Rory McIlroy a décidément tout pour lui. En une saison, le Nord-Irlandais, 26 printemps à peine, s'est taillé un palmarès hors norme, a ravi la place de numéro 1 de la discipline, a empoché 48,3 millions de dollars (12ème sportif le mieux rémunéré en 2014), a capitalisé sur son image de gendre idéal en signant un contrat juteux avec Nike... Normal que EA Sports, à la recherche d'un nouveau visage pour encourager les ventes d'une de ses licences phares, se soit penché sur son joli drive. EA a en effet décidé de miser sur le patron du circuit pour remplacer Tiger Woods sur la jaquette du jeu PGA Golf. La fin d'une ère fructueuse -770 millions de dollars encaissés- entre les deux parties qui aura tout de même duré quinze ans. Sans aucune marque d'infidélité. Le terminus d'une aventure inimaginable, qui a vu un phénomène unique casser les codes rigides de son sport.

Ce deuil ne s'est pas effectué sans heurt, et c'est après une saison blanche que EA a ressorti ses clubs et son plus beau polo pour espérer passer le cut de la critique. Sa promesse ? Un jeu plus beau et réaliste que jamais grâce à l'appui de son moteur Frosbite 3, déjà vu à l'oeuvre sur Battlefield 4. La différence graphique ne saute pas vraiment aux yeux, comparée aux précédents épisodes. Pire, la palette de couleurs, qui vire au sépia jaune, est d'un triste effet quand des ralentissements, aliasings et autres animations ratées (on en parle des mouvements des arbres robotisés ? et de la présentation du parcours qui pique les yeux ?) nous gâchent le plaisir de taper dans la petite balle blanche. Côté immersion, ça fait plus film de vacances au mini-golf du Grau-du-Roi que retransmission TV sur feu-Sport + à Augusta... L'ambiance feutrée en plus.

Faire du vieux avec un jeune

Les habitués de la série retrouveront néanmoins ce gameplay précis et exigent qui demande à la fois une parfaite appréhension du terrain (influence du vent, dénivelé des greens) et une belle dextérité avec le pad. Les tutoriels et menus, entièrement en anglais, ne sont pas conçus pour mettre en confiance notre sportif du dimanche, mais il faut avouer que le coup de main est plutôt facile à prendre. D'autant qu'il existe trois sortes de jouabilité (arcade, classic et tour) selon son niveau et son degré d'exigence avec plus ou moins d'assistance pour se rapprocher de l'expérience réelle. C'est d'ailleurs cette marge de progression qui fait le charme du titre tant on se surprend, sur la durée, à aligner des coups auparavant improbables. Certes, le manuel du parfait golfeur n'est pas totalement respecté car manquant de réalisme et de sensations (placement des pieds n'a pas d'impact sur la trajectoire de la balle, par exemple) mais un public néophyte, patient et téméraire s'en contentera et saura exploiter toutes les possibilités du jeu.

En revanche, les autres, les élitistes, se retrouveront vite à court de challenge. Ils ne goûteront plus à l'esprit familial des Country Clubs, fonctionnant sur le principe des guildes de MMO, qui donnaient la possibilité de se regrouper à 100 sur Internet dans un même club. Cette absence injustifiée enlève le souffle collectif bienveillant de ce mode, qui apportait beaucoup au multi. Désormais, les modes en ligne se résument à du face à face et aux traditionnels tournois journaliers et hebdomadaires. Du classique, donc, comme la traditionnelle partie carrière vue et revue ailleurs, avec ses objectifs à atteindre, ses équipements à débloquer et sa place de numéro un mondial à aller chercher.

Pour dénicher un peu de fun, il faudra jouer les clubbers et explorer le Night Club Challenge qui recense une série de challenges plus ou moins fantaisistes (170 au total). Cela rappelle le bon vieux temps des Virtua Tennis avec un côté plus austère -golf oblige- et une ambiance nocturne des plus sympathiques. Cette audace, à laquelle s'ajoute la grande variété des parcours -204 trous dont un emprunté à Battlefield 4- et l'absence de délimitations du terrain (on ne se retrouve plus hors limite lorsqu'on se trompe de fairway) donnent un petit côté revigorant à une série qui s'offre paradoxalement un étonnant retour en arrière.

Car plus de stagnation, on parlera de fléchissement pour qualifier ce Rory McIlroy PGA Tour, le premier sur les consoles nouvelle génération, trop restreint question réglages pour s'adresser aux puristes et pas assez funky pour les autres. Comme quoi rajeunir la série sur la forme avec une nouvelle égérie sans changer le fond n'est pas toujours synonyme de réussite. Une politique contestable, tout comme l'est de sortir un jeu avec un patch -certes gratuit- de 3,5 Go pour corriger les erreurs remontées par les premiers joueurs. En attendant bien sûr les DLC et la course aux équipements griffés...