Sa motorisation puissante, ses lignes racées et élégantes, son style prestigieux, sa transmission aussi discrète qu'efficace... on pourrait presque en parler comme le ferait une pub pour une sportive de luxe. Et parmi les autres sportives de sa catégorie, Devil May Cry 4 s'est incontestablement inspiré de God of War, pour la grandiloquence de ses boss, le côté corps à corps et chope mélangés de son nouveau héros, Nero, et de multiples autres détails. Grand bien lui en a pris.

NeroXXor

La grande nouveauté de ce volet, c'est le clone teenager de Dante, Nero. Ou, plus précisément, le Devil Bringer, son bras à rallonge lui permettant de choper les ennemis ou de s'en rapprocher en un éclair. C'est aussi un bon moyen de coller quelques passages mâtinés d'une plate-forme aérienne. Mais surtout, ce nouvel "accessoire" rend les combos encore plus fluides, ouvre des possibilités de juggle insoupçonnées et s'avère à l'arrivée bien plus qu'un simple gadget, ou qu'un élément de design et de scénario. Bref, Nero est un personnage efficace, qui reste certes, pour l'essentiel, un clone de Dante aux répliques de lycéen, mais se manie avec exaltation dans ce qui devient vite des ballets d'une boucherie souvent aérienne à la fluidité et à la précision inouïes. Appuyé par ce qu'il faut de mises en scène in-game féroces et servi par les effets graphiques magnifiques du jeu, le combat avec Nero est plus dynamique, plus haletant et presque plus prenant qu'avec Dante, dont l'arrivée un peu tardive sous notre contrôle déboussole presque après s'être habitué à Nero la ballerine.

Dante rêves

Alors, c'est la tuerie du début à la fin ? Pas tout à fait. Devil May Cry ne serait pas ce qu'il est sans Dante, et on peut dire que son entrée frappe très fort. En termes de mise en scène, s'entend, dès l'ouverture... tant qu'on y est, d'ailleurs, je ne m'appesantirai pas sur l'histoire et la mise en scène ; c'est du DMC, c'est à dire grandiloquent et ridicule, bourré de poses et de répliques qui fleurent bon l'auto-parodie, et surtout un prétexte assumé pour défourailler du démon avec classe, dans une ambiance gothique punk qui prêterait à rire dans le monde réel. Or donc, pour revenir à Dante, s'il assure son rôle dès le début du jeu, il ne passera sous notre contrôle qu'après une douzaine de niveaux, et là, la dynamique de l'ensemble prend un tournant tout à fait différent. Et c'est le début des problèmes...

L'expérience des vieux

D'abord, c'est le retour des quatre styles (trickster pour le mouvement, swordmaster pour le corps à corps, gunslinger pour les flingues, et royalguard pour la protection), qu'on peut mélanger à loisir au sein d'un même combat en appuyant sur leur direction associée sur la croix. Autant dire que c'est un peu le bordel et que si vous n'êtes pas un poulpe, jongler efficacement d'un style à l'autre s'avère compliqué. Assimiler à nouveau Dante est compliqué. Se passer de Devil Bringer est compliqué. Tant et si bien que de prime abord, le rythme d'apprentissage réussi du premier acte en prend un coup, d'autant qu'on repart en quelques sortes de zéro, obligé de désapprendre les habitudes acquises avec le jeunot, pour repartir sur de nouvelles bases avec le vieux. Sauf que la difficulté de l'ensemble, elle, suit toujours la même dynamique. Evidemment, on pourra toujours jouer en difficulté "humain", ou activer le mode "automatique" pour ne pas avoir à assurer nos combos tous seuls, mais ce serait faire preuve de bien peu d'amour propre, et surtout passer à côté de la vraie raison d'être du titre : un gameplay huilé et pensé pour les joueurs chevronnés et exigeants, ceux qui veulent péter de l'enchaînement SSS, accumuler les notes de style parfaites et poster en ligne leurs scores de poseur professionnel sur les leaderboards incorporés à ce volet.

Allers-retours hardcore

Sans cliché sexuel aucun sur le joueur de jeu vidéo, disons qu'il ne fait pas toujours bon ménage avec les allers-retours. Et finalement, si l'arrivée de Dante comme personnage jouable marque un deuxième acte qui intéresse obligatoirement celui qui est en quête de gameplay encore plus raffiné et complexe, dans les faits, on ne fait que refaire à l'envers la route de Nero, avec les mêmes boss et quelques ajustements du bestiaire ! Quelques petites variations dans le level design et basta jusqu'au dénouement de l'aventure ; c'est à dire un tournant qui débute sur une petite frustration (un Dante qu'on attendait à mort mais qu'on peine à maîtriser, et qui semble moins adapté que Nero au bestiaire), et échoue à se renouveler autant que le premier acte. Les fans absolus en feront leur affaire sans broncher, pour tirer tout le jus de Dante et exprimer leurs MaDSkilLz à la manette, mais la plupart des autres risquent de déchanter un poil.

God of War meets Ninja Gaiden

Voilà pour le plus gros écueil de ce titre, qui reste incontournable pour les amateurs qui ne jurent que par le old school à la Ninja Gaiden, là où on meurt, où c'est dur et où il faut se coller des crampes aux mains pour maîtriser l'outil. Car au-delà de ce problème, des errances occasionnelles de caméra, de l'insupportable musique de combat pseudo-indus qui répète forcément ses boucles tous les 3 mètres, et de quelques autres détails pour chipoter (les ombres, l'arme Guilgamesh un peu ratée...), DMC4 assure du grand spectacle. Capcom livre un game design certes classique, voir rétrograde (les portes obstruées le temps de nettoyer une salle, les puzzles ultra convenus), mais maîtrisé, avec ses niveaux courts, pensés pour être refaits dans une optique de performance, ses missions cachées exigeantes, ses modes de difficulté croissants, son bestiaire varié adapté aux mécaniques des héros et son système de notation, qui prend en compte chaque utilisation d'objet ou de Continue avant d'attribuer les points d'expérience. Ceux-ci peuvent être redistribués un peu à loisir (entre les niveaux où aux statues parsemant les niveaux), automatiquement si on a la flemme d'optimiser tout ça, et les orbes rouges ne servent plus que de monnaie pour les objets... C'est somme toute le meilleur des deux mondes ; de quoi prendre un peu les débutants par la main, mais une profondeur réelle pour les fondus. Le tout à 60 FPS, sur PS3 comme sur Xbox 360, avec des loadings quasi-inexistants (au prix de 25 minutes d'instal' sur PS3), et un visuel Next-Gen comme on aimerait en voir plus souvent venu du Japon. Difficile de se plaindre.