On continue et on arrive sur la fin de notre mini marathon de tests Gameblog d'un genre si particulier : le Visual Novel. Et après les géniaux Root Letter et Steins;Gate 0, le moyen Tokyo Twilight Ghost Hunters, voici donc venir The Silver Case, ou "Shirubâ Jiken" en version originale. Ce titre bénéficie d'une aura plus qu'intéressante, puisqu'il s'agit du premier jeu sur lequel le fantasque Goichi Suda, alias Suda 51, à véritablement posé sa patte et sa folie, tout en fondant son célèbre studio Grasshopper Manufacture. Initialement sorti en exclusivité sur la PlayStation première du nom en 1999, il avait failli ressortir sur Nintendo DS à peu près au même moment que No More Heroes. Mais faute de résultats convaincants sur l'utilisation des deux écrans de la portable de Nintendo, le projet avait été annulé. Il est finalement revenu il y a peu sur PC dans une version "remasterisée", mais s'apprête aussi à sortir sur PS4 au mois d'avril 2017.

D'un point de vue historique, et surtout si l'on est fan du bonhomme et de tout le travail artistique qu'il nous a proposé au fil de ses réalisations, toujours très original, bizarroïde et torturé, il est très intéressant de voir quelle à été sa première vision créative forte d'un jeu vidéo, et les influences qui auraient pu rester par la suite. Dans un titre comme Killer is Dead, on pouvait clairement identifier le lien de parenté avec ses précédentes productions comme Killer7 ou No More Heroes. Ici, et étant donné l'âge relativement avancé de ce Silver Case, c'est plutôt vers Flower, Sun & Rain qu'il faudra se tourner pour voir une véritable influence, gameplay et ambiance oblige.

CASE 51

Et du coup, on n'est pas sur un jeu d'action bas du front, mais bel et bien, comme je vous le disais en introduction, sur un Visual Novel, un jeu avec un minimum de gameplay et énormément de narration. Et on va déjà pouvoir sentir, plus de dix-sept ans avant la sortie du dernier né du studio, Let It Die, l'influence assez folle de Goichi Suda. The Silver Case ne se contente pas d'être un simple Visual Novel. Ce qui se passe à l'écran est juste complètement décalé, avec un système de fenêtres se superposant, un peu comme si l'on se trouvait face à un écran de PC faisant tourner de multiples applications. Et là, on peut y lire différentes couches d'informations, comme les personnages présents sur la scène, une fenêtre de dialogue, une autre avec un visuel du lieu dans lequel on se trouve, et même, en fond, des messages subliminaux apparaître furtivement pendant que le texte défile. Cela crée une ambiance très particulière, d'autant plus que les médias utilisés passent aussi bien par les magnifiques illustrations de Takashi Miyamoto que des vidéos "live" tournées avec de vrais acteurs, mais aussi quelques séquences animées, qui ont d'ailleurs plutôt mal vieilli, ces dernières semblant tout droit débarquer de notre enfance et d'une VHS des Tortues Ninja abîmée par moult rembobinages dans le magnétoscope du salon familial. Cet aspect un peu cradingue est d'ailleurs un choix voulu par Suda 51 lui même, les premiers prototypes du remaster ne lui convenant pas, car trop lisses.

Au niveau du scénario, The Silver Case va aussi faire preuve de pas mal d'originalité. À commencer par le découpage en deux parties de cette histoire. Une première faisant office d'arc "principal", ou l'on va pouvoir suivre notre avatar, engagé malgré lui dans le bureau s'occupant de tous les crimes les plus sordides de la société dystopique adoptée par le jeu comme background. Il est le seul rescapé de l'évasion de Kamui, le tueur légendaire d'un vieux dossier : l'affaire argentée (mais vous l'aviez deviné). Après le périple de son évasion, Kamui va entraîner dans son sillage d'autres êtres humains à devenir à leur tour des meurtriers, un peu comme si la tendance à tuer son prochain se répandait comme une maladie, ce qui fera beaucoup penser au scénario d'un manga paru deux ans avant la sortie initiale du jeu : MPD Psycho (que ceci ne me rajeunit pas...). Les six chapitres de cette histoire vont donc proposer des phases de gameplay (dont nous reparlerons plus tard) visant à faire la lumière sur l'histoire qui se trame derrière le "Silver Case", mais ce n'est pas tout. Une autre partie, elle aussi en plusieurs chapitres et proposant beaucoup moins d'interactivité et de gameplay, va quand à elle faire la lumière sur les aventures d'un journaliste enquêtant sur les faits.

The Boring Case

The Silver Case propose donc une approche ultra originale du genre Visual Novel, en adoptant cette narration toujours très surprenante dix sept ans après. Mais malheureusement, malgré toutes ses qualités intrinsèques, elle souffre aussi de gros défauts inhérents à l'âge de cette production. À commencer par l'absence totale de voix dans les longues scènes de dialogues (et ce malgré un travail de remixage de la partie sonore par Akira Yamahoka...). Uniquement le très agaçant bruit d'un clavier qui tape à toute vitesse. Ajoutez à cela des échanges à rallonge, pas toujours pertinents dans l'avancée du jeu, et l'ennui n'est jamais très loin... Certains passages sont longs. Vraiment longs. D'autant plus que vous ne serez que spectateur de ces conversations, sans véritable choix déterminants à faire. Le véritable gameplay, il faudra aller le chercher ailleurs.

Je vous parlais dans la première partie de cet article de ces phases présentant un peu plus de jouabilité que le reste, dans l'arc principal de l'histoire. Ces passages ne sont pas franchement non plus une grande réussite. Dans la petite fenêtre affichant des graphismes Playstation 1, vous allez déplacer votre avatar en vue subjective case par case, à la manière d'un Dungeon-RPG assaisonné d'un soupçon de Point'n'click, pour enquêter sur les cases ou l'icône affichée est différente des autres. Vous aurez alors bien souvent à résoudre quelques énigmes, pas forcément bien ficelées, mais qui peuvent être passées si jamais vous ne vous sentez pas l'âme d'un Sherlock Holmes en herbe. Mais l'impression générale qui se dégage du titre reste plutôt négative tant les commandes sont poussives et peu intuitives, et l'histoire très difficile à suivre à cause de l'absence de voix et la présence de passages longuets. A l'instar du Deadly Premonition de Swery65 (le fils spirituel de Suda51), seuls les plus courageux pourront en voir le bout et apprécier à sa juste valeur un scénario et une mise en scène tirés vers le bas par un gameplay d'un autre âge et un rythme peu soutenu qui n'est pas aidé par l'absence de voix.