Petit cours de rattrapage pour ceux qui ne connaîtraient pas Puzzle and Dragons, alias PAD : il s'agit d'un puzzle game reposant sur des mécaniques très similaires à celles de Bejeweled, à l'instar de Candy Crush Saga. Cependant, GungHo Online Entertainment y a ajouté une touche de RPG dans la lignée de Puzzle Quest, avec un style aux airs de Dragon Quest, le tout associé à un principe de chasse aux monstres façon Pokémon. Et ce cru "Z" renforce encore cette ressemblance, puisqu'il comporte un scénario où l'on incarne un dompteur de dragon, confronté aux vilains émissaires de Paradox, qui projettent de détruire le monde de Dracomancia. Enfin, si on ose appeler cela un scénario, tant ce ramassis de personnages stéréotypés et de rebondissements téléphonés s'appuient sur les poncifs du genre, sans parler de l'humour, digne d'une cour de récréation d'école primaire. Une intrigue on ne peut plus classique et rudimentaire en somme, à l'image de la réalisation au rendu old-school, la 3D auto stéréoscopique en plus. Seules exceptions, les décors présentés en vue subjective des donjons se montrent plutôt agréables à l'oeil, tout comme le look franchement mignon des bestioles.

L'ABC...Z du dompteur

En clair, le périple se résume à effectuer des allers-retours entre la bourgade de Zed City et des dédales répartis sur les différents continents. Évidemment ces passages en ville permettent de papoter avec les autochtones, de se voir confier des quêtes annexes et surtout de s'occuper de son cheptel de créatures. L'élevage consiste à faire éclore leurs oeufs, les améliorer et déterminer leur évolution, cette gestion incluant également la formation des équipes, un point crucial en fonction de la faune présente dans les donjons. Une fois prêt, il suffit alors de choisir un allié, éventuellement sélectionné parmi les recrues du StreetPass, puis de partir à l'aventure. La carte et ses éventuelles bifurcations s'affichent sur l'écran tactile, occupé ensuite par la grille d'orbes lorsque l'on se retrouve face aux ennemis. Car les batailles se déroulent via un système de puzzle, en l'occurrence aligner horizontalement ou verticalement un minimum de trois orbes pour qu'elles disparaissent et laissent la place à celles qui tombent du dessus, dans l'optique de réaliser des combos. Les points obtenus infligent des dommages au camp adverse (ou restaurent la santé avec les orbes de coeur).

Désordre d'orbes

La principale particularité du gameplay réside dans les déplacements, qui ne sont pas restreints aux orbes voisines mais soumis à une jauge de temps. En outre, les orbes sur lesquelles on passe avancent d'une case en sens inverse, de sorte que chaque tour demande à la fois de la dextérité et de la réflexion. D'autant que les éléments ont un énorme impact sur les dégâts, suivant un traditionnel rapport de pierre/feuille/ciseaux, ici l'eau, le feu et le bois, complétés par le duo distinct ténèbres et lumière. Enfin les compétences passives du leader et celles des coéquipiers activées durant les confrontations viennent encore épicer les hostilités. Au delà des sorts habituels tels que les soins ou les changements de statut, ces talents permettent de modifier les orbes contenues dans la grille, ce dont les ennemis ne se privent pas non plus, orbes spéciales à l'appui. Il y a ainsi de nombreuses subtilités à découvrir dans le maniement des orbes, idem pour la richesse du bestiaire avec sa myriade d'évolutions, sans oublier les monstres échangés avec d'autres dompteurs pour façonner des escouades de choc. Seulement voilà, on a beau manoeuvrer les orbes avec doigté, il arrive forcément un moment où le jeu nous informe - souvent de manière brutale et face à un Boss - qu'un surcroît d'entraînement est requis.

Tout se paye

Qu'à cela ne tienne : le leveling est monnaie courante dans le domaine du RPG, néanmoins la mécanique fondamentale de Puzzle & Dragons change dramatiquement la donne. En effet, la portée des combos que l'on peut anticiper se limite à la partie visible de la grille, si bien que les orbes qui tombent de l'extérieur dépendent du hasard. Ou plutôt d'un algorithme, celui-ci décidant par conséquent de la tournure des batailles. Et quand on sait qu'il a été initialement conçu pour une formule de Free To Play, tout s'écroule. A l'origine, Puzzle & Dragons vise à faire dépenser de l'argent, un stratagème masqué par l'usage d'une devise fictive et un étalement des achats par le biais de micro transactions (o)pressantes. En particulier quand on bute sur un Boss, avec la menace de perdre tout ce qui a été récupéré dans le donjon en cas d'abandon (XP, objets et oeufs). Heureusement, cette mouture 3DS s'affranchit de ces méthodes de monétisation et de la connexion permanente, puisque l'on a déjà payé son jeu. Pas besoin d'attendre ou de vider son vrai porte monnaie pour remplir sa réserve d'énergie, tandis que le précieux butin est conservé suite à une défaite. Malgré tout, de tels aménagements ne résolvent pas les soucis engendrés par cette recette, qui conduit à adopter la même tactique que ceux qui refusent de se délester du moindre centime avec la version F2P : la patience.

Le prix de la liberté

Mais dans quel intérêt ? Certes la manipulation des orbes a un côté grisant, de même que la "collectionnite" des monstres et la quête de puissance, toutefois la nature artificielle du challenge rend la démarche bien creuse. La déclinaison dédiée à Super Mario Bros. ne fait que souligner ce manque de sens, en dépit des efforts consentis pour adapter les composantes de Puzzle & Dragons à l'univers du Royaume Champignon (notamment les vies), et le charme irrésistible de ce dernier - mention spéciale au bestiaire. La quasi absence d'histoire (un énième kidnapping de princesse) met en évidence le vrai visage de Puzzle & Dragons : celui d'une machine à sous déguisée en puzzle game enrobé de RPG. Et paradoxalement, sans la pression financière, le jeu perd de son attrait, de la même manière que tenter sa chance au jackpot gratuitement et sans espoir de gain ne saurait longtemps émoustiller les foules. Dans ces conditions, PAD Z s'avère un simple passe-temps, parfois presque soporifique, faute d'être en mesure d'exercer toute son emprise. Or il existe des puzzle games plus ingénieux, ainsi que des RPG conceptuellement et scénaristiquement plus élaborés sur 3DS. La preuve qu'un jeu n'est pas nécessairement transposable d'un support à l'autre, même en essayant d'exploiter ses spécificités à bon escient.