Nos amis Japonais ont le chic pour imaginer des scénarios improbables, au sein d'univers encore plus délirants, et de les raconter de manière si consciencieuse que l'on se laisse finalement emporter. La série Donjon Mystère en constitue un parfait exemple, puisque l'on y incarne à chaque fois un humain transformé en Pokémon, qui débarque inopinément dans leur monde, dont l'avenir ne tardera pas à reposer sur ses épaules. Malgré ce pitch tombé de nulle part et les conversations plutôt niaises de nos monstres de poche, le récit se révèle de plus en plus captivant, à mesure que l'on s'attache aux principaux protagonistes, jusqu'à s'émouvoir devant leurs états d'âme. Surtout que cet épisode prend le temps de développer le caractère des différents personnages et tout spécialement leurs relations, au cours d'un passage à l'école des explorateurs qui fait office de tutoriel. Une phase assez longuette, très dirigiste, et néanmoins nécessaire tant le challenge se montre élevé quasiment d'emblée, contrairement aux Portes de l'Infini qui ne devenait plus exigent (et intéressant) qu'à partir de l'endgame.

Fushigi no Dungeon

Pour mémoire, il s'agit toujours d'un Dungeon-RPG à l'ancienne, autrement dit de dédales générés aléatoirement où chaque mouvement compte pour un tour, qu'il consiste à faire un pas ou à lancer une attaque. Si le gameplay a presque des airs d'action RPG à première vue, il s'avère plus proche du jeu d'échecs, comme le souligne la division du terrain en cases, visibles au besoin. La progression se résume à arpenter les étages à la recherche de l'escalier menant au palier suivant, sans retour en arrière possible. Pokémon Méga Donjon Mystère supprime d'ailleurs les sections en extérieur éventuellement synonymes de petites énigmes de son prédécesseur, pour se concentrer sur l'immersion dans ces éreintants labyrinthes plus spacieux (et moins longs) que par le passé. Bien que la carte se dévoile progressivement sur l'écran tactile, l'exploration n'a guère d'importance, randomisation oblige. En revanche ces vagabondages permettent de collecter de l'expérience et des objets, absolument cruciaux pour s'en sortir. La gestion de l'inventaire demeure un point essentiel, car en plus de la taille limitée du sac, son contenu est ici perdu intégralement en cas de défaite (pareil pour l'argent).

Sac à malice

Un châtiment encore plus sévère qu'auparavant, et qui survient en outre plus fréquemment face aux Boss. C'est là que se sépare la route entre ceux qui continueront l'aventure, ou pas. L'objectif n'est pourtant pas de brutaliser les débutants, ni de rallonger artificiellement la durée de vie en contraignant à recharger le dernier point de sauvegarde. Fidèlement aux traditions du genre, ce côté punitif vise simplement à faire exploiter judicieusement tous les outils dont on dispose. A commencer par les offensives Synchro préprogrammées, plus percutantes que celles d'équipes d'antan, même si elles ont un impact non négligeable sur le facteur faim, réincorporé pour intensifier la pression. De même, l'attirail d'accessoires est globalement remplacé par les anneaux à sertir de joyaux pour bénéficier de divers bonus parfois extrêmement efficaces, notamment les méga évolutions. Encore faut-il ramasser ces "éphélites" avant qu'elles ne soient réduites en poussière, ce qui suppose une planification soigneuse des déplacements. De toute façon, les statistiques boostées et autres immunités obtenues ne durent que jusqu'à la fin du donjon.

Amicalement vôtres

Ces mystères riment décidément beaucoup avec éphémère, une raison de plus de s'appuyer sur ses compères. Il n'est ainsi pas toujours évident de déterminer la marche à suivre, avec ces sauvegardes temporaires, ces gemmes volatiles et ces architectures systématiquement changeantes. On se retrouve quelquefois devant des équations délicates, voire insolubles, du fait de la nature aléatoire de ces variables, y compris le comportement pas forcément très docile des compagnons contrôlés par l'IA. Heureusement, à l'image de la croissance de leurs capacités que partagent ensuite toute l'équipe, les Pokémon recrutés restent à nos côtés. La méthode pour les attraper a cependant été modifiée, car ils ne demandent plus à nous rejoindre plus ou moins au hasard à l'issue d'un combat, mais proposent leur aide une fois qu'on leur a rendu service, en l'occurrence par l'accomplissement de certaines tâches. Et celles-ci donnent alors accès à d'autres missions, les amitiés nouées avec des Pokémon ouvrant la voie à de nouvelles rencontres. Une orbe des liens vient représenter ces relations tentaculaires et facilite la collectionnite des 720 créatures incluses, soit la totalité du cheptel existant.

