions ce test, nous n'avons pas eu la joie de parader avec une énorme couronne sur la tête (un sympathique ajout) parmi les joueurs de France et de Navarre. Nintendo n'ayant pas cru bon de permettre l'importation des données de Mario Kart 8, il faudra à nouveau remonter la pente tel un saumon sorti de son oeuf pour faire grossir son score. La bonne nouvelle, c'est que la présence d'office des 48 circuits ne scindera plus le réseau en deux, et que le parc installé de Switch permettra de remplir plus rapidement les lobbies désertés par une vague de départ soudaine. Du moins, on ne peut que l'espérer. Précisons enfin que, comme sur la version Wii U, il est possible de jouer en ligne à deux sur la même console en écran splitté.

C'est peu dire que le hardware transforme l'essai avec maestria : déjà fabuleux sur cette vieillissante Wii U, l'expérience Mario Kart 8 revient tout simplement transcendée sur Switch, dans une version tellement gavée de contenu que vous n'aurez pas assez d'une vie pour en faire le tour. Et comme chaque nouvelle fournée de pote suffit à relancer illico la donne, on tient sans doute ici le meilleur Mario Kart jamais sorti. Carrément.