Monstruosités

Pas besoin non plus de trop tergiverser pour le choix du Pokémon incarné, ou de son partenaire, initialement désignés par un questionnaire comme autrefois. En effet, l'incidence du principe de résistance et de faiblesse est sensiblement amoindrie, afin de maximiser le potentiel des combinaisons d'éphélites. Idem pour les aptitudes spécifiques aux différents types (par exemple le pouvoir de traverser les précipices pour les Pokémon volants), la séparation qui en résulte risquant de mener l'ensemble du groupe à sa perte. Prudence et stratégie sont donc plus que jamais requises, d'autant que la taille de l'équipe est dorénavant restreinte à trois et que l'on croise régulièrement des adversaires surpuissants, en particulier au sein des donjons optionnels. Le niveau souvent démesuré des recrues compense un peu maladroitement ces pics de difficulté, tout en encourageant leur utilisation, à l'instar de la manoeuvre introduite pour pousser ses camarades, qui servent ainsi de gardes du corps. Et si l'on se retrouve vraiment au tapis, il reste encore l'option d'envoyer un message de détresse, à nouveau par le biais d'un mot de passe ou de QR code.

Pokemon Souls

Ces sauvetages vont de pair avec les habituels courriers mystères assortis de récompenses, mais ceux qui ne souhaitent pas patienter ont à présent aussi le choix de partir eux-mêmes à la rescousse de leurs ouailles, aux commandes des Pokémon peuplant l'île Békipan. Ce lieu paradisiaque rassemble une bonne partie des fonctions multi joueur, puisqu'il autorise également l'envoi de Pokémon secouristes en ligne ou via le StreetPass, faute de pouvoir entreprendre des missions à plusieurs désormais (même en réseau local). Pokémon Méga Donjon Mystère n'en demeure pas moins très ouvert d'un point de vue social, en témoigne l'ajout de partage de vidéo de ses expéditions à travers le CinéMiaouss, hélas trop restrictif pour susciter un intérêt suffisant. Cet opus n'hésite pas non plus à se priver d'expériences plus ou moins ambitieuses des Portes de l'Infini, telles que les donjons téléchargeables, ceux générés en réalité augmentée (Magna Carta) et surtout la construction d'un petit monde à sa guise. Cela ne l'empêche pas de prendre de l'envergure, l'épopée s'étalant sur plusieurs continents, de sorte que l'on ne soit plus cantonné à un seul village ou presque.

Échappées belles

Chaque cité dispose d'une atmosphère distincte, un aspect cosmopolite qui s'exprime aussi dans la bande son, encore plus travaillée qu'à l'accoutumée. Entre les anciennes mélodies plus ou moins remixées et les compositions inédites, les musiques se distinguent par leur fraîcheur, même après de nombreuses heures d'écoute en boucle. De quoi atténuer la répétitivité inhérente au genre, quoique les décors des dédales donnent vite une impression de déjà vu. Mais Pokémon Méga Donjon Mystère donne sans doute encore davantage envie de s'y plonger, ne serait-ce que pour connaître le fin mot de cette histoire fort bien écrite, et qui se poursuit une fois de plus bien au delà de sa conclusion. Une chose est sûre, la saga revient à l'essentiel, en terme de gameplay et de narration, pour mieux en étoffer les différentes constituantes, quitte à s'éloigner de ses aspirations populaires. A quoi bon essayer de convaincre ceux qui considèrent uniquement Pokémon comme une franchise pour les enfants, ou que le donjon RPG n'est qu'une mécanique vieillotte ? Voici en tout cas la réponse de Chunsoft, que chacun pourra apprécier à sa juste valeur.